Vas-y franco

Le transfert entrant de l’été est celui de cet international croate à Gand. Qui est ce Franko que le Standard a tenté d’attirer ?

Cela fait longtemps que Franko Andrijasevic (26 ans) est considéré comme un joueur très talentueux. Ivica Jarakovic,scout dans les Balkans, l’a vu à l’oeuvre pour la première fois en 2010, lors du Championnat d’Europe U19 à Toulon. L’ex-joueur serbe d’Anderlecht et de Gand y faisait du scouting pour le compte de Courtrai, avec Claude Verspaille.  » Ce joueur n’avait encore que 18 ans à l’époque « , dit-il.  » Depuis, je l’ai vu plus de soixante fois à l’oeuvre mais, financièrement, il était inabordable car il a toujours joué dans de grands clubs.  »

Lors de cet EURO, Andrijasevic avait marqué face à l’Espagne et au Portugal. La Croatie avait terminé troisième, battue seulement par la France d’Antoine Griezmann et d’Alex-andre Lacazette,qui allait être sacrée championne d’Europe.  » Même dans le top 8 européen, son potentiel sautait à l’oeil « , dit Jarakovic.  » Il jouait devant la défense dans un système à deux médians défensifs.  » Une place à laquelle il allait encore souvent évoluer plus tard, ce qui est étonnant pour un joueur qui marque facilement et qui livre actuellement ses meilleures prestations en 10.

 » Son problème, c’est qu’en Croatie et dans les Balkans en général, on aligne souvent en 10 des joueurs plus petits, plus mobiles et plus dribbleurs, comme Mateo Kovacic,du Real Madrid « , explique Jarakovic.  » Pratiquement tous les médians offensifs sont forts balle au pied et peuvent entreprendre une action. Lui, il joue très différemment, en une ou deux touches de balle. Sa grande force, c’est de se présenter au bon moment dans le rectangle. C’est un numéro 10 des Balkans pas comme les autres. Un 10 moderne, en fait, un type qui court, travaille, remise, joue simple et est fort de la tête. Andrijasevic a un très bon tir mais ce n’est pas un dribbleur : il laisse travailler le ballon.  »

Débuts à Split

Franko Andrijasevic a grandi à Solin, petite ville d’une vingtaine de milliers d’habitants dans la banlieue de Split. Près des ruines de Salona, vestiges de la ville romaine, où Lovre Kalinic a aussi joué entre les vieux murs, les cimetières et même les amphithéâtres.  » Ils ont grandi ensemble, les maisons de leurs parents ne sont distantes que de 300 mètres « , dit Zdravko Reic, journaliste pour le quotidien Slobodne Dalmacije.

 » Ils sont aussi partis ensemble à Hajduk. StjepanAndrijasevic, alias Stipe, le père de Franko, a été médian à Hajduk, à Monaco, au Celta Vigo et au Rayo Vallecano. Il a été cinq fois international et faisait partie de la présélection pour la Coupe du Monde 1990 en Italie mais, à deux mois du tournoi, il est tombé dans un trou en scooter, s’est fracturé le fémur et n’a pas joué pendant plus d’un an.  »

Le 13 mai 2010, à l’âge de 19 ans, Franko effectue ses débuts avec Hajduk contre le NK Croatia Sesvete. En 2012, il est élu Espoir de l’Année, et début 2013, il est appelé pour la première fois en équipe nationale. Mais la suite est moins rose.

 » Lors de la saison 2011-2012, Franko a été prêté au NK Dugopolje, un club de D2 « , explique Reic.  » A l’époque, il a fixé la date de son mariage, mais entre-temps, il est retourné à Hajduk et le choc face au Dinamo Zagreb a justement eu lieu le jour de son mariage. La semaine avant, il avait inscrit deux buts contre Slaven Bulopa mais il avait pris un troisième carton jaune en fin de match et était donc suspendu. Il avait alors dit : -On ne se marie qu’une fois tandis que des matches au sommet, il y en aura encore beaucoup d’autres.

Les supporters lui en avaient voulu. Quand on connaît la Torcida, le noyau dur, on sait que rien ni personne ne compte plus que Hajduk, surtout avant un match contre le rival. De plus, à la mi-temps du match contre Slaven Belupo, Stipe, qui travaillait comme scout pour Hajduk, était entré dans le vestiaire pour dire à Franko de ne pas oublier qu’il devait prendre un carton. Ce fut un scandale.

Les supporters ne l’acceptèrent pas et en voulurent à Franko. Quand Igor Tudor fut nommé coach, ce fut la fin pour lui. A Rijeka, alors que l’équipe était menée, il l’a fait s’échauffer pendant toute la deuxième mi-temps pour ne le faire entrer que dans le temps additionnel. Rien que pour montrer qu’il était le patron et qu’il ne croyait pas en Franko.  »

Tomislav Gabelic confirme :  » Tudor a littéralement dit à Franko qu’il ne pourrait jamais devenir un grand joueur parce qu’il n’en avait pas les capacités physiques « , dit le journaliste de 24sata.  » Il le trouvait trop lent et pas suffisamment fort défensivement pour pouvoir jouer dans l’entrejeu, que ce soit offensivement ou défensivement.  »

Reic :  » Finalement, Andrijasevic a signé un contrat de cinq ans avec le grand rival de Hajduk, qui a déboursé 750.000 euros pour son transfert. Il a expliqué qu’il faisait un grand pas en avant et a déclaré qu’il était heureux parce que, grâce à son transfert, Hajduk pourrait effacer le retard de trois mois qu’il accusait dans le paiement des salaires des joueurs.  »

Zagreb et Rijeka

Mais ce qui doit être un  » grand pas en avant  » n’en est pas un. Le Dinamo Zagreb le loue même très rapidement au Lokomotiva Zagreb, considéré comme un club satellite, même s’il ne l’est pas officiellement.  » En allant au Dinamo, il a probablement commis la plus grosse erreur de sa carrière « , dit Gabelic.  » Il avait déjà perdu un an à Hajduk et il a encore perdu davantage de temps là-bas.  »

Reic ajoute :  » Lorsqu’il est revenu au Dinamo, après son prêt, il a servi de monnaie d’échange dans le transfert de Marko Leskovic,de Rijeka. Il est ainsi devenu le sixième joueur de l’histoire du football croate à avoir représenté les trois grands clubs.  »

Au NK Rijeka, Franko Andrijasevic perce définitivement. Il est sacré champion, remporte la Coupe, inscrit 18 buts et est élu meilleur joueur du championnat.

 » Le style de jeu du coach, Matjaz Kek,lui a permis d’exploiter ses qualités. Kek l’utilisait un peu comme deuxième attaquant, ou plutôt comme médian qui surgissait souvent en pointe. Mais le succès n’a pas changé Franko, qui est resté très simple. Depuis qu’il a quitté Hajduk, il a déjà inscrit cinq buts contre son ancien club mais il n’en a pas célébré un seul. Il dit toujours qu’il a oublié tous les mauvais moments et que Hajduk est resté son club. C’est vraiment un bon gars, très correct.  »

La saison dernière, il a pourtant été suspendu pour trois matches en raison de vulgarités à l’adresse de l’arbitre après un match contre Slaven Belupo.  » Mais c’est plutôt une conséquence de la situation dans laquelle se trouve le football croate « , dit Gabelic, qui sous-entend par là que le Dinamo Zagreb est roi et que son homme fort, Zdravko Mamic, est intouchable.

 » A l’époque, le Dinamo avait quatre points de retard sur Rijeka « , ajoute Gabelic.  » Contre Slaven Belupo, Rijeka a été volé par l’arbitre et quelques joueurs sont allés l’insulter après le match. Andrijasevic n’a rien fait, il a tenté d’écarter ses équipiers de l’arbitre et aurait juste dit : -Laissez ce type dans sa merde. Il était déçu par l’arbitrage mais il s’est immédiatement excusé lors de la conférence de presse. Cela méritait tout au plus un match de suspension mais pas trois. Tout le monde était d’accord. Mais c’est arrivé et, comme par hasard, son troisième match de suspension coïncidait avec la rencontre face au Dinamo. Cela a fait scandale.  »

Reic ajoute :  » C’est incroyable ! Ce garçon est très bien éduqué et très croyant. Il va à l’église chaque dimanche et veille toujours à ne blesser personne !  »

Rijeka est tout de même champion, et le Dinamo Zagreb, qui reste sur onze titres consécutifs, doit se contenter de la deuxième place.  » Pour Andrijasevic, c’était une grande satisfaction après toutes les déceptions qu’il avait endurées depuis le début de sa carrière « , dit Gabelic.

Reic ajoute :  » Mais il n’en fait pas tout un plat. Certains coaches ont dit qu’il n’était pas assez fort défensivement pour jouer dans un grand club mais on a souvent dit également que cela s’améliorerait au fil des années, qu’il finirait par être plus dur. Et c’est le cas. Car il a toujours eu l’esprit collectif.  »

Gand à la place du Standard

En juin, Franko Andrijasevic semble devoir prendre le chemin du Standard. Il a donné sa parole aux gens de Sclessin. Mais finalement, Gand trouve un accord avec le NK Rijeka puis avec le meilleur joueur du championnat croate, qui rejoint donc la Ghelamco Arena. Bruno Venanzi, le président du Standard, accuse les Gantois d’être  » une belle bande d’hypocrites  » tandis qu’Ivan De Witte, son homologue gantois, dit que  » le Standard ne doit pas pleurnicher.  » Quoi qu’il en soit, Andrijasevic fait beaucoup parler de lui et il est désormais le transfert entrant le plus cher des Buffalos.

 » Je ne sais cependant pas comment il va se débrouiller en Belgique « , dit Reic.  » Physiquement, il est toujours fragile et on va voir comment il va s’adapter à un style de jeu où les contacts sont plus nombreux. Mais pour le reste, il n’y aura pas de problème. Il a déclaré dans les médias croates que lui et sa famille se sentaient déjà très bien à Gand. Son père est toujours là pour l’aider et il y a aussi Lovre Kalinic.  »

Jarakovic ajoute :  » Pour moi, il a fait le meilleur choix possible en optant pour ce championnat et ce club. Gand est un bon club, il y évoluera dans de bonnes conditions et au sein d’une équipe très offensive. On attend beaucoup de lui, d’autant qu’il a coûté cher, mais je pense qu’il en est conscient. Les gens doivent savoir que ce n’est pas le genre de gars qui va aller rechercher le ballon derrière, dribbler trois hommes et marquer. Ce n’est pas un meneur de jeu, il faut lui préparer le terrain. Si l’équipe est bien organisée, il sera très bon et c’est le cas des Buffalos. Si Simon ou Kalu entament une action sur le flanc, Andrijasevic sera à la bonne place dans le rectangle.  »

Hein Vanhaezebrouck a déjà déclaré qu’il se serait sérieusement trompé si Andrijasevic n’apportait pas quelque chose à son équipe. Et à Gand, on sait que Hein ne se trompe pas souvent.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTOS PHOTONEWS

 » Ce garçon est très bien éduqué et très croyant. Il va à l’église chaque dimanche et veille toujours à ne blesser personne !  » Zdravko Reic, journaliste croate

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