Une tête bien faite

Le champion de Belgique remporte deux prix d’un coup : Footballeur Pro et Fair-Play.

 » Van der Elst est mon idole  »

Quels sont vos héros ?

Timmy Simons : Depuis ma tendre enfance, je suis supporter du Club. Franky Van der Elst était mon idole. Marcher sur ses traces a donc été quelque chose de formidable. Ce que j’apprécie surtout, c’est l’ambiance qui entoure l’équipe et le jeu, dont j’ai toujours raffolé. Il convient à mon propre style. J’ai évolué à Diest où un entraîneur m’alignait en défense, un autre dans l’entrejeu, parfois dans un rôle plus offensif ou à l’arrière droit ou gauche quand quelqu’un était forfait.

Pour un Brabançon, Bruges est très éloigné.

J’ai d’ailleurs suivi peu de matches sur place. Mon père m’a emmené voir Alost-Cercle ou un match de ce genre. Je pense que c’est la seule rencontre de D1 que j’ai suivie en étant gamin. Mon père avait trouvé ça chouette. Maintenant, pourquoi a-t-il jeté son dévolu sur ce match-là, je n’en sais rien ! Mais nous nous sommes bien amusés. Dommage que nous ne puissions plus le faire. Sinon, j’étais limité à ce que la télévision retransmettait. A ce moment, il n’y avait pas de rencontres de Coupe d’Europe tous les mardis, mercredis et jeudis.

 » Je n’aime pas me disputer  »

Quel effet cela vous fait-il d’être devenu une vedette ?

J’apparais pratiquement toutes les semaines à la TV ou dans les journaux mais j’ai reçu une bonne éducation, donc ça ne me pose pas de problèmes. Je n’ai jamais eu de mots avec quelqu’un dans le football ou à son propos. Ces derniers temps, je suis beaucoup plus sollicité. On me demande pour des tas de choses : fêter un anniversaire, découper un gâteau de mariage… Je ne peux évidemment pas accepter tout. Quand c’est pour une bonne £uvre, d’accord, mais il faut parfois oser dire non et se conserver une plage de temps. Chaque semaine, il y a 20.000 personnes dans les tribunes. Si chacune me demande d’assister à son anniversaire ou de donner le coup d’envoi du match de son équipe, je n’en finirais plus.

Quand avez-vous juré pour la dernière fois ?

Sur le terrain, je crois, sur le but de St-Trond. Nous avions ce match en mains, nous menions 1-0, ce qui nous permettait théoriquement de fêter le titre et voilà que nous concédons un but. En-dehors du terrain, je ne jure pratiquement jamais. Je n’ai aucune raison de le faire. Selon moi, quand on est de mauvaise humeur, il n’est pas nécessaire de le montrer. Je préfère serrer les dents.

Vous avez toujours l’air calme. Ne vous fâchez-vous vraiment jamais ?

C’est très rare. Je garde ce que j’ai sur l’estomac pour moi-même. Je n’aime pas me disputer. Mais je ne me laisse pas non plus marcher sur les pieds. Si c’est sérieux, je deviens catégorique et je ne parlerai plus à cette personne que pour des raisons de service. Je me défoule sur le terrain. J’ai eu la chance de faire ma profession de mon hobby. Je peux toujours y oublier tout ce qui a pu me contrarier en dehors du football.

Qu’est-ce qui peut vous énerver ?

Je ne supporte pas qu’on ne soit pas honnête. Ça arrive parfois. Des gens qui vous disent quelque chose puis qui en racontent une autre derrière votre dos. Je trouve ça très lâche.

Vous avez tout du gendre idéal. Qui pourrait avoir quelque chose contre vous ?

Plus vous avez de succès, plus vous passez à la télévision, plus vous suscitez la jalousie. Ça arrive de plus en plus souvent. Parfois, je le remarque aux réactions des gens. Vous êtes en train de manger au restaurant et les gens font des réflexions, des gestes. Ça va trop loin. Mais je n’ai pas de problème quand ça arrive dans un stade car il y a des tas de gens qui sont fous de leur club. Là, un joueur doit pouvoir accepter et faire la part des choses.

 » Jamais été un rebelle  »

Le stress vous est-il étranger ?

Je le ressens très peu. Avant un match, je suis sous l’emprise d’une tension saine, indispensable pour me motiver, mais ce n’est pas du stress. Je n’ai jamais été très nerveux, même pas lors de mon premier match en D1, en équipe nationale ou en Ligue des Champions. J’essaie de tout relativiser. Quand ça ne marche pas, je sais que ça va passer. Je ne connais pas de véritables hauts et bas. Il faut savourer les bons moments mais c’est possible sans sombrer dans l’euphorie. Il en faut beaucoup pour me désarçonner. Je n’ai jamais eu de problème avec quiconque et pourtant, j’ai déjà eu pas mal d’entraîneurs et de coéquipiers. Je ne me suis disputé avec aucun. Mais j’ai vécu tout ce qu’un jeune doit connaître, ne vous tracassez pas (il éclate de rire). Mais toujours avec mesure.

Vous n’avez jamais connu de période de rébellion ?

Pas vraiment, non (Il rit). Je dois quand même avouer que j’ai toujours un caractère bien trempé. Il est facile de suivre le troupeau, de fumer, de boire, de faire des virées dingues, mais je ne l’ai jamais fait. Avant, on a parfois rigolé de moi à cause de ça mais voyez où ça m’a permis d’arriver. Beaucoup trop de jeunes veulent être à la mode et font pour ça des choses dont ils n’ont pas envie. J’estime qu’il faut faire preuve de caractère et oser dire non. Ceux qui en sont capables sont forts. Sur le moment même, on a peut-être l’impression de s’exclure mais à terme, on s’endurcit. D’ailleurs, les vrais amis respectent vos décisions.

Que vous a-t-on inculqué comme valeurs ?

On m’a appris qu’il fallait faire des efforts pour arriver à quelque chose. Maintenant et pas à 50 ans. Je vis mes meilleures années actuellement, surtout comme footballeur. Il faut tenter de retirer le maximum de cette période, mais après 35 ans, je n’ai pas non plus envie de ne plus rien faire, pour être franc. J’ai toujours dit que j’aimerais déménager en Espagne ou en France et entamer une nouvelle vie là-bas. Ça reste mon rêve. Je sais pourquoi je travaille. J’ai commencé à travailler dans l’horeca comme garçon vers 15-16 ans. Ça me plaisait beaucoup. Dès que j’avais une journée de congé, j’y allais. Parfois, j’aidais aussi mon père dans son entreprise de vitres et de portes. J’ai quand même choisi le football. Mon frère, qui est plus jeune que moi, est responsable de la sécurité dans une firme. Il a préféré son travail au football. Il ne pouvait combiner les deux.

Compte-t-il beaucoup pour vous ?

Il lui est difficile d’assister à beaucoup de matches, à cause des distances, mais nous essayons de partir en vacances ensemble. Et si nous nous sommes un peu éloignés l’un de l’autre ces dernières années, nous savons quand même que nous pouvons compter l’un sur l’autre. Il est plutôt noceur, comme mon père qui est… euh… Qui est parfois plus exubérant, disons (Il rit). Mais il n’a jamais été impulsif et a toujours pris ses décisions sereinement.

 » Le Club a dépassé mes espérances  »

Peut-on justifier la guerre ?

Je n’ai pas d’opinion explicite sur ce thème. D’autres sont là pour en décider, mais je dois avouer que parfois, je n’en vois pas l’utilité. La politique est un monde à part. Je connais beaucoup de gens qui l’ont fréquenté et qui l’ont ensuite quitté. Ça ne m’intéresse pas beaucoup, même pas avec les récentes élections, bien que j’en connaisse les grandes lignes.

Pourriez-vous un jour porter en Belgique un autre maillot que celui du Club ?

Non, j’en suis sûr à 100 %. Il arrive qu’on me le suggère : -Va à Anderlecht, me dit-on souvent. Je réponds toujours non, en ajoutant : ni au Standard ni à Genk. Mais le titre n’en est pas moins : Je n’irai jamais à Anderlecht. Quand vous êtes dans un grand club belge, vous n’avez pas besoin de déménager. Le Club a même dépassé mes espérances. Si je le quitte, ce sera pour l’étranger.

Certains étalent leur vie privée sans la moindre gêne, d’autres l’évitent. Vous émargez plutôt à la seconde catégorie.

En effet, je tente de protéger ma vie privée de mon mieux. Ça ne réussit pas toujours mais il faut séparer le boulot du reste. C’est plus difficile pour mon père (il rit). Il aime s’adresser à la presse, mais de manière simple. Je n’ai pas besoin d’être dans les journaux et mes parents non plus. Seulement, on n’arrête pas de téléphoner. Chacun a son jardin secret et il faut le respecter.

Avez-vous jamais été volé ?

Une fois, on a brisé la vitre de ma voiture et volé de l’argent.

Et vous êtes resté d’un calme olympien ?

Je ne pouvais quand même plus rien y faire.

Avec une telle mentalité, ne risquez-vous pas, à la longue, de tout accepter ?

Je n’accepte pas tout. Mais on ne peut pas influer sur le cours de certaines choses.

Etes-vous capable de mentir pour la bonne cause ?

Oui mais chacun doit apprécier lui-même la situation. Parfois, il est préférable de ne pas blesser les gens en en disant trop.

Quel est le plus gros mensonge que vous ayez jamais lu sur vous-même ?

On a écrit certaines choses que quelqu’un d’autre avait dites et on m’a reproché d’avoir tenu ces propos. Dans l’affaire-Schalke, par exemple, mon manager s’est tourné vers la presse et notre directeur Antoine Vanhove s’est énervé au sujet de la loi de 1978 que nous pourrions utiliser. Il y a donc des gens, et même des supporters du Club, qui me reprochent d’avoir parlé de ça. Je trouve lâche de m’envoyer une lettre anonyme bourrée de reproches. Je ne peux pas me défendre. Alors qu’en plus, c’est pour les supporters qu’on fait tout ça.

 » Je préfère l’admiration à la jalousie  »

Recevez-vous beaucoup de courrier ?

Oui, même de l’étranger, de Pologne, de Tchéquie, de Hongrie, d’Allemagne. Depuis la saison passée, je commence à être connu et suivi à l’étranger. Généralement, il s’agit d’autographes ou de photos mais on m’a aussi demandé d’envoyer un short ou un slip. Je me suis demandé à quoi ces gens pensaient ? (Il rit).

Et vous n’avez pas donné suite à cette demande-là.

Pas jusqu’à présent, non (il éclate de rire).

Comment gérez-vous la jalousie ?

On suscite toujours l’envie d’autrui mais personnellement, je grée à chacun son bonheur. Je préfère l’admiration à la jalousie. Dans ma relation privée, je suis quand même jaloux mais il le faut aussi. C’est normal quand on aime quelqu’un. Mais je suis incapable d’envier quelqu’un qui possède plus de qualités ou qui va plus loin que moi. De toute manière, je n’attache pas beaucoup d’importance aux choses matérielles. Il y a des valeurs plus importantes dans la vie. (Il observe une pause). Je ne vous livre pas beaucoup de déclarations fracassantes, hein ?

Il faut de tout dans la vie.

On me dit souvent que je suis trop gentil, trop brave mais pourquoi devrais-je changer ? Finalement, ça ne m’a pas trop mal réussi et ce n’est pas parce que je gagne un prix que je dois subitement me trouver deux fois meilleur que je ne le suis ? Je peux regarder tout le monde droit dans les yeux. C’est l’essentiel. Quand on commence à s’énerver, ça ne mène à rien. Tant de choses passent au-dessus de votre tête… Si vous êtes capable de vivre selon cette philosophie, vous êtes un homme heureux.

 » Chacun a son jardin secret « 

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