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Une mutation lente et difficile

La défaite à Saint-Trond a démontré que le Standard de Sa Pinto n’avait pas encore chassé tous ses démons. Faut-il croire dans cette version 2017-2018 ? Enquête.

Le volcan était éteint depuis quasiment deux ans. Il n’a fallu qu’une rencontre, voire de 45 minutes engagées et pleines de caractère face Genk, pour qu’il entre à nouveau en ébullition. La défaite à Saint-Trond a cependant calmé les ardeurs des plus optimistes. La phase de reconstruction est loin d’être terminée. Retour sur deux mois de préparation particulièrement intense.

Ça (re)bosse ferme à l’Académie

Dès sa prise de fonction, Ricardo Sa Pinto a régulièrement confié à ses proches sa joie d’être de retour là où il a terminé sa carrière de joueur. Sclessin n’est évidemment pas son graal, l’homme a de l’ambition, beaucoup d’ambition, après avoir connu jusqu’ici une carrière de coach très contrastée. La direction, elle, a rangé les traits d’humour ( façon  » après les chips, ce sera la bière « ) après deux saisons mièvres en championnat et clame comme objectif mesuré une qualification pour les plays-offs. Désormais, on évite de se mettre une pression inutile. Son néo-coach portugais, lui, vise plus haut. Le top 3 doit être à la hauteur de ce Standard new look – il l’a d’ailleurs confié à Paul-José Mpoku avant que ce dernier ne retourne à Sclessin -.

Sous Lucien D’Onofrio, Sa Pinto avait connu les terrains d’entraînement en cendrée jouxtant Sclessin. Désormais, son quotidien a pour nom l’Académie Robert Louis-Dreyfus, un décor quasi idyllique où les joueurs sont parfois trop choyés. L’an dernier, l’ambiance en dilettante d’un noyau sans figures de proue a eu raison des résultats. Cette situation de grand confort déstabilise d’ailleurs quelque peu le technicien portugais, passé par des environnements moins verts et plus goudronneux.

Depuis son arrivée, tout n’a pas toujours été parfait. Sa Pinto a souvent travaillé dans l’urgence, la préparation ne fut pas comme espérée. La faute notamment à cet étonnant programme de matches de préparation où s’enchaînèrent un déplacement fatiguant à Hoffenheim (pour une défaite à la clef) et des rencontres face à Mouscron (disputée à Namur) et Lens (au Touquet), en moins de deux jours.

Sa Pinto a rapidement compris qu’il avait repris un cheval malade, à qui il faut réapprendre à courir avant de sauter les obstacles. Le manque de qualité à certains postes saute aux yeux. Le Portugais rêve de deux milieux de terrain (Uche Agbo arrivera en renfort), un attaquant et un successeur à Ishak Belfodil dont le futur n’est pas au Standard.

 » Je suis un homme de guerre et de batailles « , disait-il dans une interview. Le défi ne lui fait évidemment pas peur, lui qui a terminé sa carrière le genou en boîte. Pour l’aider dans ses aventures, il peut compter sur le dévouement total de ses compatriotes et adjoints, Rui Mota (T2), José Guilherme Kruss Gomes (préparateur physique) et Ricardo Pereira (gardiens).

Seul rescapé du staff de la saison dernière, Éric Deflandre, proche d’Olivier Renard, est parfaitement intégré au staff portugais. Le contraste est éloquent avec la situation d’Aleksandar Jankovic,bien plus esseulé l’an dernier. Surtout quand son trône commençait lourdement à vaciller alors que Philippe Vande Walle et Thierry Verjans, renvoyés à l’Académie, n’avaient pas, et c’est un euphémisme, les faveurs du groupe.

Lève tôt-couche tard

On pouvait imaginer l’homme fantasque, festif, et débridé, Sa Pinto s’avère être un meneur d’hommes, bosseur et passionné. Il arrive à l’Académie vers 8 heures pour la quitter parfois après 20 heures. Les joueurs aussi ont désormais de longues journées. Les séances d’entraînement sont très longues et intenses : jusqu’à 2h20 le matin, 1 h 30 l’après-midi, alors que la saison dernière, elles dépassaient rarement l’heure.  » Jankovic c’était beaucoup de paroles, Sa Pinto ce sont les actes « , nous dit-on au Standard.

Rien n’est laissé au hasard, que ce soit le déroulement de l’entraînement, l’heure du repas, tout est minuté. Les joueurs doivent prendre le petit déjeuner ensemble à 8h45. L’entraînement débute à 10 h. Entre-temps, les joueurs font de la musculation ou passent entre les mains des kinés. L’an dernier,  » les joueurs jouaient aux cartes  » pour paraphraser Adrien Trebel dans l’attente d’une séance fixée à 10h30.

Dès le premier jour, les joueurs qui s’attendaient peut-être à une traditionnelle reprise en douceur, ont très vite déchanté. Sa Pinto les a fait suer et a disputé un démarquage (les exercices se font quasi exclusivement avec le ballon), une façon de tirer un trait avec le passé.

La préparation physique est partagée entre les mains de José Guilherme Kruss Gomes mais aussi des jeunes Kevin Miny et Dorian Deflandre. La préparation estivale de la saison dernière avait été dirigée par Eric Roex. Yannick Ferrera bouillonnait en voyant les méthodes de l’ex-préparateur de l’équipe nationale, amené par Daniel Van Buyten, et avait fini par ne plus l’écouter.

Conscients du retard de condition, il n’était pas rare de voir les joueurs prolonger eux-mêmes les entraînements par un footing dans les bois. Lors de l’exercice 2016-2017, la monotonie s’était rapidement installée. Les joueurs connaissaient leur programme de la semaine à l’avance et on n’y dérogeait quasiment pas. Sa Pinto innove, place des entraînements en fonction de la forme du groupe. Son staff se plie en quatre pour lui, on est à la limite de la dévotion, à l’image de l’analyste vidéo qui est continuellement fixé à ses écrans.

L’intensité a, elle aussi, changé. Désormais les contacts sont durs, parfois violents. Quand Edmilson Junior s’écroule de douleur après un geste trop appuyé, Sa Pinto lui hurle de se lever dans la foulée  » Mais c’est une tension positive « , nous dit-on dans le noyau alors que Trebel pointait le manque d’agressivité.  » C’était de la rigolade.  »

Y a-t-il une griffe Sa Pinto ?

Depuis le début du championnat, difficile de trouver des motifs de satisfaction au niveau de la manière. Sa Pinto en est le premier conscient. Ce qui lui importe dans un premier temps, ce sont les résultats, ce qui explique aussi les titularisations du duo Bokadi-Agbo au milieu de terrain, deux joueurs réputés pour leur travail de sape mais bien moins pour leur circulation de balle.

Le technicien portugais a d’abord travaillé l’aspect psychologique, insuffler cette fameuse grinta à un groupe en totale déliquescence. Le retour aux affaires de Matthieu Dossevi est la meilleure preuve d’un nouvel état d’esprit, lui qui prétextait régulièrement des petites blessures l’an dernier et dont les statistiques offensives furent faméliques (0 but pour 5 assists)

Lors de sa rencontre avec son nouveau coach, la direction, Bruno Venanzi en tête, avait insisté sur les problèmes de mentalité.  » On n’avait pas besoin d’un universitaire mais d’un meneur d’hommes. « , clamait-on du côté de la direction. Ricardo Sa Pinto a pris le temps de noter tous les dysfonctionnements et a compris qu’il avait un sérieux chantier devant lui : 30 joueurs ont été testés en 28 jours de préparation.

Il fallait remettre de l’ordre. Donner de la poigne à un effectif avachi la saison dernière par le manque de résultats et de structure symbolisée par les guéguerres internes en haut-lieu. À l’image d’un José Jeunechamps, qui n’hésitait pas à remettre les divas à leur place, Sa Pinto utilise un discours cash. Mais à l’inverse de l’intérimaire Jeunechamps,  » Richard Coeur de Lion  » a très vite imposé son charisme à tout un vestiaire, bien aidé aussi par une carrière avec laquelle personne ne peut rivaliser au Standard.

Ses discours frappent en plein coeur. Même Ibrahima Cissé, pourtant très peu réceptif à ce genre de témoignage, s’est dit impressionné par les envolées du Portugais. Sa Pinto le répète régulièrement a ses joueurs :  » il faut donner sa vie « . Le jeu reste assez médiocre mais cette méthode Coué a donné ses premiers fruits au niveau de l’engagement.

Le coach portugais veut insuffler un état d’esprit conquérant à ce Standard 2017-2018. Celui-ci doit être capable d’étouffer son adversaire grâce à un gros pressing en perte de balle. Les entraînements sont dispensés en ce sens, puisque de nombreux exercices concernent le travail de récupération à haute intensité. Face à Genk, en première période, Sa Pinto n’était d’ailleurs pas content du résultat, l’équipe jouait trop bas, le semblant de pressing était totalement inefficace.

Un leader : Paul-José Mpoku

Sa Pinto met une pression constante sur les joueurs, il ne les lâche pas d’une semelle. Une arme à double tranchant qui, sur la longueur, pourrait épuiser mentalement certains joueurs. Face à Malines, Sa Pinto n’a pris aucun risque dans le choix de son onze de base. Une semaine plus tard, face à Genk, deux cadres du groupe se retrouvaient sur le banc : Belfodil et Réginal Goreux.

Suite à cette mise à l’écart, ils étaient nombreux du côté de Sclessin à craindre la réaction de l’international algérien. Depuis janvier, Belfodil a souvent affiché son mécontentement. Daniel Van Buyten en a fait les frais avant d’enterrer quelques jours plus tard la hache de guerre. Même Alexandre Grosjean s’est pris les foudres du bouillant attaquant.

Sa Pinto a tenu un discours franc à un attaquant passé totalement à côté de son sujet face à Malines et dont le futur est un grand point d’interrogation. Son entourage s’active à le faire quitter Sclessin mais les offres sérieuses se font attendre. Belfodil a parfaitement compris les raisons de cette mise à l’écart. Le lendemain du match remporté contre Genk, l’Algérien se défonçait contre Roda dans un match amical à huis clos.

Si Yannick Ferrera était mis sous pression pour aligner certains éléments, désormais Il n’est plus question d’orienter les décisions du coach. A Sclessin, on s’est souvent plaint la saison dernière du manque de leaders. Trebel n’en était pas un, Alexandre Scholz encore moins, seuls Goreux et Eyong Enoh avaient de l’impact dans le vestiaire mais leur rôle était insuffisant sur le terrain.

Désormais, le nouveau capitaine se nomme Sébastien Pocognoli. Une nomination qui a ravi les supporters car Poco symbolise le fameux  » esprit Standard « . S’il affiche sa hargne à l’entraînement comme en match, l’homme est d’un naturel plutôt introverti. Paul-José Mpoku prend lui de plus en plus de place sur le terrain et dans le vestiaire. S’il n’est pas encore à 100 % physiquement, son impact, que ce soit intra muros ou sur le terrain est évident. Face à Genk, là où un Scholz était rarement écouté, il a chauffé l’équipe avant la rencontre et à la mi-temps. Pas question de se louper pour cette première sortie devant des supporters surchauffés.

La saison dernière, trop de joueurs se cachaient, ils étaient terrorisés par Sclessin, Mpoku, lui, prend la balle, dirige, crée du mouvement et de l’animation entre les lignes. Mais est-ce suffisant ? La défaite en terre trudonnaire a démontré que le chemin est encore long. Si physiquement l’équipe semble au point, elle manque cruellement de liant. Après avoir remis au travail un noyau à la ramasse, il va falloir désormais produire un jeu bien plus ambitieux. Car les effets de com’ des dernières semaines ne durent qu’un temps.

par Thomas Bricmont – photos Belgaimage

Bruno Venanzi est devenu patron et non plus supporter.

Sa Pinto le répète régulièrement a ses joueurs :  » Il faut donner sa vie « .

Sa Pinto s’avère être un meneur d’hommes, bosseur et passionné. Il arrive à l’Académie vers 8 heures pour la quitter parfois après 20 heures.

La saison dernière, trop de joueurs se cachaient, ils étaient terrorisés par Sclessin.

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