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Union sacrée

Samedi dernier, la première journée des PO2 opposait l’Union Saint-Gilloise au Cercle Bruges. Anecdotique sur le plan sportif, l’opposition avait toutefois une saveur particulière pour les supporters des deux camps, amis de longue date.

Dimanche 1er juin 1913, l’Union Saint-Gilloise, déjà auréolée de son septième titre conquis quelques semaine auparavant, reçoit le Cercle sportif brugeois sur son terrain de la rue de Forest, à Uccle, pour la finale de la Coupe de Belgique qui vient clore la saison. Quelque 900 spectateurs se sont massés pour voir s’affronter deux équipes qui se connaissent bien puisqu’elles jouent les premiers rôles de la Division d’Honneur depuis presque dix ans.

À la mi-temps, le marquoir affiche un but partout et à l’issue du temps réglementaire, les deux formations ne se sont toujours pas départagées, malgré un nouveau goal inscrit chacune. C’est la première fois de l’histoire de la jeune Coupe de Belgique que l’on se retrouve dans un tel cas de figure.

Le règlement de l’époque étant assez flou, de longues discussions sont nécessaires entre les responsables de la Fédération pour finalement décider d’une prolongation de 2×15 minutes. Un ajout qui sourit finalement aux Bruxellois grâce au deuxième but de la partie de Georges Hebdin, qui offre sa première Coupe à l’Union, réalisant par la même occasion le premier doublé championnat-coupe de l’histoire du football belge.

Une amitié de centenaires

106 ans plus tard, la rencontre entre l’Union et le Cercle n’est pas appelée à entrer dans les annales : voilà bien longtemps que les deux équipes ne trustent plus le haut de classement et l’anonymat relatif des play-offs 2 ne joue pas en leur faveur. Pourtant, s’il y a un match de PO2 que les fans des deux camps ont souligné en rouge dans leur agenda, c’est bien celui-là. En effet, supporters brugeois et saint-gillois entretiennent depuis de longues années une relation particulière et les Vert et Noir sont attendus avec impatience du côté du Stade Joseph Marien.

Les premiers accents brugeois ne tardent d’ailleurs pas à se faire entendre : au Dekkera, une bièrerie située à quelques rue du Parc Duden, Clara et Madeleine font leur entrée, écharpe Jaune et Bleu autour du cou, deux heures avant le coup d’envoi. Brugeoises, elles ont emménagé à deux pas de l’antre de l’Union il y a un peu moins d’un an et ont rapidement succombé à la fièvre saint-gilloise. Pour l’occasion, le père et le frère de Clara, supporters de longue date du Cercle, ont fait le déplacement depuis la Venise du Nord pour venir assister à la rencontre. Côté Unionistes évidemment. Et ils sont loin d’être les seuls.

Xavier Mercier, entouré de Marcel Mehlem et Teddy Teuma, n'est pas parvenu à trouver la faille dans la défense unioniste.
Xavier Mercier, entouré de Marcel Mehlem et Teddy Teuma, n’est pas parvenu à trouver la faille dans la défense unioniste.© BELGAIMAGE

Quelques centaines de mètres plus loin, la façade Art Déco du Stade Marien se fait encore plus élégante qu’à l’habitude, embellie par les derniers rayons de soleil de la journée. La chaussée de Bruxelles se remplit peu à peu de Jaune et Bleu et, tradition oblige, la bière coule à flots. Pour certains, c’est loin d’être la première de la journée. En effet, en ce 30 mars, le célèbre Manneken-Pis était habillé aux couleurs de l’Union Saint-Gilloise et les brasseries En Stoemelings, Cantillon et de la Senne abreuvaient pour l’occasion les passants de leurs breuvages. Un rendez-vous immanquable pour les plus fidèles du club saint-gillois.

Match à risques

Fabrizio, 59 ans, fait partie de ceux-là et nous le retrouvons devant le Club House une petite heure avant le début de la partie. Écharpe du Cercle autour du cou, il doit nous faire rencontrer quelques fans brugeois, amis de longue date.

Après quelques tergiversations, nous finissons par les retrouver dans un coin du Club House. Embrassades, salutations en français, néerlandais et même anglais, ils sont une grosse dizaine, hommes et femmes, de la vingtaine à la soixantaine à discuter tranquillement en attendant le match. Alors que l’ambiance est bon enfant, un policier en civil, oreillette bien en place, vient troubler ces retrouvailles. C’est l’écharpe Vert et Noir de Fabrizio qui a attiré son attention : pas question de l’arborer en tribune unioniste, les supporters du Cercle doivent être dans leur parcage.

En effet, la rencontre du soir est, de façon incompréhensible, classée à risques. Pas question donc pour les supporters du Cercle de venir par leurs propres moyens : c’est transport en car obligatoire, avec retour à Bruges une fois les trois coups de sifflet finaux retentis.

Heureusement, Brugeois et Unionistes ont prévu le coup et des tickets en tribune Jaune et Bleu sont prévus pour les gens du Cercle qui n’arborent d’ailleurs pas leurs couleurs, quelques sweat-shirts noirs garni d’un logo 1899, année de fondation du Cercle, mis à part.

Tous sont d’accord sur une chose : cette décision n’a aucun sens.  » Nous sommes amis, il n’y aura jamais d’incidents entre nous « , explique un jeune Brugeois.  » D’ailleurs, je suis certain que ce soir nous serons plus de fans du Cercle dans la tribune de l’Union que dans celle normalement prévue pour nous. Ils ne seront qu’une cinquantaine là-bas « .

Ménage à trois avec Liège

Alors qu’une nouvelle tournée arrive, nous posons enfin la question qui nous brûle les lèvres depuis un moment : comment est née cette amitié entre supporters des deux camps ? On nous dirige alors vers Kris, la cinquantaine, attablé quelques mètres plus loin, qui nous explique que tout a commencé…en terres liégeoises.

 » À l’origine, nous sommes allés voir un match du Cercle au FC Liégeois. C’était au début des années 90, en 1992 je crois et, à l’époque, le Vlaams Blok avait fait un gros score aux élections. Les supporters liégeois ont commencé à nous traiter de fascistes. J’ai même cru que ça allait tourner à la bagarre. Finalement, on a pu se parler et on leur a expliqué que nous n’avions rien à voir avec ça.

Au Cercle, on est pour une Belgique unie. On n’affiche jamais de drapeau flamand. Au Club, ils le font mais pas nous. Finalement, on a sympathisé avec les Liégeois et comme ils avaient des contacts avec les gars de l’Union, c’est devenu petit à petit une association entre nous trois « .

 » C’est vrai que nous avons des contacts avec les Liégeois depuis longtemps « , confirme Fabrizio.  » Ça s’est vraiment affirmé vers la fin des années 90 quand nous avons organisé une grande rencontre avec eux lors d’un match entre nos deux équipes. Ils ont garé leurs cars à Forest National et nous avons marché ensemble jusqu’au stade.

Mais ça ne se limite pas qu’aux matches entre nous. Il y a régulièrement des supporters de l’Union qui vont au Cercle ou Liège. Et vice versa. Encore lors de la dernière rencontre de la phase classique contre Tubize, des Brugeois étaient là « .

Cercle is de ploeg van’t stad

Une amitié de longue date donc mais qui ne se limite pas qu’aux anciens.  » Au départ, on s’est aussi bien entendu parce qu’on avait pas mal de points communs « , nous précise un fan du Cercle.  » On écoutait les mêmes musiques, le ska notamment. Mais aujourd’hui, les jeunes ont aussi pris le relais, au sein des groupes de supporters des trois équipes et chaque année, on s’invite les uns les autres aux tournois de foot qu’on organise par exemple.  »

Une association flamande, un club bruxellois et un troisième wallon, ça n’a évidemment rien d’anodin et on retrouve cette idée d’union sur le drapeau belge garni des logos des trois équipes qui est arboré fièrement lors de chaque rencontre.

Trois équipes historiques qui vivent également à l’ombre de leurs puissants voisins plus jeunes.  » On est tous des underdogs « , affirme un Brugeois.  » Il y a aussi un esprit commun. Eux, le Club Bruges, Anderlecht et le Standard, c’est le foot-pognon alors que nous on se positionne autrement. C’est Against Modern Football. Ils se détestent, nous on s’aime « .

Le coup d’envoi approche, il est temps de se rendre en tribune où, de fait, nous apercevons plusieurs groupes de Brugeois ainsi que quelques écharpes liégeoises.

Alors que l’Union prend le jeu à son compte, les supporters saint-gillois n’oublient pas leurs homologues et à la 10e minute, des Cercle is de ploeg van’t stad s’élèvent des gradins. Un quart d’heure plus tard, Faïz Selemani transforme un penalty généreusement accordé et porte Saint-Gilles aux commandes (1-0).

Rendez-vous au retour

Les Bruxellois se montrent supérieurs et peu avant la mi-temps, Youssoufou Niakaté double le score (2-0). Un marquoir qui n’empêche pas les Brugeois d’apprécier la rencontre : ça rit aux éclats dans la file pour accéder au bar. Il n’y a pas que l’Union qui sourit. Si au retour des vestiaires, Gianni Bruno, esseulé dans le grand rectangle, réduit la marque (2-1), les hommes de Luka Elsner restent supérieurs et Niakaté fixe finalement le score à la 82e (3-1).

De retour au Club House, la bonne humeur n’a heureusement pas quitté les rangs brugeois malgré la défaite :  » Ce soir l’Union était la plus forte. Mais on a quand même vu un chouette match. Rendez-vous au retour « .

Un club de D1B en Europe ?

Si les PO2 n’offrent aucune possibilité de promotion au Beerschot, à Westerlo et à l’Union, ils ont tout de même la particularité de permettre à ces clubs de D1B une possible qualification pour l’Europa League via le championnat, sans doute un fait unique sur le vieux continent. Une hypothèse qui ne s’est toutefois encore jamais vérifiée, loin s’en faut. Une grande première en 2019 ?

2016-2017

Union : 5e du Groupe A

Lierse : 6e du Groupe A

Roulers : 6e du Groupe B

2017-2018

OHL : 4e du Groupe A

Lierse : 6e du Groupe A

Beerschot : 6e du Groupe B

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