VERY BIG salaires

La saison reprend, mais comment arrive-t-on à payer des joueurs aussi chers ?

Le championnat a repris la semaine dernière avec le traditionnel double header qui, cette fois, a mis aux prises d’une part San Antonio, le champion en titre, et Portland et d’autre part Los Angeles et Houston. Les grands favoris sont globalement les mêmes que la saison dernière. Interrogés pour la quatrième année consécutive par la NBA, les patrons des 30 équipes ont estimé que les Spurs seraient à nouveau sacrés champions en juin 2008 (37 %). Ce qui équivaudrait à un cinquième titre en dix ans. 26 % d’entre eux pointent Phoenix et 15 % Dallas. Au terme d’une simulation de… 10.000 saisons (vous avez bien lu !), les ordinateurs quant à eux ne s’aventurent pas à extraire un seul nom de leur disque dur, mais bien une dizaine, équitablement répartis entre les deux conférences. A l’ouest, ils ont pointé Phoenix, Utah, Houston, San Antonio, Dallas. A l’est, ce sont les Boston Celtics, Miami, Chicago et Detroit.

Mais les clubs ne sont-ils pas de plus grosses vedettes que les joueurs ? Les émoluments consentis aux basketteurs dépassent l’entendement. Dans le même ordre d’idés, gonflées à l’extrême, les enveloppes des équipes commencent à céder aux pliures. Malgré ces excès, il n’y a pas nécessairement lieu de crier gare. La NBA, gérée, contrôlée et sanctionnée par une main de fer dans un gant de téflon, continue de rapporter gros et de satisfaire la grande majorité des acteurs. Business is business.

Le plus gros salaire, c’est Garnett

50 % des sportifs américains les mieux rétribués sont des basketteurs. Derrière l’inaccessible numéro un, Tiger Woods (111 millions de dollars dont 100 de contrats publicitaires), on retrouve, dans l’ordre Shaquille O’Neal (Miami) 4e, avec 35 millions de dollars, Kobe Bryant (Los Angeles) : 5e avec 33 millions, LeBron James (Cleveland) 6e avec 31 millions et Kevin Garnett (Boston) 7e avec 29 millions.

En paraphant cet été un contrat de trois ans avec Boston après 12 saisons passées au sein des Minnesota Timberwolves, Garnett est devenu, avec un salaire annuel de 23.750.000 dollars (16.506.926 euros) le joueur le mieux rémunéré de la NBA. Dans la vie courante, cela représente 1.375.771 euros par mois, 45.224 par jour, 1.884 par heure, ou encore 31 par minute ! Et dans sa vie professionnelle, cela se traduit par 201.303euros par match comptant pour la saison régulière ou encore 5.255 euros la minute de jeu (calcul basé sur la moyenne de Garnett à Minneapolis : 38,3 min/match). Par match à domicile (41), Garnett coûte donc à son club l’équivalent de 8.052 billets d’entrée (50 dollars en moyenne), soit pratiquement un spectateur sur deux ! A ce propos, 57 % des recettes totales d’un club de NBA (tickets, publicité, droits TV et radio, parking, sponsoring, loges…) reviennent aux joueurs.

L’Américain parle sans détour de l’aspect matériel. D’ailleurs, dans son vocabulaire, on ne gagne pas de l’argent, on en fait ; making money. Pas jaloux pour un… sou, il est heureux de constater le succès du voisin. Et, sportif dans l’âme, quand c’est un athlète qui bénéficie de largesses pécuniaires, il en devient plus tolérant encore. Là où il n’est plus tout à fait d’accord, c’est quand la rémunération est en inadéquation avec la qualité du joueur ou de l’équipe. Or, depuis quelques années, on vit d’un côté de véritables gabegies et de l’autre de grosses surprises. Exemple : les New York Knicks qui, malgré la plus grande masse salariale du championnat (88 millions de dollars), n’ont pas atteint les playoffs au cours des trois dernières saisons et n’ont plus gagné de premier tour de la phase finale depuis 2000. Les joueurs les plus expérimentés et par définition, les mieux payés sont la cible des critiques. Souvent blessés, parfois trop lents et dépassés, ils jouent très peu et connaissent un faible rendement. Sauf le grand respect qu’on lui doit pour une formidable carrière et de grandes valeurs humaines, un Dikembe Motombo (41 ans) par exemple, gagne très nettement plus qu’un jeune alter ego à la productivité supérieure comme DeSagana Diop, Dallas.

L’effet Jordan

Autre sujet d’étonnement, dans le Top 30 des salaires 2007-2008, on ne retrouve pas l’excellent Dwyane Wade (Miami, 23, 5 points et 4,8 rebonds par match) mais on y voit par contre des garçons plutôt moyens, voire décevants tels Andrei Kirilenko (Utah, 23e salaire, 13,7 millions dolars) ou encore Wally Szczerbiak (Boston, 36e, 12 millions) et Raef LaFrentz (Portland, 38e, 11,8 millions).

Les basketteurs actuels doivent beaucoup à Michael Jordan. C’est lui qui, au cours des années 80 et 90, a porté les contrats – publicitaires surtout – vers les sommets. En 1998, le célèbre magazine Fortune calculait l’impact économique du joueur depuis son arrivée dans le championnat NBA en 84. Un travail qui tentait de faire la synthèse chiffrée entre tous les facettes : salaire, tickets d’entrée, sponsoring, ventes de produits sous licence, investissements mobiliers et immobiliers, emplois créés, productions audio-visuelles. Bilan : 10 milliards de dollars. Un chiffre exceptionnel, comparable au PNB d’un pays comme le Gabon ou encore la Corée du Nord.

Repu, l’intéressé déclarait récemment, non sans humour, ne pas avoir de problème à refuser toute nouvelle offre :  » J’ai assez sur mon assiette. Je ne suis pas gourmand « .

3 milliards de téléspectateurs

Il suffit parfois d’un seul homme… Il y a 23 ans, au moment où David Stern, l’actuel commissaire général de la ligue, a pris les choses en main, la NBA était moribonde. Le basket, un des trois grands sports professionnels américains avec le baseball et le football, ne risquait rien de moins que la disparition. Le sens des affaires et du marketing du petit avocat du New Jersey fit merveille. En l’espace de quelques années, il multiplia les équipes (de 23 à 30), les accords de parrainage avec les plus grandes multinationales, les droits de télévision (fixés rien qu’aux USA à 930 millions dollars par an jusqu’en 2016), et enfin les contacts internationaux : une équipe au Canada (Toronto Raptors), 11 bureaux NBA à travers le monde, des contrats médiatiques dans plus de 200 pays qui lui assurent une audience de plus de 3 milliards d’individus. Stern entend doubler les revenus actuels (150 millions de dollars) hors Etats-Unis de la NBA d’ici 2012. La NBA joue absolument sur tous les tableaux, y compris celui, porteur d’image, de la philanthropie avec notamment, un important programme d’alphabétisation, Read to Achieve, auquel les joueurs eux-mêmes sont obligés de participer.

Elle a aussi bétonné les contrats avec les clubs, forcés à la rentabilité maximale. Une clause qui pose problème pour les plus petits. En octobre 2006, huit propriétaires de franchises ont envoyé une lettre au grand patron en se plaignant du système qui, au contraire du baseball par exemple, ne (re)distribue pas aux clubs les revenus de télévision et de ventes des billets. Un manquement qui pénalise les équipes des petits marchés comme Charlotte (Caroline du Sud), La Nouvelle-Orléans (Louisiane), Memphis (Tennessee) ou encore Milwaukee (Wisconsin).

Il y a des petites équipes…

La NBA n’est pas dupe. Certes des lilliputiens comme Memphis, Orlando et Indiana ont perdu de l’argent la saison dernière, mais un autre, le champion San Antonio (3e plus petit marché de la ligue) a engrangé un profit opérationnel de 11,7 millions de dollars, contre 6,9 millions en moyenne pour chaque autre club de la NBA. Dans le même temps, des tout gros marchés comme New York et Dallas ont perdu respectivement 39 et 24,4 millions de dollars… principalement à cause de leur générosité pécuniaire envers les joueurs. Une largesse lourdement sanctionnée par la NBA qui fixe le plafond salarial afin de juguler toute inflation et tenter de mettre à niveau les équipes au point de vue sportif.

La saison dernière, le niveau taxable du salary cap était fixé à 65 millions de dollars. Au-delà de cette somme, les équipes doivent payer 1 dollar d’amende pour tout dollar consacré aux salaires des joueurs. Les Mavericks se sont acquittés d’une somme de 17 millions pour échouer au premier tour contre Golden State et les Knicks ont gaspillé 37 millions en vain puisqu’ils ne se sont pas qualifiés pour la phase finale. Notons par contre que ces deux clubs figurent sur le podium des Most Valuable Teams. Avec une évaluation de 592 millions de dollars, New York précède les Los Angeles Lakers (568) et Dallas (463). Ils peuvent donc se permettre bien des largesses.

par bernard geenen depuis washington D.C.

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