UNE RAGE AUTHENTIQUE

Bruno Govers

Le gaucher est un bon capitaine avec son club mais est complètement passé à côté de son match contre le Kazakhstan.

Flanc gauche dans une ligne médiane à trois ou quatre, voire cinquième homme dans une arrière-garde à autant d’éléments, Bart Goor (33 ans) a déjà été mis à toutes les sauces cette saison à Anderlecht. Avec succès car il s’est toujours tiré d’affaire avec bonheur, jusqu’ici, de toutes les missions qui lui ont été confiées.

Bart Goor : Tant que je puis donner libre cours à un naturel qui me porte vers l’avant, il n’y a pas de problème. Depuis le début de cette campagne, ma contribution offensive l’a toujours emporté sur le travail défensif, même si la proportion était différente selon que l’opposition avait pour nom Westerlo ou le Club Bruges, par exemple. En réalité, je n’ai pas vraiment de préférence en matière de système ou de nombre de partenaires censés l’appliquer à mes côtés. Tout ce qui m’importe est de ne pas reculer dans le jeu au point de figurer dans le quatre arrière. Je ne suis nullement un back de formation et, à 33 ans, je ne me vois pas assurer avec succès ma reconversion à ce poste. Peut-être cette nouvelle attribution est-elle concevable dans le chef de Jonathan Legear sur l’autre aile. Le Liégeois est en tout début de carrière et il n’est sans doute pas trop tard pour assimiler les contours d’un nouveau rôle. Du moins si nos entraîneurs le destinaient à cette place. Mais en ce qui me concerne, il est trop tard. Je ne me vois pas opérer à la place d’Olivier Deschacht.

Cette éventualité a-t-elle été évoquée ?

Peut-être pas tout haut. Mais, dans la mesure où on cherchait des solutions en défense, ces dernières semaines, j’ai cru comprendre qu’on songeait à faire éventuellement coulisser Oli vers le centre de la défense afin de libérer une position à gauche. Même s’il se débrouille remarquablement au centre, je ne pense pas que c’eût été une solution pour lui et moi. Au fil des mois, nous avons tous deux développé une bonne entente à gauche. Il eût été regrettable de tout chambouler alors que nous donnions quand même satisfaction. A droite, la situation n’était pas la même car il y manquait quelqu’un depuis le départ de Michal Zewlakow. Et chacun sait qu’Anthony Vanden Borre n’aime rien tant que d’occuper un rôle plus central. Suite à son exclusion contre le Germinal Beerschot, Lucas Biglia a coulissé à l’arrière latéral dans ce match, mais tout le monde a vu que son avenir se situe au milieu. Finalement, la meilleure solution fut la titularisation de Legear à Westerlo et au Real Madrid. Même s’il faudra le juger dans d’autres circonstances, plus corsées, pour se faire une idée très précise de sa valeur au back. Il n’empêche que chaque fois qu’il a été lancé dans le bain dans ce rôle, il a épaté.

Tous des bosseurs

Vous-même n’avez pas à vous plain-dre de votre début de saison.

C’est vrai, je suis agréablement surpris par la tournure des événements. Quand je revois nos matches, je sursaute toujours en regardant ma position sur le terrain. Par rapport à l’année passée, ma présence est nettement plus marquée devant. Contre Saint-Trond, j’ai marqué notre premier but, de la tête, alors que je me trouvais au point de penalty. A Westerlo, sur le deuxième but, amené par Legear, je me situais dans la foulée de Mémé Tchité, libre de tout marquage au deuxième poteau. Ces incursions à l’avant étaient nettement plus limitées, il y a un an. Certes, j’avais bien entamé la saison avec des buts importants contre le Neftchi Bakou et le Slavia Prague. Au fil des semaines, mon rendement avait diminué. Ce n’est pas que je n’étais plus capable de faire la différence mais il n’y avait tout simplement personne pour me couvrir en cas d’infiltration dans le camp adverse. A présent, je sais que Mbark Boussoufa va £uvrer, dans mon secteur, pour récupérer le cuir. Idem pour ce qui est d’Ahmed Hassan dans l’autre couloir.

Deux artistes qui se doublent de travailleurs.

C’est un agréable constat : tous ceux qui ont été acquis cette année ont la particularité d’offrir un plus qualitatif tout en étant des bosseurs. J’avais déjà eu un petit aperçu, la saison passée, de l’ardeur au travail de Nicolas Frutos. Ses compatriotes qui ont débarqué cet été, sont du même tonneau. Mbark avait montré lui aussi à La Gantoise qu’il était capable de mouiller son maillot. Ahmed présente un profil similaire. Après une heure, il est cuit. Parfois, il a encore tendance à trop en faire. Lors de notre premier match à domicile, contre le Germinal Beerschot, je lui ai fait gentiment remarquer qu’il pouvait donner le ballon à un partenaire au lieu d’essayer de le monopoliser. Mais il était tellement obnubilé par l’idée qu’il devait jouer pour deux suite à l’exclusion d’Anthony Vanden Borre qu’il en remettait toujours une couche, au point de se faire déposséder du ballon après s’être empêtré dans ses dribbles. Depuis lors, toutefois, l’Egyptien se veut plus collectif tout en montrant par moments des gestes de grande classe. Comme ce but qu’il amène à Mémé face au Club Bruges.

Plus fort mentalement

Anderlecht avait obtenu une victoire quelque peu flattée à cette occasion.

Exact, mais la différence c’est que cet Anderlecht-ci est plus fort, mentalement, que celui de l’année passée. Il y a aujourd’hui une rage de vaincre qui n’était guère perceptible voici quelques mois. Dans les mêmes circonstances, si nous avions joué à 10 à Saint-Trond et contre le Germinal Beerschot, jamais nous n’aurions engrangé 6 points. Jamais, non plus, nous n’aurions trouvé les ressources morales pour réagir au Kuipje après que les footballeurs de Westerlo furent revenus au score. Il y a un an, quand on était mené à la marque, le match était pour ainsi dire plié. A présent, on se dit que si on encaisse un goal, on va de toute façon inscrire un but de plus. Jamais la richesse offensive n’a été aussi prononcée que cette saison. Avec des gars comme Nicolas Frutos, Mbo Mpenza, Serhat Akin, Mbark, Mémé, sans oublier tous ces jeunes aux dents longues comme Sébastien Siani ou Sami Allagui, on peut voir venir. A mes yeux, nous sommes encore mieux parés qu’à l’époque de mes débuts au Parc Astrid, quand la ligne d’attaque était articulée autour de Jan Koller, Tomasz Radzinski, Elos Ekakia ou encore Oleg Iachtchouk.

Vous aviez personnellement vécu, avec ces joueurs, l’âge d’or du club en Ligue des Champions en 2000-01. Le Sporting peut-il rééditer le même exploit ?

Le tirage est à peu de choses près similaire, en ce sens qu’il y a un club hors catégorie – l’AC Milan aujourd’hui pour Manchester United cette fois-là – alors que les deux autres sont un cran en dessous : Lille et l’AEK Athènes ce coup-ci contre le Dynamo Kiev et le PSV Eindhoven. Ces adversaires-là sont tout de même plus jouables que Liverpool et Chelsea, voire le Betis Séville en 2005-06. Nous avions terminé sur une bonne note en Andalousie. A nous de poursuivre sur cette lancée. A domicile, il faudra veiller à prendre le maximum des points face aux Français et aux Grecs. Les Rossoneri, c’est une autre histoire, mais il n’est pas interdit de penser que nous pourrions aussi grappiller l’un ou l’autre points à l’extérieur. Nous avons joué contre l’Olympiacos et le Panathinaïkos dans un passé récent, en faisant bonne figure contre ces formations. Pourquoi n’en serions-nous pas capables face au troisième grand athénien ?

A cette fin, il s’agira de resserrer les boulons en défense car celle-ci a été quelquefois montrée du doigt.

Je ne pense pas que les qualités individuelles doivent être mises en question ; le problème, c’est la communication. A Feyenoord, j’ai vécu une situation particulière où le Suédois Alexander Ostlund, le Tunisien Karim Saïdi, l’Américain Cory Gibbs et le Portugais Bruno Basto meublaient le compartiment défensif. Au départ, ils n’étaient pas parvenus à accorder leurs violons mais tout était allé mieux par la suite. Au Parc Astrid, le contexte est un peu le même avec des néerlandophones comme Deschacht, Mark De Man et moi, un pur francophone comme Legear, l’Argentin Nicolas Pareja et le Hongrois Roland Juhasz. Il y a eu des cas où deux de nos joueurs livraient un duel aérien avec un même adversaire, faute de dialogue. On sent déjà une amélioration depuis que Pareja a pris les rênes de la défense. Nico a une autorité naturelle et va sans doute s’imposer comme le leader du secteur arrière.

Faire preuve d’humilité

Cette intégration rapide de Pareja vous surprend-elle ?

Oui et non. D’un côté, il est quand même étonnant que des joueurs venus de l’autre bout du monde, et habitués à un tout autre type de football, se soient acclimatés aussi aisément chez nous. D’autre part, j’ai quand même déjà remarqué souvent aussi que plus un joueur est bon, plus il s’adapte facilement. Ça en dit long sur la qualité des joueurs transférés cette saison.

Après quatre journées de compétition à peine, le RSCA compte 6 points d’avance sur le Club Bruges et 10 sur le Standard. Le titre est-il d’ores et déjà joué ?

Non. Yves Vanderhaeghe m’a fait remarquer qu’il y a quelques années, les Bleu et Noir avaient terminé le premier tour avec une demi-douzaine d’unités d’avance sur le Sporting avant de perdre tout le bénéfice de cet acquis en cinq journées à peine après la reprise. C’est pourquoi, même si nous maintenons cet écart jusqu’à la fin des matches aller, il ne faut pas crier victoire trop tôt. Ceci dit, je préfère évidemment être leader plutôt que d’être réduit à la course-poursuite, comme nos traditionnels rivaux. Je ne suis pas mécontent non plus que nous ayons pris jusqu’à présent le maximum des points, en déplacement, chez des opposants toujours dangereux sur leurs terres : Saint-Trond et Westerlo. Nous avons sans doute eu la chance de rencontrer ces équipes au bon moment, à une époque de la saison où les terrains sont encore en bon état. L’année passée, nous avions été battus en Campine dans les brumes de novembre et c’était la bourrasque à l’heure de défier les Canaris. Dans ces conditions, il est toujours malaisé de s’imposer.

BRUNO GOVERS

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