Vert amer

Il aimerait rester Loup mais réclame une confiance totale de la direction.

« L’ambiance dans le vestiaire est bonne pour le moment. C’est toujours comme ça quand on prend des points et des primes. Mais on entend souvent parler de transfert, contrat, résiliation, départ. Ce n’est pas très sain ».

L’ex-Carolo est tombé de haut quand il a appris qu’il ne faisait plus partie des plans louviérois.

Olivier Suray: Avant le match contre Charleroi, le club a prévenu mon agent, Pietro Allatta, que je devrais quitter La Louvière en fin de saison. Mon agent a alors exigé que je puisse m’en aller pour rien et la direction a donné son accord. Mais quand les Italiens de Vicenza se sont montrés intéressés, j’ai lu dans la presse que La Louvière réclamait 12 millions pour mon transfert -NDLA: ce que le manager louviérois Roland Louf dément. Et le club m’a reproché de m’être mis sur le marché devant les caméras de Match 1, après le match contre le Standard. Alors qu’on m’avait dit quelques jours plus tôt qu’on ne comptait plus sur moi, malgré mon contrat courant jusqu’en 2004.

Vous parlez de Vicenza mais vous aviez quand même quitté la Turquie pour revenir définitivement en Belgique?

Je ne demande qu’à aller au bout de mon contrat ici. Mais je dois alors sentir qu’on me fait à nouveau totalement confiance. Je ne me suis pas toujours senti très apprécié par certaines personnes de ce club. Je suis prêt à repartir à l’étranger si j’ai la confirmation que je ne suis plus le bienvenu et si tout le monde y trouve son compte. On verra. Quand je vois l’évolution du foot, je me dis qu’on ne peut plus faire un plan de carrière, et encore moins un plan de fin de carrière.

« J’étais bon pour la casse »

La Louvière est votre sixième club depuis six ans: Suray est-il instable?

Les voyages forment la jeunesse (il rit). On peut me voir comme un mercenaire, mais j’avais chaque fois de bonnes raisons de changer d’air. J’étais revenu à Charleroi, en provenance d’Anderlecht, pour me refaire une santé. Je ne comptais pas m’y éterniser et je suis parti au Standard après un an. J’aurais pu rester longtemps à Sclessin, mais un clash a précipité mon départ. On a voulu m’obliger à aller signer des autographes à Banneux après la fin du championnat, alors que mon enfant était hospitalisé pour une pneumonie. On a jugé que ce n’était pas une excuse valable et on m’a collé une amende. J’ai dit que j’accepterais de rester si on la faisait sauter, mais ce ne fut pas le cas. D’Izmir, je suis parti après avoir lancé mon maillot à la tête de l’entraîneur. On me forçait à jouer alors que je devais être opéré depuis deux mois, et j’ai pété les plombs quand le coach m’a retiré du jeu après un quart d’heure dans un match décisif, sous les sifflets de tout le stade. J’ai pris 20.000 dollars d’amende et j’ai signé à Adana, une région beaucoup moins ouverte à l’Europe qu’Izmir. Les seules choses que les gens d’Adana connaissaient de l’Europe, ils les avaient vues à la télé. Quand je sortais en ville avec ma femme, on nous regardait comme des bêtes rares. Vous pensez: un blond et une femme en petite jupe! Je suis venu à Beveren parce qu’il y avait un projet ambitieux là-bas, mais j’ai vite compris que j’avais commis une erreur. Et si je dois maintenant quitter La Louvière, ce ne sera pas de ma faute.

On vous a reproché de faire partie des joueurs dont le rapport coût-rendement était insuffisant. Votre avis?

Je n’ai pas joué que de très grands matches, mais je n’ai pas l’impression d’avoir démérité. Ariel Jacobs en est conscient. Il m’a fait remarquer que si je jouais 34 matches exceptionnels par saison, je ne serais pas à La Louvière. J’étais blessé au genou quand il est arrivé. La direction m’a fait comprendre à l’époque qu’elle me considérait comme fini, bon pour la casse. Elle a revu son opinion depuis peu de temps. Après les matches contre le Standard et Charleroi, on m’a dit: -Pourquoi as-tu attendu la dernière ligne droite du championnat pour prouver ta valeur? Ils n’avaient peut-être observé que les dix autres joueurs dans tous les matches précédents. Moi, je n’ai pas l’impression d’avoir été moins bon avant ces deux rendez-vous.

Votre contrat est-il si élevé?

J’ai exactement le même contrat qu’à Beveren. Je gagne beaucoup moins que Nicolas Ouédec et, au moins, je ne suis pas toujours blessé. Ouédec a touché en trois mois autant que moi sur toute la saison et je ne connais pas beaucoup de joueurs qui gagnent moins que moi après 13 ans de professionnalisme. On a estimé que j’étais trop cher? Je dois mettre les choses au point. C’est trop facile de tout mettre sur le dos de Jean-Claude Verbist. Le président a signé mon contrat. Je n’ai pas mis un revolver sur la tempe des gens avec lesquels j’ai négocié. Et je n’ai pas été amputé d’une jambe depuis mon arrivée, ce qui veut dire que je ne peux pas avoir totalement perdu mon football.

Vous étiez proche de Jean-Claude Verbist!

Tout à fait, et j’ai continué à discuter avec lui de temps en temps. On me l’a reproché. Ce raisonnement -Tu es son copain, alors tu n’es plus le mien, je le trouve ridicule. Ce sont des enfantillages.

« Je suis le grand désespoir de La Louvière »

Vous comprenez la nouvelle réalité financière du club?

Tout à fait. Je conçois que l’on diminue la masse salariale. Mais il ne faut pas se laisser aveugler par les bons résultats des dernières semaines. Les dirigeants se disent apparemment qu’il n’est pas nécessaire de débourser une fortune en salaires puisque nous avons réussi de bons matches sans Ouédec, Dias, Missé Missé, Thans et Karagiannis. Mais, autant nous avions eu de la poisse avec Leclercq, autant nous avons eu la baraka avec Jacobs. Le club parle aujourd’hui de maintenir l’équipe de base et de l’entourer par des jeunes. Mais que se passera-t-il le jour où trois ou quatre titulaires seront blessés? On ne peut pas faire un groupe de D1 avec des gloires de D2 et de D3. Avec un trop grand nombre de gamins dans l’équipe, on court au suicide. Quand on mise massivement sur les jeunes, c’est gai de faire les comptes financiers à la fin du mois, mais c’est souvent moins drôle de faire le compte des points en fin de saison. Puisqu’il faut avoir des joueurs expérimentés dans le 11 de base, autant garder ceux qui auront donné satisfaction cette saison.

On a l’impression que vous n’avez pas tiré le maximum de votre carrière!

J’ai été un grand espoir du football belge, et je suis aujourd’hui le grand désespoir de La Louvière (il se marre). C’est vrai que je peux être déçu quand je vois où j’en étais à 22 ans. Je jouais la Ligue des Champions avec Anderlecht et j’ai été repris dans les 24 pour la Coupe du Monde aux Etats-Unis. Je me suis cassé le péroné quelques semaines avant le Mondial. La vie ne m’a pas fait de cadeaux: j’ai été souvent blessé. Quand je suis arrivé au Standard, en 97, je sortais d’une très bonne année avec Charleroi et j’espérais retrouver les Diables Rouges. Mais j’ai commencé la saison avec une déchirure des ligaments et une pubalgie.

« Mes sorties m’ont coûté un mariage »

Vous n’avez pas toujours eu l’hygiène de vie d’un sportif professionnel!

J’ai quitté mes parents à 17 ans pour vivre dans un appartement à Charleroi. Or, je suis comme beaucoup d’Ardennais: j’ai la fête dans la peau. Et j’ai donc pas mal déconné. Quand on vous offre le champagne et le caviar à 17 ans, c’est difficile de refuser. Si c’était à refaire, je ferais à nouveau ma formation à Charleroi mais je retournerais chaque soir chez mes parents. Mes sorties ne m’ont pas trop handicapé sur le plan sportif, mais elles m’ont coûté un mariage. Quand j’ai divorcé, je ne jouais plus à Anderlecht car j’avais refusé de prolonger mon contrat. J’ai déconné encore un peu plus. Pendant six mois, ce fut la grosse guindaille. Si mes parents avaient été là pour me conseiller, je n’aurais pas autant exagéré.

Pierre Danvoye

« Ouédec a gagné autant en trois mois que moi en un an »

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