« Vas-y biloute ! »

Jonathan le Chti pète la forme : explications entre décès tragiques, drames humains et changements sur le terrain.

Son accent chti est à couper au couteau. Jonathan Blondel (25 ans) assume :  » Oui, je suis un vrai Chti, je me reconnais complètement dans la description des Français du Nord qui a été faite par le film. Je suis un gars simple et généreux. J’aime m’amuser et dès que je peux aider quelqu’un dans la misère, je ne me pose pas de questions. « 

Jo a la pêche. Il y a un an, il était dans l’abîme. Humainement et sportivement. Aujourd’hui, il est un des moteurs du Club Bruges. Un incontournable d’Adrie Koster. Détail d’une métamorphose.

Tu renais et ça transpire dans chaque interview que tu donnes !

Jonathan Blondel : J’ai fait une préparation complète. Pour la première fois depuis deux ans. En 2007, j’ai traîné les suites des efforts fournis à l’EURO Espoirs. Et l’année dernière, j’ai eu des problèmes de cheville. J’ai dû être opéré. Quand tu ne te prépares pas avec le groupe du premier au dernier jour, il n’y a pas deux issues possibles : il y a des pots cassés et tu les paies.

Le Club a beaucoup changé cet été : c’est une autre explication de ton retour en forme ?

Certainement. Bruges joue maintenant dans un système qui convient au groupe. Et à moi en particulier. Depuis mon retour en Belgique, il y a plus de cinq ans, tous mes entraîneurs m’ont limité à un rôle défensif. Me retrouver dans le rectangle adverse, ça m’était presque interdit. Les sensations qui font tant plaisir à un joueur qui a envie d’être offensif, j’en étais privé. Ma satisfaction, ma fierté, c’est d’avoir fait des bons matches dans ce rôle-là alors que mon petit gabarit ne s’y prête pas, a priori. Koster m’a donné des responsabilités fort différentes. Je dois encore faire du boulot de récupération, mais une fois que nous avons le ballon, je suis très libre, il n’y a plus qu’un minimum de consignes. Je respire, je revis. J’ai été formé comme milieu offensif et j’avais envie de retrouver mes vieux réflexes. Je ne suis pas le seul à être heureux aujourd’hui : tout le groupe se sent bien. Nous ne sommes pas mal partis en championnat et nous jouons les poules de l’Europa League : ça rigole de nouveau chez nous. Sur le terrain et en dehors. Je retrouve l’ambiance de mes deux premières saisons au Club.

Avant le match retour contre Lech Poznan, on a pourtant parlé de crise.

C’est sûr que si nous ne nous étions pas qualifiés, ça aurait fait très mal. Je pense que nous aurions traîné ça comme un boulet, comme Anderlecht l’a fait toute la saison dernière après son élimination par BATE Borisov. Poznan, c’étaient nos deux matches les plus importants de la saison. Nous sommes passés en le méritant, puis nous avons battu le Cercle en jouant à dix : la pseudo-crise n’était plus qu’un vieux souvenir.

Les joueurs sont unanimes : entre Mathijssen et Koster, c’est le jour et la nuit.

Tout à fait. La grande différence, c’est que Koster est beaucoup plus calme. La nervosité de Mathijssen se reflétait sur le groupe. Mais bon, on ne pourra faire une comparaison valable entre les deux qu’à la fin de la saison. On verra en mai si les méthodes de Koster sont les bonnes. Ce que nous avons vu jusqu’à présent, c’est qu’il apporte une autre conception du football. Au cours des dernières années, le Club a souvent essayé de jouer au ballon mais ça ne voulait jamais marcher. Maintenant, bien. Nous sommes très, très souvent en possession de la balle. Et le nombre d’occasions de but est impressionnant.

 » Chez les Anglais, si tu ne mets pas le pied, c’est toi qui sors blessé « 

Tu t’es fait une réputation de joueur assez dur : elle est justifiée ?

J’ai ma façon de jouer et je ne la changerai jamais. Je mets le pied.

On ne te connaissait pas comme ça quand on t’a découvert à Mouscron.

Non, mais entre Mouscron et Bruges, il y a eu un an et demi en Angleterre. C’est d’ailleurs là que j’ai découvert le job de médian défensif. Et chez les Anglais, si tu ne mets pas le pied, c’est toi qui sors blessé. Je sais que je traîne cette étiquette, même si je suis plus calme depuis deux ans. Je dois me faire respecter. Je suis petit et je dois compenser de cette façon-là si je veux être rentable sur le terrain. Je n’ai pas la stature naturelle pour faire le ménage. Et il y a une autre explication : je suis fou de rage quand je perds, alors je fais tout pour gagner. Quand je rentre à la maison après une défaite, il ne faut pas essayer de m’adresser la parole. Je ne demande qu’une chose : qu’on me foute la paix. Dans le temps, j’étais encore plus insupportable qu’aujourd’hui : j’ai cassé des chaises et des tables dans les vestiaires. A l’époque de Mouscron et de Tottenham, c’était parfois très chaud. Un jour, je me suis amoché le poignet en tapant de rage dans un mur. Il y a une question d’hérédité : mon père a un caractère encore plus fort que le mien. Les Blondel ne se laissent pas marcher sur les pieds. Et dans le milieu du foot, c’est souvent utile.

Quand tu vois les images du choc entre Axel Witsel et Marcin Wasilewski, tu n’as pas envie de te calmer un peu ?

Forcément, on réfléchit. On n’a pas envie d’y penser à chaque heure de la journée, mais on n’y coupe pas : tous les joueurs de D1 ont vu et revu les images, elles sont terribles. Mais je ne changerai quand même pas. J’ai déjà blessé des adversaires, mais jamais rien de grave. Et moi aussi, j’ai pris ma ration de coups.

On a l’impression que le championnat de Belgique se durcit méchamment.

C’est certain. C’est de pire en pire, année après année. Je le constate depuis deux ou trois ans. Dans certains matches, ça ne joue pratiquement plus au foot, ça casse, c’est la bagarre. J’ai l’impression que c’est une spécificité du championnat belge : je ne vois pas la même évolution ailleurs.

Qui peut changer les choses ?

Théoriquement, c’est le boulot de la Fédération. Elle essaye, notamment quand elle demande aux arbitres d’être plus stricts. Mais je ne suis pas sûr que ce soit LA solution. Quand je vois notre match récent à Malines… En deuxième mi-temps, il n’y a plus eu de match parce que l’arbitre a tout, tout sifflé. Le jeu était continuellement interrompu. Sur les trois quarts d’heure, il n’y a pas eu 20 minutes de football.

Autant de talent que Mirallas et Hazard !

Philippe Saint-Jean a dit que tu avais autant de talent que Kevin Mirallas et Eden Hazard.

Ouais… Ça fait plaisir, surtout quand ça vient d’un type qui me connaît bien. Mais je reste Blondel.

Ils sont incontournables en équipe nationale, eux.

Avoue que ce n’est pas simple de se faire une place dans l’entrejeu des Diables. J’ai par exemple Marouane Fellaini et Jan Vertonghen dans les pattes ! Un d’Everton et un de l’Ajax. Ce n’est pas dans cette partie-là du terrain que la concurrence est la moins forte, hein !

Tu te souviens de ton dernier match avec les Diables Rouges ?

Je crois que c’était contre l’Allemagne ?

Non, contre la Turquie. En avril 2004 ! Plus de cinq ans !

Oui, ça fait long mais ce n’est pas grave. Pour moi, l’équipe nationale est tout sauf une priorité. Et de toute façon, il y avait suffisamment de raisons pour ne pas me sélectionner pendant toutes ces années. Vu mon niveau avec Bruges, je n’étais pas incontournable.

Avec le recul, c’était une erreur de partir en Angleterre à 18 ans ? Fellaini et Thomas Vermaelen se sont d’abord affirmés dans un championnat moins réputé avant de tenter leur chance là-bas.

Je ne voulais pas partir, c’est Mouscron qui souhaitait me vendre. Pour moi, c’était mieux d’aller d’abord dans une bonne équipe belge avant de viser plus haut. Mouscron a dit que je devais m’en aller, j’ai attendu des offres mais rien n’est venu. Jusqu’à la proposition de Tottenham. Il faut croire qu’on me connaissait mieux en Angleterre qu’en Belgique : quelques mois plus tôt, c’est Manchester United qui m’avait invité pour une visite de ses installations. Ils m’avaient vu à un EURO de jeunes. Je suis allé discuter en tête à tête avec Alex Ferguson dans son bureau. Il m’offrait un contrat, mais c’était avec le noyau des -19. J’estimais que je faisais un pas en arrière si je quittais l’équipe Première de Mouscron pour les jeunes de Man. Utd. Tottenham, je ne l’ai jamais regretté. Je n’ai pas joué mais j’ai appris beaucoup. Quand tu t’entraînes avec Glenn Hoddle, quand tu as des coéquipiers comme Robbie Keane, Frédéric Kanouté, Gustavo Poyet et Teddy Sheringham, tu emmagasines, même si tu n’es pas sur le terrain le week-end. Je ne me suis pas enterré là-bas : j’ai joué plus de 130 matches avec Bruges depuis mon retour en Belgique, c’est la preuve que je n’ai pas perdu mon football en Angleterre. Et si j’ai l’occasion d’y retourner un jour, je n’hésiterai pas : ça reste une ambition.

par pierre danvoye – photos: belga

« J’ai cassé des tables et des chaises, je me suis pété un poignet en tapant dans un mur. Mais ça va mieux. « 

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