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 » Venanzi m’avait dit que j’allais réussir « 

Parcours chahuté, carrière atypique ? Pas forcément, la preuve avec Reda Jaadi. L’une des révélations de l’excellent début de saison de l’Antwerp revient pour la première fois sur une première partie de carrière agitée et son amour indéfectible pour les chiens. Interview enragée.

Il fait partie de ce qu’on pourrait appeler la première fournée du Great Old nouveau. Arrivé sur la pointe des pieds début juillet dernier en compagnie des défenseurs Moustapha Bayal Sall et Dylan Batubinsika, en plus de l’international malgache Zotsara Randriambololona, Reda Jaadi n’était au contraire des noms précités pas forcément attendu pour faire partie des bonnes surprises du bon début de saison du Matricule 1.

Près de trois mois plus tard, force est pourtant de constater que le Belgo-Marocain est l’un des joueurs les plus utilisés par László Bölöni avec près de 75 % de temps de jeu cette saison. Suffisant pour voir ce Bruxellois de naissance s’ajouter à la longue liste des joueurs formés par le Standard avant d’éclore chez un concurrent ?

Pas impossible, même s’il faudra pour ce faire confirmer sur la durée les excellentes prédispositions entrevues en ce début de saison.

Reda, le grand public t’a découvert il y a moins d’un an, le 2 décembre 2016 très exactement, sous la vareuse malinoise à l’occasion de ta deuxième apparition, mais déjà de ton premier but en D1. Sauf qu’à l’époque, tu as presque 22 ans, mais pas encore de contrat pro à Malines. Raconte-nous comment tu en es arrivé là ?

REDA JAADI : C’est une longue histoire, mais c’est vrai qu’à cette époque-là, j’avais envie de relever un défi en rejoignant Malines. Un contrat pro, j’en avais déjà signé un beau à 17 ans au Standard, le meilleur possible pour un jeune, puis je suis passé par Bruges, mais dans les deux cas, ça n’avait pas marché. Alors, je me suis dit que ce qu’il me fallait, c’était prendre un risque, me retrouver dans l’obligation de performer pour vraiment montrer ce que j’étais capable de faire sur un terrain. Peu de joueurs auraient fait ça, d’autant que j’aurais pu aller ailleurs et signer pro. Parce que, pour tout dire, là, à Malines, je n’avais même plus de salaire fixe, je redémarrais de zéro. Mais j’ai parlé avec le directeur de l’école des jeunes et je l’ai senti. On m’a dit que si je jouais bien avec les espoirs, je recevrais ma chance et c’est ce qui s’est passé.

C’est Yannick Ferrera qui t’a lancé dans le grand bain de la D1 l’an dernier, mais aujourd’hui, tu es à l’Antwerp. À croire que tu ne lui en as pas franchement été reconnaissant cet été ?

JAADI : Yannick, il m’a sorti la tête de l’eau et je lui en serai toujours reconnaissant. Mais le coach qui m’a vraiment lancé, il faut bien avouer que c’est Bölöni. Avant lui, je n’avais jamais été titulaire en D1 et je n’avais eu droit qu’à 11 bouts de matchs avec Ferrera. Reste que c’est Yannick qui est venu me voir jouer avec les Espoirs malinois et qui m’a donné ma chance en premier. Il m’a vu jouer 30 minutes et il a décidé de me reprendre dès le lendemain dans le groupe pro pour un amical contre Willem II. Résultat, il me met une mi-temps contre les Néerlandais et je marque. C’est comme ça que j’ai intégré définitivement le groupe pro la saison dernière. Après, cette décision de rejoindre l’Antwerp cet été, elle me ressemble. Je suis quelqu’un d’ambitieux et je ne pouvais donc pas refuser de tenter ma chance dans un tel club.

 » Je vis le foot à fond, je ne jouerai jamais pour l’argent  »

Ambitieux et même un peu fonceur tendance tête brûlée. Comment expliquer sinon cette rupture de contrat avec le Standard le 31 août 2015 alors que tu venais trois mois plutôt de prolonger de 3 ans ?

JAADI : Ça, c’est parce que je vis le football à fond. Je ne joue pas et je ne jouerai jamais pour l’argent. Et ce jour-là, c’est le coeur qui a parlé. Je voulais absolument jouer, et je sentais que ça n’allait pas être le cas au Standard contrairement à ce qui m’avait été promis. Je me vois encore me rendre chez le président Venanzi pour lui demander de rompre mon contrat. Il a eu des mots très bien à mon égard, il m’a même dit qu’il fallait que je continue de me battre parce qu’il était convaincu que j’allais faire carrière, mais c’était trop tard. Je n’étais pas content, j’estimais qu’on n’avait pas été clair avec moi. J’avais reçu des garanties de la direction, j’avais signé pour être une doublure et je me retrouvais finalement loin des 18. C’était d’autant plus étrange que je sortais d’une bonne préparation où j’avais été le meilleur dans tous les exercices physiques d’avant saison et où j’avais aussi fini deuxième meilleur buteur du groupe.

Tu n’as pas eu peur de ne jamais te relever de pareille expérience ? Se retrouver sans contrat au 1er septembre, c’était quand même un énorme risque pour la suite de ta carrière…

JAADI : J’ai même refusé d’aller au Real Majorque dans la foulée. J’avais un contact sur place grâce à mon agent (Karim Mejjati, ndlr), on a longuement discuté avec le directeur technique du club, Miguel Angel Nadal, l’oncle de Rafa, mais je n’étais pas convaincu par le projet. C’était un fameux risque de partir à l’étranger, ça aurait pu ne pas marcher. Du coup, j’ai continué à bosser dur de mon côté. Peut-être même plus dur que jamais, avec mon préparateur physique qui est un ancien athlète (Damien Broothaerts, ndlr). On allait courir un peu partout, dans les parcs à Bruxelles, dans les stades. Franchement, je vais peut-être vous surprendre, mais je n’ai pas si mal vécu cette période parce que je savais que ça allait venir. C’était difficile, mais je connaissais mes qualités. C’est d’ailleurs pour ça que je prends le risque de signer à Bruges en février. Le problème, c’est que l’équipe tourne super bien et qu’elle termine championne. Du coup, je n’ai pas franchement eu voix au chapitre.

Avant la rupture au Standard, il y a aussi un prêt pas très convaincant de 6 mois à Dessel (janvier 2013-juin 2013) puis un autre d’une saison à Visé (2013-2014). Qu’est-ce qui explique qu’à l’époque, tu n’as pas pu t’imposer en D2 ?

JAADI : Au moment où je signe à Visé, le Celtic Glasgow est venu aux renseignements, mais Jean-François De Sart a refusé de me laisser partir. Une décision que j’ai eu du mal à digérer et que mon transfert à Visé, le dernier jour du mercato, dans une équipe qui ne tournait pas, n’a pas arrangé. En tant que jeune joueur, ce n’était pas évident. Dessel, c’est encore autre chose. Pour mon premier match contre Ostende, Stijn Vreven, le coach, m’aligne en pointe et je marque deux buts. J’étais surpris, mais je n’ai rien dit. Après le match, il était content, mais pendant la semaine, il m’a vu à l’entraînement et il a compris que j’étais un milieu de terrain. Étant donné qu’il avait assez de milieux et qu’il cherchait un pur attaquant, il m’a laissé de côté toute la saison… Je n’étais pas son transfert, mais celui du président et du jour au lendemain, il ne m’a plus calculé.

 » Je n’ai jamais eu une vraie chance au Standard  »

Et là encore, ton retour au Standard l’été suivant ne se passe pas vraiment comme prévu…

JAADI : Non, je me retrouve dans le noyau C avec une dizaine d’autres joueurs dont le club voulait se débarrasser comme Martin Milec, Anthony Moris ou Georgi Zhukov. Sauf qu’à l’époque, moi j’étais encore un jeune joueur et je n’avais pas encore joué en Espoirs au Standard donc le coach de l’époque, Patrick Van Kets (aujourd’hui à Saint-Trond, ndlr) m’a dit qu’il avait besoin de moi. Je crois que sur le seul premier tour, je plante 20 buts, ce qui attire forcément le regard de la première et qui aboutira sur ma prolongation de contrat quelques mois plus tard. Du coup, Guy Luzon m’a aligné en Coupe et puis je suis remonté directement en équipe Première en deuxième partie de saison. Mais voilà, le problème des jeunes au Standard, même si je n’en veux à aucun coach en particulier, c’est qu’on a du mal à les lancer. J’ai signé mon premier contrat pro dans ce club il y a près de 5 ans, mais je n’ai jamais reçu une vraie chance. Et concrètement, qu’est-ce que j’aurais pu faire de plus que marquer 20 buts avec les Espoirs pour recevoir cette chance ?

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE

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