» Une saison de grâce « 

Le président de la Ligue pro, père du championnat réformé, en a plein la bouche :  » Je suis plus que satisfait « .

L’acte I de la première édition du championnat réformé est derrière nous. Place aux choses sérieuses. Et à une première analyse. Cette nouvelle mouture n’a pas suscité que des commentaires positifs, loin de là. Entre ceux qui la trouvent ridicule, ceux qui n’en comprennent toujours pas toutes les subtilités et ceux qui continuent à se demander où la Ligue pro a voulu en venir, on trouve des défenseurs pur jus. Comme – évidemment – Ivan De Witte (62 ans), président de La Gantoise et de l’association des clubs professionnels. Il faut dire que ce championnat new-look, c’est d’abord son bébé.

En tant que père de la réforme, vous êtes obligé d’être satisfait de cette première édition…

Ivan De Witte : Mais je suis vraiment satisfait. Plus que cela, même. C’était osé, comme démarche. J’ai introduit l’idée, j’ai ensuite fait le forcing pour obtenir l’accord des clubs à l’unanimité et, depuis le début de la saison, j’ai été le seul à défendre le nouveau championnat à certains moments.

Le seul ?

Beaucoup de clubs soutiennent la formule mais, vis-à-vis de l’extérieur, c’est moi qui suis souvent allé au feu pour la défendre. Avec des arguments, beaucoup de motivation, énormément de passion. Je vois maintenant que ça peut marcher dans le futur et ça me réjouit.

La formule actuelle n’est quand même pas figée ?

Non, bien sûr. Il reste des corrections à faire. Il faut attendre encore un peu avant de procéder à une évaluation définitive. Mais rien que quand je vois le contexte de plusieurs matches des deux dernières journées, je me dis que l’idée était bonne. Prenez Zulte Waregem-Standard, Courtrai-Lokeren, Saint-Trond-Germinal Beerschot, Standard-La Gantoise, Malines-Zulte Waregem, Club Bruges-Roulers, Lokeren-Anderlecht, Roulers-Westerlo : dans l’ancienne formule, tous ces matches disputés à ce stade de l’année auraient probablement été sans grand intérêt. Grâce à la réforme, ce fut complètement l’inverse.

 » Autant de problèmes ? Une bénédiction ! « 

Vous ne niez pas qu’il y a eu un paquet de couacs ?

Il y a deux façons de voir les choses. Soit on se dit qu’on est dans une annus horribilis. Soit on considère que c’est une saison de grâce. Je penche pour la deuxième analyse. Parce que c’était quelque part une bénédiction de rencontrer autant de problèmes dès la première année. Cela va nous permettre de tirer directement beaucoup de leçons. Il y a eu la liste interminable de matches remis à cause de la météo. Les multiples recours en justice par plusieurs clubs. La disparition de Mouscron qui a bouleversé le classement et le calendrier. Ce… cadeau du ciel sous la forme de trois qualifiés européens après l’hiver. Et l’obligation de finir le championnat vers le 15 mai vu qu’on est dans une année de Coupe du Monde. Vous ne voyez pas tout ce que ça nous a permis d’apprendre en quelques mois ?

Qu’est-ce que vous devrez corriger ? Et pour quand ?

Je voudrais que certains changements soient appliqués dès que possible. Si ce n’est pas pour la saison prochaine, ça devrait se faire pour la suivante. Mais il faut toujours l’unanimité lors des votes et ce n’est pas simple. Le plus gros problème est évidemment la période de deux mois sans matches pour le 15e du classement. Mais il y a déjà des pistes de réflexion : pourquoi cette équipe ne disputerait-elle pas les play-offs 2 en démarrant avec un handicap de points ?

La formule actuelle a été décidée pour combien de temps ?

Nous avons directement programmé une évaluation détaillée après deux ans. Un deadline qui correspond à l’expiration du contrat TV actuel.

Vous envisagez des mesures concernant les terrains ?

Bien sûr. Le chauffage est un aspect mais il faut aussi se pencher sur leur entretien, prévoir un système d’inspections régulières pendant tout l’hiver. Nous devons fixer des critères valables pour tous les clubs. Cette année, des pelouses ont été approuvées et d’autres jugées impraticables le même jour, alors qu’elles étaient dans le même état. Ce n’est pas normal.

On a parlé d’un report de l’obligation de terrains chauffés ?

Non, rien n’a changé : les clubs devront être équipés dès la saison prochaine. Soit via un système de chauffage, soit via des bâches. Il n’est pas question de reporter quoi que ce soit. Les montants de D2 sont concernés aussi.

 » Gand et Anderlecht devraient assumer « 

Quels sont pour vous les principaux points positifs ?

Le seul fait de jouer à 16 va automatiquement améliorer le niveau de notre D1. La Belgique n’a pas un espace économique suffisant pour faire vivre 18 équipes. La France a 60 millions d’habitants et 20 clubs. Comment pourrait-on en maintenir seulement deux de moins chez nous ?

Vous croyez tout le monde aussi positif que vous ?

Plus je lis d’articles de presse et plus j’écoute les supporters, plus j’ai l’impression que les commentaires sont positifs. Ce n’était pas le cas en début de saison mais le vent tourne.

On rencontre peu de joueurs qui apprécient cette formule !

De leur côté, il y a un pas à franchir. Notamment pour les Africains et les Sud-Américains qui se plaignent de ne plus pouvoir rentrer chez eux à la trêve hivernale. Mais ils ont quand même un contrat d’une saison complète à prester, non ? Et je ne pense pas que tous les joueurs soient négatifs. Interrogez ceux de Courtrai ou de Saint-Trond…

Ils seront positifs parce qu’ils vont participer aux play-offs 1 mais leur bon classement n’est pas dû à la nouvelle formule !

Il faut être honnête. Ils sont très enthousiastes aujourd’hui parce qu’ils vont jouer ces play-offs. Mais ils le seraient beaucoup moins en étant à la cinquième ou à la sixième place d’un championnat classique. Et au Club Bruges ? C’est grâce à la réforme qu’ils ont encore un espoir de décrocher le titre, vu la division des points par deux.

Les Anderlechtois sont beaucoup moins enthousiastes…

Franchement, je n’en sais rien. Evidemment, il y aura des grincements de dents à Anderlecht si ce club n’est pas champion, mais je rappellerais alors à ses dirigeants qu’ils ont voté pour ce nouveau système.

Imaginons que Charleroi gagne contre Gand le duel pour le dernier ticket européen. Votre club n’aurait rien en ayant terminé dans le peloton de tête de la première phase et c’est le treizième qui jouerait en coupe d’Europe. Encore un malaise, non ?

Euh… Oui, ce serait comme ça. Je devrais oublier que je suis président de Gand et me dire que c’est moi qui ai poussé pour cette nouvelle formule. Mais je pense que dans mon club, on me ferait pas mal de remarques…

Qui va aller au stade pour des play-offs 2 qui n’intéressent pas grand monde ?

Je ne serais pas aussi catégorique. Il y a un ticket européen en jeu et je pense que cet enjeu va attirer des gens. Ce sera le cas au Standard et à Genk. Nous avons rencontré tellement de problèmes ces derniers mois que ce ne sont pas les assistances aux play-offs 2 qui vont nous effrayer. Moi, je me suis fabriqué une fameuse carapace. Que ce soit dans mes affaires ou dans le football, j’ai toujours la même stratégie : je prends des risques, j’y crois et j’en assume les conséquences.

Mais ici, on a l’impression que cette formule a été ficelée à la hâte.

Ce n’est ni tout à fait faux, ni tout à fait vrai. Nous aurions pu prendre plus de temps pour réfléchir mais je sais comment ça fonctionne. C’est comme dans la vie politique. Il y a combien de temps qu’on travaille sur une nouvelle réforme de l’Etat ?

Saint-Trond et Courtrai, c’est assez glamour pour les play-offs 1 ?

Bien sûr. Des clubs pareils apportent de la fraîcheur et de la vivacité. J’aimerais qu’il y ait chaque saison deux équipes de ce style-là dans ces play-offs. Parce que ce serait vite ennuyeux pour le public si c’étaient toujours les six mêmes clubs qui y participaient.

Et ces play-offs 1 sans le Standard, c’est un peu dramatique, non ?

J’aurais bien aimé que le Standard soit présent. On ne peut pas nier les qualités d’une équipe qualifiée pour les quarts de finale de l’Europa League. Mais le Standard participera aux play-offs pour le titre dans un an. Car tout le club aura tiré les leçons de l’échec de cette année. Le Standard a trop misé sur la Ligue des Champions en début de championnat. Idem pour Genk, qui n’a pas pris la première phase suffisamment au sérieux.

Dieumerci Mbokani n’a pas fait une bonne pub aux play-offs 2 en affirmant qu’il ne souhaitait pas jouer ces matches.

Mais où va-t-on ? Mbokani n’avait qu’à tout faire pour qualifier le Standard pour les play-offs 1. On n’en sortira plus si tous les joueurs commencent à dire qu’ils souhaitent jouer tel match mais pas tel autre. Il y a des contrats de travail à respecter.

Son successeur : Alain Courtois ou Jean-Louis Dupont ?

On n’a jamais compté autant d’actions en justice par des clubs que cette saison. Il ne serait pas temps que la Ligue pro ramène du calme ?

Avec toute ma sympathie pour le Germinal Beerschot, je me réjouis vraiment que la Justice n’ait pas accédé à sa demande de rejouer son match contre Malines. Mouscron a attaqué la composition du comité d’appel des licences. Charleroi est aussi allé au tribunal suite aux concessions de l’Union belge qui avaient finalement sauté mais le tribunal a dit qu’il fallait respecter les accords. Il y a une constante dans ces trois cas : la Justice ne s’est jamais prononcée sur le fond mais a dit que les principes de justice devaient être respectés. C’est rassurant parce que ça va sans doute décourager des clubs d’aller en Justice pour un oui, pour un non. Pour une erreur d’arbitrage par exemple. J’espère que ces verdicts vont ramener une nouvelle sérénité à la Ligue pro.

En attendant, tout cela n’est pas bon pour la candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 2018 ?

C’est clair que les événements récents n’aident pas notre candidature. Mais ils vont peut-être précipiter des discussions à la Fédération et pousser à la mise en place d’un règlement qui exclurait ce genre de dérives.

Cette Fédération, on lui reproche continuellement de faire appel à des cumulards, à des hommes qui sont impliqués à l’Union belge et dans un club. Vous êtes un des premiers visés…

J’ai été le premier à dire que la Fédération devait avoir un président indépendant. C’est pour cela que je ne voulais pas de Roger Vanden Stock à sa tête, même si j’estimais qu’avec sa personnalité, il était le plus compétent pour cette fonction. Après cela, on m’a demandé de devenir le patron de la Ligue pro. Mais l’Union belge et la Ligue pro, ce sont deux choses bien différentes. La Ligue est une espèce de fédération de clubs, un organe qui défend les professionnels du football. Il ne faut donc pas tout mélanger. Maintenant, il est clairement souhaitable que son président ne soit pas un président de club. Le problème, c’est qu’il faut réunir différentes qualités pour occuper ce poste : de l’expérience, de la personnalité, une bonne connaissance du football. Etre compétent au niveau de la 3e Provinciale et dans le monde de la D1, c’est très différent. En tout cas, j’arrêterai en juin 2011 au plus tard. Ce sera la fin de mon mandat. Si je prolongeais à ce moment-là, je ne serais plus crédible. Arrêter plus tôt ? J’aurais alors l’impression de quitter le bateau à un moment très délicat, quand la réforme du championnat n’est pas encore totalement installée et quand il faut renégocier les droits TV. Ce bateau, je veux l’amener au port.

Qui a le profil pour vous succéder ?

Le Standard a déjà proposé trois noms : Alain Courtois, Roland Tis et Jean-Louis Dupont. Mais ça m’étonnerait qu’ils acceptent…

par pierre danvoye – photos: reporters

« Pourquoi le 15e ne disputerait-il pas les play-offs 2 en démarrant avec un handicap de points ? »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire