Vendredi 13

Porte-bonheur ou porte-malheur ? Pour l’attaquant de Mouscron, cette date restera à jamais marquée d’une pierre blanche.

Vendredi 13 février, 13 heures. Au siège de l’Union Belge, avenue Houba de Strooper à Bruxelles, AiméAnthuenis dévoile sa sélection en vue du match Belgique-France du mercredi suivant.  » Deux nouveaux joueurs : RobertoBisconti et, comme vous l’avez demandé messieurs les journalistes, LuigiPieroni « .

Au même moment, au stade du Canonnier à Mouscron, GeorgesLeekens a déjà tout prévu : il a improvisé une conférence de presse à laquelle il a convié son nouvel international.  » C’est en arrivant au stade que j’ai appris la bonne nouvelle « , relate Lou (23 ans).  » J’étais super content. Ma première pensée a été pour mon grand-père. Il est décédé il y a deux ans. J’avais une relation très intime avec lui. Il adorait le football et rêvait de me voir évoluer un jour au plus haut niveau. La vie ne lui en a pas laissé l’occasion, c’est mon grand regret. Je crois que, là haut, il a dû être fier de moi. J’en suis sûr, même. Le vendredi 13 ? C’est un détail qui m’avait échappé. Pour les Italiens, c’est un chiffre porte-bonheur. Cela se confirme : ce sont sans doute mes origines italiennes qui ont ressurgi. Je n’ai pas compté le nombre d’appels et de SMS que j’ai reçu. Le soir, je suis allé dîner au restaurant avec ma compagne Virginia et j’ai éteint mon portable pendant un moment. Lorsque je l’ai rallumé, il y avait une dizaine de nouveaux messages. Cela me fait plaisir, c’est sûr, de savoir que les gens sont contents pour moi « .

Le jeune attaquant de l’Excelsior, transféré du FC Liège durant l’été et qui n’osait même pas rêver d’une sélection chez les Aspirants voici deux mois à peine, raconte sa semaine.

Lundi : sortie ratée

 » J’étais rentré à Liège pour voir mes parents après le match au Cercle Bruges et c’est accompagné de ma petite amie Virginia que j’ai effectué la route vers Bruxelles. Je ne connais pas bien les lieux : j’ai loupé la sortie Expo sur le Ring et je suis arrivé cinq minutes en retard au rendez-vous, fixé près du bureau de police qui jouxte le stade Roi Baudouin. Heureusement, Aimé Anthuenis ne m’en a pas tenu rigueur. Il m’a souhaité la bienvenue chez les Diables Rouges.

J’ai découvert le stade Roi Baudouin pour un premier entraînement. Je n’étais jamais monté sur cette pelouse. Le stade est imposant, mais comme les tribunes sont encore vides, la sensation est bizarre. J’ai surtout été frappé par le gabarit de DanielVanBuyten. Impressionnant !

Tout au long de la soirée, le sélectionneur s’est intéressé à moi. Il m’a demandé si je me sentais à l’aise. Pas de problèmes. Le groupe m’a bien accueilli. A table, je me suis retrouvé avec Daniel Van Buyten, EricDeflandre, Emile et MboMpenza, RobertoBisconti et FrédéricHerpoel. Tous des francophones, oui, mais ce n’est pas de la ségrégation. C’est plus facile pour discuter, c’est tout. Mbo Mpenza s’est arrangé pour pouvoir partager sa chambre avec moi, cela a facilité mon intégration. Il m’a expliqué comment cela se passait. Emile Mpenza, lui, s’est retrouvé avec VincentKompany. Nous n’avons rien fait de spécial pendant la soirée : lire les magazines, regarder la télévision « .

Mardi : rattraper le temps perdu

 » Je me sens déjà plus à l’aise que la veille. Je commence à trouver mes marques. A part Mbo Mpenza, je ne connaissais personne. Oui, je me rends compte que j’ai débarqué dans un autre monde. Au niveau médiatique aussi, c’est très différent. Mais pour moi, ce n’est que du bonheur. Il m’arrive encore souvent de penser que, la saison dernière, j’évoluais toujours en D2 avec Liège. Tout est allé très vite. Trop vite ? Je ne sais pas. J’ai tout de même déjà 23 ans et je suis content que tout cela m’arrive maintenant. En début de saison, Georges Leekens avait déclaré qu’il n’était pas trop tard pour débuter en D1, mais qu’il était grand temps. Je suis en train de rattraper le temps perdu. La carrière d’un footballeur est courte. Alors, chaque chose qui est bonne à prendre, je la prends. Cette convocation en équipe nationale, je la dois au travail accompli depuis six mois. A force de m’entraîner tous les jours comme un professionnel, je me suis affûté sur le plan physique. La confiance a fait le reste.

A Crainhem, après l’entraînement, j’ai revu avec plaisir les parents d’Eric Deflandre et son frère, que je connais très bien pour avoir évolué à ses côtés à Liège.

L’équipe de France ? Elle présente de beaux noms, c’est sûr. Dommage que ThierryHenry ait dû déclarer forfait, c’est un joueur que j’apprécie beaucoup. Je ne m’attendais pas à débuter la partie. Mais le simple fait de pouvoir monter sur le terrain, ne serait-ce que quelques minutes, me comblerait déjà de bonheur. C’est ma toute première sélection. Même en catégorie d’âge, je n’avais jamais été appelé, et pour cause : j’étais Italien jusqu’à mes 18 ans. Difficile d’expliquer la sensation que je ressens. Elle est très différente, en tout cas, de celle que j’avais ressentie à la veille de mes débuts en D1, contre le Standard, mon ancien club.

La pression ? C’est sûr, j’ai beaucoup de choses à gérer ces derniers temps, mais j’ai la chance d’être bien entouré « .

Mercredi : fichu poteau !

 » Près de 40.000 spectateurs ont rejoint le stade Roi Baudouin. Je ne m’étais jamais produit devant autant de monde. Mais je n’y ai pas prêté trop d’attention. D’autant que les supporters sont loin, avec cette piste d’athlétisme qui ceinture la pelouse… Toute ma famille est présente également : mes parents, mon frère Fabrice, ma s£ur Magali, ma petite amie Virginia. C’est un grand moment pour tout le monde. On m’a attribué le numéro 17. Je l’ai accepté sans rechigner. Je n’attache guère d’importance aux chiffres. -NDLR : en Italie, le 17 est l’équivalent de notre 13. A Mouscron, je porte le n°16. Cela me convient très bien également.

En milieu de deuxième mi-temps, EddySnelders m’a demandé d’aller m’échauffer. Juste après, les Français ont doublé l’écart. Sur le marquoir, on a indiqué que le but de LouisSaha avait été inscrit à la 84e minute, alors qu’il s’agissait de la 75e. J’ai pensé qu’il ne restait que six minutes à jouer et que je n’allais jamais monter au jeu. Aimé Anthuenis a encore procédé à trois changements : ThomasChatelle, Roberto Bisconti et OlivierDeCock sont montés au jeu. Là, je me suis résigné. Dans mon esprit, c’était clair : je n’allais pas jouer cette fois-ci. J’ai d’ailleurs quasiment arrêté de m’échauffer. Alors que je n’y croyais plus, Eddy Snelders m’a rappelé vers le banc et m’a exhorté à enfiler mon maillot, car j’allais remplacer WesleySonck. Mais combien de temps restait-il ? Je l’ignorais. J’ai eu vraiment peur que l’arbitre ne siffle la fin du match avant que je n’ai l’occasion d’arpenter la pelouse. Heureusement, le ballon est très rapidement sorti des limites du jeu. J’ai enfilé mes jambières en quatrième vitesse et j’ai couru vers le quatrième arbitre en lui criant : – Monsieur, demandezlechangement !Maintenant, directement ! Je n’ai eu l’occasion de toucher qu’un seul ballon. Je ne sais même pas qui me l’a adressé. Je l’ai vu arriver au tout dernier moment, sinon j’aurais peut-être mieux pu le placer. Je l’ai pris de l’extérieur du pied droit, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Mais, quand j’ai vu le ballon rouler, j’ai vraiment cru que j’avais trompé FabienBarthez. Fichu poteau !

Puis, l’arbitre a sifflé la fin du match. LilianThuram se trouvait dans mes parages. Beaucoup de joueurs ont attendu la rentrée aux vestiaires pour échanger leur maillot, car il pleuvait et il faisait froid. Je n’ai pas patienté jusque-là. C’est la première fois de ma vie que j’échange mon maillot avec un adversaire. Lilian Thuram, rendez-vous compte ! Quel souvenir !  »

Jeudi : visite chez l’ostéopathe

 » Je ne me suis pas attardé au stade Roi Baudouin. J’étais chez moi à minuit et demi, car Georges Leekens m’attendait pour l’entraînement du matin. Je n’ai pas regardé les images de la veille à la télévision. Mes parents ont enregistré le match, je visionnerai la casette le week-end. Je n’ai pas eu de mal à trouver le sommeil. Lorsque je joue 90 minutes avec Mouscron, il me faut parfois plusieurs heures, mais cette fois, je n’ai joué que trois minutes et je suis directement tombé dans les bras de Morphée. Je n’ai pas rêvé de mon poteau. A l’arrivée au Canonnier, l’entraîneur et mes coéquipiers m’ont félicité et ont regretté que je n’avais pas marqué, lors de mon unique touche de balle. Mbo Mpenza a ajouté : – Cen’estpasgrave, tuterattraperassamedi, contreLaLouvière !

J’ai lu dans la presse que j’avais été suivi par Feyenoord. OK, c’est le signe que je suis sur la bonne voie. Mais cela ne m’inspire pas d’autre réflexion. Il me reste une saison de contrat à Mouscron, après celle-ci, et mon principal objectif reste actuellement de jouer et de continuer à progresser.

Je ne me sens pas un autre homme, depuis que je suis international. Je suis en confiance, c’est sûr. Si je ne l’étais pas dans les conditions actuelles, je ne le serai jamais. Mais, voilà : depuis hier, j’ai une cape. Avec les Diables Rouges. L’équipe nationale belge sera, donc, définitivement la mienne et c’est très bien ainsi. C’est en Belgique que je suis né et que je vis depuis 23 ans. Pourtant, je ne peux pas renier mes origines. Mon père est italien et ma mère est espagnole. Au fond de moi-même, je me sens un tiers Belge, un tiers Italien et un tiers Espagnol.

Le midi, une visite est prévue chez l’ostéopathe. Il faut me… débloquer le bassin. Rien à voir avec les Diables Rouges, c’est un souvenir du match au Cercle Bruges, le dimanche précédent « .

Vendredi : repos à la maison

 » Je n’ai pas de rituel particulier la veille d’un match. Généralement, je reste chez moi et j’essaye de bien me reposer. Je ne me couche pas trop tard. Virginia veille sur moi, elle surveille mon alimentation assure mon bien-être. Elle intervient aussi pour beaucoup dans ma réussite.

A l’avenir, j’aurai peut-être droit à un traitement de faveur de la part de mes adversaires, mais je n’ai pas dû attendre d’être convoqué chez les Diables Rouges pour cela. Déjà, lors des deux matches au Cercle Bruges, j’avais été l’objet d’un marquage plus strict. Cela devient plus dur de trouver de l’espace, mais je dois le prendre comme une marque de respect.

La Louvière ? J’aurais pu y jouer, cette saison. J’avais rencontré RolandLouf l’été dernier, et il m’a affirmé qu’il comptait sur moi, mais il lui fallait d’abord régler d’autres problèmes avant de pouvoir m’engager. Je n’ai pas attendu : lorsque Mouscron s’est intéressé à moi, je n’ai pas hésité. Pour moi, la rencontre de ce samedi est donc un match comme un autre. Il n’y a pas vraiment ce côté affectif, comme c’était le cas lorsque j’avais affronté le Standard : je n’ai jamais porté le maillot des Loups « .

Daniel Devos

 » J’ai eu peur que l’arbitre siffle LA FIN DU MATCH AVANT QUE JE MONTE « 

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