Vestiaire privé

Elle est prof de math et fille de Louis de Vries, mais surtout amoureuse de son hobby.

C’est une grande première en Belgique : on aura bientôt, sur les pelouses de D1, un arbitre assistant… féminin. ElladeVries (31 ans), a déjà officié dans ce rôle lors de Beveren-Brussels, en D2, juste avant la trêve.  » On est un peu décontenancé et on doit sans doute vaincre certains préjugés. « , reconnaît MarcGrosjean, coach du Brussels.  » Mais elle a fait un très bon match, dans des conditions difficiles car le terrain était gelé et la partie qu’elle devait superviser était particulièrement glissante. Cela dit, peut-être que certains joueurs devront revoir leur vocabulaire…  »

 » Jouer était trop dangereux « 

Ella est la fille de l’ancien manager et agent LouisdeVries :  » J’ai baigné, depuis ma plus tendre enfance, dans le milieu du ballon rond. Pourtant, lorsque j’ai voulu jouer, mes parents me l’ont interdit ! Ils trouvaient que c’était une discipline trop dangereuse. Je me suis essayé à d’autres sports, notamment de combat, mais l’attrait du foot restait très fort. Mes parents m’ont alors conseillé l’arbitrage. Cela m’a plu et j’ai commencé par des matches de jeunes. J’avais 18 ans. Aujourd’hui, je suis souvent en contact téléphonique avec mon père. Je pense qu’il est fier de moi.  »

Louis de Vries a débuté sa carrière dans les années 60. Il a organisé des concerts des groupes ThePebbles et MiddleoftheRoad en région anversoise, et fit également partie de l’organisation du premier grand festival de jazz belge à Bilzen. Début des années 80, il fit irruption dans le monde du football en tant que manager de l’Antwerp, mais démissionna au terme d’un différend avec EddyWauters. Il devint alors agent de joueurs (il eut notamment sous contrat MarcDegryse et FrankyVanderElst) et fut un temps actionnaire principal du Honved Budapest au début des années 90. Et quand, un peu plus tard, JosVerhaegen, l’homme fort du Germinal Beerschot, lui demanda de trouver un club étranger pour collaborer, il dénicha l’Ajax Amsterdam. Il présenta WouterVandenhaute (ex-journaliste flamand devenu, depuis, le patron de Woestijnvis, la boîte de production qui collabore avec BelgacomTV pour la retransmission des matches de D1) comme candidat au poste de directeur général. Mais Vandenhaute ne fut pas accepté par le groupe Verhaegen et de Vries occupa alors lui-même la fonction. Déçu par les débuts du projet et également victime d’ennuis de santé, il démissionna en juin 2000. Depuis lors, il réside en Espagne, à Marbella.

 » Quand je suis passée en 4e et 3e Provinciale, j’ai estimé que le rôle d’assistant me conviendrait mieux à cause de mon caractère un peu introverti « , dit Ella.  » Le long de la touche, je suis davantage dans l’ombre. C’est l’arbitre principal qui prend la décision ultime. Mais je ne suis pas passive ! Et je sais aussi piquer des sprints sans arrêt et rester concentrée. Et puis j’ai la technique : on ne peut pas lever son drapeau n’importe comment. « 

Le plus difficile à juger est évidemment le hors-jeu :  » Il faut avoir un £il sur le ballon et un autre sur le joueur le plus avancé. Tout va très vite. Là aussi, c’est une question de concentration. « 

Les réflexions machistes, y a-t-elle été confrontée ?  » Pas vraiment, et de toute façon, je n’y prête guère attention. Chez les jeunes, les parents ont parfois des réactions déplacées, mais les hommes y sont autant confrontés qu’une femme. Lorsqu’on officie dans un match d’adultes, les joueurs se concentrent davantage sur le jeu. Les entraîneurs aussi. C’est sûr que, si l’on oublie un hors-jeu flagrant, on aura droit à quelques remarques pas très agréables. Evidemment, c’est valable pour mes collègues masculins également. « 

RobertJeurissen, le président de la Commission centrale d’arbitrage de l’Union belge signale qu’outre Ella, la Belgique compte trois arbitres féminins dans les divisions nationales : ClaudineBrohet siffle en D3, VirginieDerouaux et LeenMartens en Promotion.

 » Ella a été promue sur base de bons rapports « , précise-t-il.  » Les critères d’appréciation sont les mêmes que pour les hommes. Seuls les tests physiques diffèrent un peu. Les critères sont établis par la FIFA et sont un peu moins stricts que pour les messieurs. C’est logique : une femme ne court pas aussi vite qu’un homme. Mais Ella a toutes les qualités : elle est rapide, apprécie bien le jeu. Le fait qu’elle soit une femme donne un petit extra. Le rôle d’assistant convient bien aux femmes : c’est surtout un job technique, d’appréciation, il ne faut pas faire preuve d’autant d’autorité que quand on est arbitre principal. « 

 » Pas besoin d’un vestiaire supplémentaire « 

L’arrivée d’une femme arbitre pose en tout cas un problème pratique : il faut trouver un vestiaire supplémentaire au stade.  » Pour moi, ce n’est pas indispensable « , rigole-t-elle.  » Cela ne me dérangerait pas de partager le vestiaire de deux messieurs. Peut-être seraient-ils davantage gênés d’avoir une femme à leurs côtés ? Mais, effectivement : dans la plupart des stades, on essaie de me trouver un autre vestiaire. « 

Dans le civil, Ella de Vries est prof de maths à l’école Top Sport de Wilrijk :  » Je suis quotidiennement en contact avec des sportifs en herbe entre 15 et 18 ans. Ce ne sont pas tous des futurs footballeurs mais ils me posent régulièrement des questions du style : – officiezvousleweekendprochain ?Commentcelas’estilpassécedimanche ? Ils sont assez sympas avec moi.  »

Et le foot féminin ?  » En Scandinavie et en Allemagne, il est très populaire. Aux Etats-Unis et au Canada, le soccer est même davantage considéré comme un sport de filles que de garçons. Si je suis la compétition féminine ? Pas tellement. Et pour la compétition masculine, je regarde les résumés des matches le week-end et c’est tout.  »

Un petit secret de sa préparation :  » Avant chaque match, on se réunit pour bien définir les rôles et j’essaie de me conformer à ce que l’arbitre principal attend de moi. Parce qu’il n’y a pas de trio établi à l’avance, comme c’est le cas pour FrankDeBleeckere lorsqu’il arbitre à l’Euro ou à la Coupe du Monde.  »

par daniel devos – photo: reporters/ van de vel

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