Versés dans le noyau bête!

Bernard Jeunejean

Le footballeur pro d’aujourd’hui comme d’hier, lorsqu’il signe un engagement et s’il n’est pas un jeune balourd mal dégrossi, sait parfaitement à quoi s’attendre en échange du paquet de pognon que le club s’est contractuellement engagé à lui refiler. Peu importe le discours appâteur des dirigeants et de l’entraîneur, le risque existe de ne pas jouer au football, de n’être pas dans le onze de base ni même sur le banc, d’avoir à affronter une concurrence plus rude et plus nombreuse que prévue, de ne plus faire partie du jour au lendemain des plans de l’entraîneur qui aura d’ailleurs peut-être changé.

De s’estimer personnellement au moins aussi bon que ceux qui jouent, mais de n’être cependant que la sixième roue de rechange. Ce sont des cas de figure et des états d’âme vieux comme le foot, et qui font partie de son folklore versatile.

Si le footballeur pro majeur n’est pas vacciné, s’il ne se sent pas de taille à supporter longtemps pareille situation, si son amour du jeu est tel et tellement supérieur au bonheur d’une confortable sécurité d’emploi, la solution est simple: le footballeur pro n’a qu’à ne pas signer des contrats de longue durée.

Non, de Jef Lecomte à Dominique Lemoine, le métier d’un footballeur officiellement pro n’est pas forcément de disputer des matches de football officiels! Et j’ai des réticences à pleurnicher avec les Ciobotariu et autres de Condé, ou avec ce grand veau de Paas qui se sent « comme un séropositif », sous prétexte qu’un univers impitoyable les priverait d’un bonheur auquel ils ont droit. Du point de vue de la législation pérégrinatoire de club à club, l’univers était peut-être impitoyable avant l’arrêt-Bosman, mais il ne l’est plus maintenant.

Ciobotariu et de Condé ont signé un contrat, ils touchent leur blé mais ils poireautent: parce qu’en signant pour plusieurs saisons, et tant pis pour eux, ils ont simplement oublié que l’univers du foot était toutefois resté impitoyablement con. Con et friqué, con parce que friqué. Et pourtant, quand ils parapheront leur prochain contrat de 3 ou 5 ans, ils préféreront le ré-oublier encore.

Car du point de vue du club, « verser dans le noyau B » des gars qui coûtent autant ou plus que certains gars du noyau A, ça pue abominablement le pognon!

Ça le pue évidemment dans le cas d’un bras-de-fer qu’instaure le club, dans l’espoir de réaliser une plus-value jolie sur un joueur en le cédant avant terme, même si le gars n’est pas chaud-chaud. Mais ça pue aussi souvent le gaspi éhonté quand le club bazarde dans son noyau B un gars sous contrat, simplement parce qu’il a cessé de pouvoir le blairer footballistiquement. Ainsi, la combativité que le dirigeant exige de ses joueurs durant un match, il en manque lui-même: renoncer à Vangronsveld en qui on croyait voici 12 mois, continuer à le payer et s’offrir Herreman en qui on ne croira peut-être plus dans 12 mois, c’est plus flambeur et moins opiniâtre, moins persévérant, que de s’attaquer à résoudre ce qui coince chez Vangronsveld! Acheter Okpara pour laisser pourrir Ciobotariu, ça sent le caprice de riche qui tape ses vêtements sales à la poubelle, et s’en offre de neufs au lieu de faire la lessive. Avoir en même temps de Condé et Milovanovic, ça fait rastaquouère qui claque son fric pour deux bagnoles jumelles et en laisse une au garage. Boycotter Brocken après l’avoir tant voulu, ça évoque le gosse de riche qui a déjà oublié en janvier ses nouveaux jouets de Saint-Nicolas.

Les dirigeants de clubs gèrent trop peu souvent en bons pères de famille : ils n’ont pas besoin de l’être, tant ils dégoulinent de pognon pour toujours changer d’avis. Et faudrait pas croire que je m’acharne sur les Rouches ou les Zèbres. Plus tu arrives dans les hautes sphères du top européen, plus ça dégouline: noyau B comme Bêtise, noyau C comme Connerie, société de consommation et de cons sans sommation. Et nous sommes les cons les plus bêtes, puisque nous continuons d’aimer ça.

Bernard Jeunejean

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