Une semaine (presque) pour rien

Bilan de la première semaine du tournoi parisien. Côté féminin, les favorites n’ont pas déçu. A commencer par nos représentantes.

S’il n’y a pas eu de surprise chez les dames, quelques favoris de l’autre sexe ont déjà quitté Roland Garros par la petite porte. Leyton Hewitt a trébuché face au jeune espoir Tommy Robredo. C’est d’autant plus surprenant que l’Australien n’a pu gérer un avantage net, à plusieurs reprises, et que Robredo n’est pas typiquement espagnol. Face à un joueur au tennis dur, la défaite du numéro 1 mondial est encore plus étonnante. Evidemment, six matches de préparation à la terre battue, c’est peu pour un joueur qui apprécie peu cette surface.

Roger Federer aime cette surface, mais s’il a la technique d’une horloge suisse, il n’en a pas la régularité. Trois victoires en tournoi et une place en finale à Rome ne lui ont pas insufflé suffisamment de confiance pour évincer le Péruvien Horna. Le joueur qui est sans doute le plus doué du monde, intrinsèquement, continue à peiner lorsqu’il est dans un jour sans. Il ne parvient pas à afficher assez de force de caractère et de métier.

Andy Roddick n’a pas davantage trouvé de parade. Figure de proue de la nouvelle levée américaine, il a été éliminé sans gloire dès le premier tour, alors qu’il restait sur une victoire au tournoi de préparation de St-Polten. Les hauts et les bas de la carrière de Roddick commencent à ressembler furieusement à une étape de montagne du Tour de France. Ce n’est jamais bon signe. Le yankee n’a pas encore fait appel à un nouvel entraîneur mais son coach actuel, Tarek Benhabiles, devrait s’interroger, tout comme la fédération américaine. Alors même qu’une génération émerge, prête à combler le vide, après les années de gloire de Sampras et d’ Agassi, on dirait qu’elle n’a jamais entendu parler de terre battue. Roddick, Blake, Fish, Dent et Vahaly ne manquent ni de potentiel, ni d’aura ni de motivation mais ignorent tout de la terre battue. Puisqu’un des quatre Grands Chelems se déroule sur cette surface rouge, ainsi que des tas d’autres tournois, les Américains feraient bien d’aménager quelques courts de ce genre dans leurs centres de formation.

Du coup, tous les espoirs américains ont reposé sur Andre Agassi, qui a l’air plus fort que jamais, à 33 ans. Certes, tout ne se déroule pas aussi aisément qu’à l’Open d’Australie, où il n’avait perdu qu’un seul set en tout et pour tout, mais le mari de Steffi Graf se sert habilement de son expérience. Au deuxième tour, contre le Croate Mario Ancic, également appelé Baby Goran, il est passé par le chas de l’aiguille. Ancic est un grand talent mais demeure irrégulier. Son tennis offensif et audacieux a perturbé le vétéran, qui a toutefois su relever son jeu aux moments importants.

Le match suivant s’est déroulé selon la même trame, avec un Agassi nettement plus affûté. L’affrontement entre le boy de Las Vegas et celui de Courtrai a été passionnant. Malisse a donné le meilleur de lui-même, ce qui n’est pas rien, mais il a été impuissant face aux accélérations d’Agassi sur les points importants. Evidemment, peu de joueurs sont capables de tenir un rythme pareil. Xavier a quitté le court Philippe Chatrier sous les applaudissements. Il aura sans doute éprouvé bien plus de satisfactions encore au terme de son match épique, au deuxième tour. Face au clone de Muster, Stefan Koubek, Malisse a servi les ingrédients de son menu traditionnel, alternant les moins bons moments (atténués par son habileté) et les éclairs de génie. Le plongeon dont il s’est fendu en signe de victoire est éloquent : ce match est un fameux stimulant pour lui. Pourtant, il a encore une marge de progression. Il peut améliorer sa puissance et sa condition mais également gommer son manque de concentration. En soi, c’est positif. Ces manquements constituent peut-être une piste pour le énième successeur de Steve Martens, son coach intérimaire.

Rattrapage londonien pour Olivier Rochus

Olivier Rochus a rejoint la capitale française avec un nouvel entraîneur aussi, mais avec moins de succès. Il est retombé dans ses travers, accablé par la pression. Cette fois, il a été victime de crampes û un indice de stress chez lui û dès la première partie du match. Dommage, car Oli avait bien commencé la saison et filait vers le Top 50. Il devra se rattraper à Wimbledon.

Son frère Christophe a fait ce qu’on attendait de lui, comme depuis le début de la saison : il s’est qualifié pour le tableau. Cette fois, il s’est incliné, avec les honneurs, face au Marocain El Aynaoui, mais l’aîné des Rochus retrouve progressivement le niveau atteint il y a quelques années.

Dick Norman, qui a jadis atteint le troisième tour parisien, est parvenu à se qualifier pour le tableau final, avec la moitié de ses forces, et a bénéficié d’un tirage assez favorable. Il a toutefois fait comprendre qu’il ne s’accordait guère de chances dans les semaines à venir, sur gazon. Il est difficile de retrouver en lui l’homme au service le plus dangereux du circuit, celui-là même qui avait réalisé un superbe parcours à Wimbledon en 1995. Mais Norman ne changera plus, à 32 ans.

Le tournoi masculin n’a pas connu de grands changements de scénario. Des matches gagnés à l’usure, de vilaines blessures, un tennis physiquement impressionnant et quelques surprises. Les dizaines de coups durs échangés ne semblent laisser aucune trace sur les meilleurs, malgré le climat. Evidemment, la génération montante bénéficie depuis son plus jeune âge d’entraînements physiques, soigneusement programmés à l’aide de tests médicaux. Pourtant, la fraîcheur d’une grande partie des joueurs au terme de matches en cinq sets est époustouflante.

Au deuxième tour, Carlos Moya a affronté Chela, l’ancien dopé. L’idole des femmes, affublé d’un T-shirt sans manches, de chaussures bleues et d’un tatouage représentant des fils barbelés, s’est brillamment défendu, alors qu’il semblait fichu. Moya a nettement amélioré son service. Il est de loin l’Espagnol le plus doué. Il a un jeu très varié. Avec Juan-Carlos Ferrero, il emmène l’armada ibérique. Le vainqueur de l’année dernière, Albert Costa, fait toujours partie de ce groupe select. Il a souffert mais il est parvenu à se qualifier pour la seconde semaine, sans faire figure de favori à la victoire finale. Il vient de disputer trois matches en cinq sets et, tôt ou tard, le numéro 10 devra s’incliner.

Clijsters : 3 matches en 2 h 40

Costa a passé 15 heures sur le court, pour trois matches. Comparez ces chiffres avec ceux de notre Kim Clijsters, qui a expédié trois matches en deux heures 40… Leyton Hewitt s’est incliné face au numéro 30 alors que son amie n’a concédé que trois jeux face à une adversaire au classement comparable. En dépit de la polémique récurrente concernant l’inégalité des primes des hommes et des femmes, il faut bien admettre que le tournoi féminin n’a vraiment commencé que cette semaine. Un gouffre sépare le Top 10 du reste. Evidemment, on peut avancer un autre argument : le circuit féminin a davantage de personnalités et fait meilleure recette sur le plan commercial. Toutefois, pendant une semaine, on n’a assisté qu’à un tennis à sens unique, très prévisible, au point qu’on doive s’intéresser aux à-côtés. C’est ainsi qu’on a discuté des balles, plus lourdes, des possibles adieux de Monica Seles et du charme d’ Ashley Harkleroad.

En l’absence de Kournikova, qui n’a d’ailleurs disputé que des tournois challengers en Amérique, ces derniers mois, pour retrouver son niveau, sans même réussir à gagner ces rendez-vous de second rang, on a mis Harkleroad à l’avant-plan. A 18 ans, elle est la nouvelle sensation. On a salué comme il se devait son thriller face à un autre mannequin potentiel, Daniela Hantuchova. Le tennis de la Slovaque comme son corps, est plutôt maigre ces temps-ci. Donc, le principal mérite de la nouvelle perle de Bollettieri est de s’être battue pendant trois heures et demie. Malgré sa progression et son charisme, Harkleroad ne semble d’ailleurs pas vraiment vouée à l’élite absolue. On en veut pour preuve le tour suivant, où elle s’est inclinée face à Serna, la vieille espagnole.

Une autre aînée, Monica Seles, a peut-être échangé ses dernières balles à Roland Garros. Elle souffre d’une blessure chronique au pied et il lui est de plus en plus difficile de tenir bon dans un tennis en pleine évolution. Seles n’a jamais été une bête d’entraînement. Son manque de physique va sans doute l’inciter à faire ses adieux très bientôt.

Enfin, il y a ces fameuses balles plus lourdes. Les changements les plus anodins apportés aux balles ou aux courts sont immédiatement décelés et amplifiés. Il vaudrait peut-être mieux qu’on annonce ces corrections, afin d’éviter un tel tapage. Le fait est que le sponsor des balles a suivi la tendance, depuis quelque cinq ans. Les balles sont donc plus lentes et plus dures. Ce sponsor vient probablement de travailler à un petit détail afin d’accroître la longévité des balles, ce que les joueuses ont immédiatement remarqué.

Nos demoiselles s’en moquent bien. Elles ont franchi les premiers obstacles sans guère de problèmes, Kim les passant même à l’allure du TGV. Au quatrième tour, Justine Henin a dû passer un petit test, face à Patty Schnyder. Celle-ci n’est pas son adversaire préférée. Justine se méfie de son côté imprévisible. Elle a toutefois aisément surmonté un petit passage à vide au deuxième set. Comme Clijsters, elle a été particulièrement concentrée. Elle a manifestement profité de l’expérience accumulée ces dernières années. La Rochefortoise a élevé son niveau au début du set décisif pour reprendre les rênes du match, et elle a effectué des gestes qu’on voit rarement sur le circuit féminin. Depuis Martina Navratilova, on n’avait sûrement plus vu de femme exécuter de smash du fond de court à une main, avec pareille audace. En technique pure, Justine est de loin la plus douée du lot.

Quant à Kim Clijsters, elle survole le tournoi. La Limbourgeoise a balayé toutes ses adversaires d’une manière impressionnante, comme si chaque minute de trop passée sur le court risquait de se payer cher à la fin du tournoi. Clijsters combine la puissance pure avec la classe et l’intelligence. Le résultat ? L’efficacité à l’état pur. Evidemment, elle fait preuve d’un professionnalisme irréprochable, comme en témoignent les séances supplémentaires qu’elle s’impose après un match moins bon.

On sent que les deux joueuses acquièrent une aura d’invincibilité, une auréole qui commence à les précéder. On rejette vite aux oubliettes leurs moins bons matches, comme celui de Henin au premier tour ou la camelote de Clijsters contre Weingartner. Leur sérieux habituel semble les vouer au quatuor final.

Filip Dewulf

Malisse : un départ précoce mais plein d’espoirs

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