« Van Wijk m’a sali « 

Piétiné par Van Wijk, relancé par Scifo et directement efficace. La confession du prof de maths, redevenu joueur de foot.

T om Van Imschoot :  » Quand je suis arrivé à Mons en 2009, il y avait un problème de capitaine. Ça ne se passait plus trop bien avec Frédéric Jay, qui avait le brassard. Rudi Cossey estimait que j’avais le bon profil parce que j’avais déjà joué plus de 150 matches en D1. J’étais sceptique. Je suis un type assez calme, je ne gueule pas et j’avais encore tout à découvrir dans ce club. Il fallait aussi que je me fasse accepter. Mais ça s’est bien passé et je suis resté capitaine pendant les deux saisons en D2. Dennis van Wijk m’a gardé dans ce rôle quand il a débarqué, il n’y avait pas de raison de changer, et je portais toujours le brassard pendant le tour final.

Après la montée, tout était clair dans mon esprit. J’avais de très bonnes chances de rester titulaire, et toujours comme capitaine. C’était un gros soulagement de retrouver la première division. La D2, c’était parfois lourd. Quand on jouait à domicile, ça allait encore parce que Mons avait un stade, une pelouse et une ambiance de D1. Mais lors de la plupart des déplacements, ce n’était pas drôle : des infrastructures à la limite, très peu de spectateurs et un jeu qui n’avait rien de comique. Les adversaires misaient sur l’engagement, le caractère. Deux jours après la victoire dans le tour final, j’ai été un des premiers à signer un nouveau contrat. J’avais vraiment l’impression que tout le monde me faisait confiance à Mons, Van Wijk compris. Mais je n’ai pas énormément joué lors de la période de préparation. Parfois une mi-temps, parfois une demi-heure. Je ne me posais pas de questions parce que Van Wijk me rassurait : -On sort d’une saison longue et difficile, tu as eu peu de congés, ne force pas, ne te blesse pas. Pour moi, ça tenait la route et je ne m’inquiétais pas. Chaque joueur a eu une discussion individuelle avec lui et il nous a interrogés sur nos ambitions. Je lui ai dit que je visais une saison tranquille pour l’équipe et une trentaine de matches pour moi.  »

 » 250 bornes par jour sans les fruits « 

 » Lors de la première journée, contre le Standard, je n’ai pas joué. Puis, je me suis blessé et j’ai été indisponible un mois. Quand je suis revenu, j’étais impatient, je voulais entrer dans l’équipe, mais elle tournait bien sans moi et je ne pouvais pas être trop exigeant. J’ai attendu mon tour sans broncher. J’ai repris du rythme avec l’équipe Réserve. A partir du mois d’octobre, j’étais à 100 %. Van Wijk le voyait mais aucune porte ne s’ouvrait pour moi. J’ai commencé à être frustré. Mais je ne pouvais toujours rien réclamer parce que les résultats continuaient à être bons, inespérés. Quand tu te sens au top lors de chaque entraînement mais que tu ne quittes pas le banc, tu enrages. Van Wijk ne me reprochait rien, il me confirmait que je travaillais bien, il n’a jamais été négatif dans nos conversations. Il m’expliquait simplement qu’il devait faire des choix.

Dimitri Mbuyu et Geert Broeckaert ont vu que je devenais de plus en plus malheureux et ils m’ont fort soutenu. A l’entraînement, j’ai toujours tout donné, mais en dehors du stade, je vivais mal. Je trouvais injuste qu’on ne récompense pas mes efforts. J’habite près de Saint-Trond et je me tapais 250 kilomètres par jour en sachant que je ne jouerais pas le week-end. Si tu es titulaire, les heures en voiture ne te pèsent pas. Si tu es réserviste, tu passes ton temps à ruminer derrière ton volant, ça te semble long. Je pensais toujours que j’allais pouvoir convaincre l’entraîneur, l’obliger à m’aligner. Mais j’avais beau faire tout ce que je voulais en semaine, montrer le maximum de bonne volonté, ça ne changeait rien. Une loi du foot dit que si tu bosses comme un fou, tu finiras par cueillir les fruits. Chez moi, ce n’était pas vrai.  »

 » Impossible de continuer avec Van Wijk « 

 » Avant le déplacement à Gand, le dernier match de Dennis van Wijk, je me suis exprimé dans les journaux. Je n’avais vraiment pas l’intention de le démolir. J’ai simplement expliqué que je me sentais mieux parce que j’avais marqué le week-end précédent contre Genk, en jouant à peine une demi-heure. Le journaliste m’a demandé ce que je comptais faire la saison prochaine si Van Wijk prolongeait à Mons. J’ai répondu que j’avais besoin d’un coach qui croyait en moi, et que si Van Wijk restait, ce serait mieux que je cherche un autre club. Logique, non ? On arrivait au bout de la phase régulière du championnat et j’avais joué en tout et pour tout trois petits morceaux de matches. Quel joueur pro n’envisage pas de changer d’air avec des statistiques pareilles, surtout s’il sort de deux saisons pleines ?

Il ne m’a pas repris pour aller à Gand. Officiellement, c’était une sanction disciplinaire suite à mes déclarations. Je ne l’ai pas cru quand j’ai découvert cette explication dans la presse ! C’est comme ça qu’on démolit un homme. Tous ceux qui me connaissent dans le monde du foot savent que je n’ai pas un sale caractère. Mais les autres ? On pouvait subitement me considérer comme une pomme pourrie. C’est dangereux sur un CV. Si, moi, je suis difficile à vivre, il y en a beaucoup dans ce milieu… Van Wijk m’a sali publiquement, c’est inacceptable. Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes coaches depuis que je joue au foot. Maintenant, je veux tourner définitivement la page, oublier cette période noire, la plus moche de ma carrière. Pendant sept mois, je n’ai pris aucun plaisir dans mon métier. J’ai aussi traversé des moments un peu difficiles à Saint-Trond et à Westerlo mais ce n’était pas comparable. Là-bas, même quand ça allait moins bien, je jouais quand même 70 ou 80 % des matches. Je ne restais jamais plus de quatre ou cinq semaines d’affilée en dehors de l’équipe. A Mons, j’ai été sur le terrain l’équivalent d’une heure sur les 27 premières journées ! « 

 » Le feu Van Wijk et l’eau Scifo « 

 » Le lendemain du match à Gand, quand Van Wijk a été officiellement viré, j’ai demandé pour jouer en Réserves. Je me doutais que la roue pouvait tourner subitement et je voulais être prêt pour le premier rendez-vous de l’après-Van Wijk. Physiquement, il n’y avait aucun problème. J’avais continué à me soigner comme si j’avais toujours été titulaire, et en plus, j’étais très frais… Cette fraîcheur est sans doute le seul point positif de ma période de misère.

Si Enzo Scifo a besoin de moi, je peux amener ma hargne, alors que certains joueurs commencent à ressentir l’accumulation des matches. Mons peut faire quelque chose dans les play-offs 2. Si nous avons un tirage favorable, on pourra y croire parce qu’un vent nouveau souffle depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, plein de choses ont changé. Van Wijk, c’était le feu. Scifo, c’est l’eau, il a une approche calme avec les joueurs, son discours passe sans coups de gueule. Il veut remettre le plaisir au c£ur de l’action. Et il nous demande de jouer au foot. Ses entraînements sont plus longs, il estime que nous ne sommes pas au top physiquement et qu’il faut corriger le tir avant le début des play-offs. Ça durait une heure quart ou une heure et demie avec Van Wijk, et il nous répétait souvent qu’il fallait faire attention aux blessures. Avec le nouveau coach, le boulot se prolonge et on y va. Van Wijk, c’était la méthode dure dans le contact avec le noyau. Lui aussi a cherché à pratiquer un foot agréable et ça a marché en première partie de saison. A ce moment-là, Mons cumulait les résultats et la manière. Puis, l’équipe a eu du mal à garder son style, et alors, Van Wijk a décidé qu’il ne fallait plus tenir compte que du résultat brut et ne plus chercher à produire du spectacle. Et lors des dernières semaines, même les résultats ne suivaient plus, alors il n’y avait plus rien. Les raisons ? Sûrement la fatigue. Certainement, aussi, une grosse perte de confiance dans le groupe.  »

 » Mes stats sont meilleures que celles de Perbet ! « 

 » J’ai marqué contre Genk, j’ai refait le coup face au Beerschot pour la première avec Scifo. Je n’ai jamais eu des statistiques de buteur, ma zone de travail se situe entre le pur médian défensif et les attaquants, marquer ne m’a jamais obsédé, mais le goal contre le Beerschot, j’avoue que je l’ai savouré. C’était ma première titularisation depuis le mois de mai et je mettais directement un beau tir au fond. Je pense que pas mal de gens se demandaient si j’étais encore joueur de foot. Je me suis à nouveau montré.

En 141 minutes cette saison, j’ai scoré deux fois : mes stats sont meilleures que celles de Jérémy Perbet, on en rigole dans le vestiaire. En fusillant Stijn Stijnen, j’ai ressenti une vraie joie intérieure, mais c’était très sain. Pas une jouissance particulière par rapport à Dennis van Wijk, je n’ai aucun sentiment de revanche. Ce n’est pas en étant revanchard que tu avances, ce n’est pas une bonne base pour trouver la motivation. Non, l’épisode Van Wijk, c’est maintenant de l’histoire ancienne, je ne vais pas passer le reste de la saison à commenter ce qu’il m’a fait subir. Je suis heureux de m’être accroché. Fin janvier, j’étais sur le point de partir en prêt au Lierse. Les directions n’avaient pas su se mettre d’accord et j’étais déçu. Un mois plus tard, je suis à nouveau titulaire potentiel dans un club où je me sens bien. Ça peut aller vite.  »

PAR PIERRE DANVOYE

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