Vercauteren ne changera jamais

La semaine dernière, Frankie Vercauteren a décidé de reparler trois mois après avoir été renvoyé d’Anderlecht. Il a invité des journalistes de son choix pour ce qu’il convient d’appeler une réunion amicale à laquelle il n’a pas réservé de place pour un journaliste de Sport/Foot Magazine. Ce n’était donc pas une conférence de presse. En effet, participent à ce type de réunion tous les représentants de la presse qui considèrent que son objet a valeur d’événement. En nous snobant, il a sans doute évité le risque d’être mis en difficulté, mais il a surtout dénaturé le jeu médiatique qui a lieu d’être dans le sport professionnel. On sait pourquoi Vercauteren nous a jugés dignes de ce qu’il considère sans doute comme une vexation. Il a certes été critiqué dans nos colonnes, où l’analyse footballistique critique prévaudra toujours ; quitte à risquer la mise à l’index. En cas d’invitation de sa part, notre magazine se serait déplacé. Parce que l’occasion était importante et que nous voulons toujours participer à la progression du football et des mentalités en confrontant les points de vue.

Bref, pour commenter ce qui a été dit, nous devons donc nous baser sur l’article mis en ligne sur le site du journal Le Soir samedi dernier. D’abord une remarque : la ren- contre était prévue le mercredi d’Anderlecht-Bordeaux : sans doute pas le meilleur moment si l’on se met dans les chaussures anderlechtoises…

Dans ses commentaires sur ses derniers moments en mauve, Vercauteren dit qu’ Ariel Jacobs et lui n’étaient pas  » sur la même ligne dès le premier jour, ni professionnellement, ni humainement. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie. J’ai eu la chance, moi, d’avoir une vraie harmonie avec Dockx, Anthuenis et Broos. Si la presse a dit que l’ambiance n’était plus la même dans le vestiaire des joueurs, c’était aussi le cas dans le vestiaire du staff « .

La venue de Jacobs n’avait effectivement pas été désirée par Vercauteren (tout comme le remplacement de l’entraîneur des gardiens Jacky Munaron par Filip De Wilde). Mais Glen De Boeck allait quitter Anderlecht et le club cherchait à renforcer son staff. Vercauteren a-t-il été impressionné, voire complexé, par Jacobs ? Pourquoi le courant ne passait-il  » ni professionnellement, ni humainement  » ? Une bonne question. Quand on voit la manière dont le second a finalement libéré l’équipe techniquement et mentalement (c’est toujours la même chose), on comprend que les deux hommes ne se soient pas trouvés.

Cela dit, on donne raison à Vercauteren quand il rappelle avoir demandé très tôt du renfort offensif arrivé finalement avec Luigi Pieroni et Stani Vlek. Mais tout au long de la relation des commentaires de l’ex-T1 mauve reviennent, comme une litanie, les clichés  » bloc « ,  » équipe « ,  » collectif « . Il mentionne même le fait qu’il a vu le Superbowl pour souligner le fait que le coach des vainqueurs martelait l’importance de l’esprit d’équipe. Cela fait un peu naïf dans l’ensemble mais merci, car la liaison est facile. En football américain, le coach a à sa disposition une équipe défensive et une offensive. Vercauteren ne façonnait-il pas surtout un Anderlecht du premier type ?

 » On a toujours joué avec trois attaquants plus Hassan. J’étais moi-même un joueur offensif à qui on reprochait, à juste titre, de ne pas savoir défendre. Je l’ai dit des dizaines de fois quand j’étais entraîneur. Certains commentaires n’étaient pas réalistes. Le foot moderne, c’est un bloc qui est capable de ne pas encaisser un but « . Mais l’abus étant nuisible en tout, ses joueurs n’osaient plus attaquer.

Et puis, il y aussi la manière de travailler. Vercauteren :  » Quand on demande une heure et demie de travail intensif par jour, est-ce trop ? Des mises au vert régulières, est-ce si grave alors que c’est la norme dans tous les grands clubs étrangers ? Et que certains de mes joueurs arrivaient à l’entraînement sans avoir mangé, par exemple. On a aussi dit que mes théories étaient trop longues. J’ai fait deux fois une analyse de 2 h 30 sur les 9 ou 10 derniers matches disputés parce que je sentais que c’était nécessaire. Je n’ai jamais été exigeant pour mon plaisir, mais uniquement en voulant tirer le groupe vers le haut « . Il y a moyen de travailler dans la bonne humeur mais ce n’était pas le cas. Et les conseils d’un psychologue ne vont jamais  » tirer vers le haut  » des joueurs qui sentent qu’ils jouent mal et ne progressent pas ni par rapport à leurs propres qualités ni dans un ensemble tactique. Et ceci s’applique aussi aux joueurs plus jeunes avec qui Vercauteren a singulièrement manqué de doigté.

Il a été trop exigeant, trop obsédé et cela a même nui à son propre équilibre : il regrette de s’être  » fait bouffer 90 % de mon temps par le boulot. Certains coaches peuvent oublier le foot en fermant la porte du vestiaire. Moi pas « .

Ces réactions sont celles d’un jeune coach mais il a déjà 51 ans. Cela dit, il a été champion à deux reprises en deux ans et demi mais sans avoir une vision techniquement et humainement optimiste de son job. C’est ce qui l’a empêché de durer. Dans cette optique, Jacobs ressemble in- contestablement plus à un Alex Ferguson que Vercauteren. Et c’est ce dont Anderlecht avait besoin.

PAR JOHN BAETE

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