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Une mine d’or

Les mercatos passent, et Genk sort inlassablement de son chapeau des joueurs aux pieds en or. À la tête de cette brigade qui enchaîne les transferts délicieux, Dimitri de Condé dévoile quelques ingrédients de la recette d’un Racing savoureux.

Même Marouane Fellaini a eu besoin d’ajouter cinq saisons de Premier League à son CV pour pouvoir ouvrir les portes d’Old Trafford. C’est dire si le transfert du 5 novembre dernier était un événement. S’il n’a pas fait les Unes des journaux, c’est parce que Roland Janssen est seulement un scout. Un homme passé sans escale du poste de chef du recrutement de Genk à la cellule de scouting de Manchester United.

Dans le Limbourg, le traumatisme n’a pas été long. Parce qu’à l’image de son travail sur le marché des transferts, le Racing a toujours un remplaçant potentiel dans le viseur.  » Il faut toujours être prêt à trouver d’autres gens « , explique Dimitri de Condé, le directeur sportif de Genk.  » Si le chef scout part, il faut aussi être préparé pour réagir vite. Moi-même, je peux avoir un accident ce soir, et le club devrait alors pouvoir me trouver un remplaçant. Et le problème, dans le football, c’est que souvent on n’est pas assez bien préparé.  »

 » Après le départ de Roland, on a intégré Dirk Schoofs « , poursuit De Condé.  » Sans vouloir entrer dans les détails, il travaille de façon un peu différente par rapport à son prédécesseur. Mais les résultats sont déjà là, puisque si on parle de Sander Berge, c’est Dirk qui a été le premier à le repérer. C’est la preuve qu’en football, il n’y a pas de recette magique, ni de grand secret.  »

En petit comité

Grand secret ou pas, les confidences de Dimitri de Condé restent précieuses. Parce que depuis son arrivée à la tête de la direction sportive du club, les bons coups s’enchaînent à la Luminus Arena. À l’été 2015, Leon Bailey et Alejandro Pozuelo avaient débarqué dans le Limbourg. Quelques mois plus tard, ils étaient suivis par Nikolaos Karelis, Ally Samatta et Ruslan Malinovsky.

Et depuis, il y a encore eu Omar Colley, Jakub Brabec, Jean-Paul Boëtius, José Naranjo ou Sander Berge. Les erreurs de casting sont rares, alors que le marché des transferts ressemble toujours plus à une science inexacte.

 » On a réfléchi au football qu’on voulait jouer à Genk « , raconte de Condé quand on l’amène à revenir sur la genèse de son projet.  » On veut être dominant, toujours prendre l’initiative, avec un jeu technique. Tous ces mots sont primordiaux ici. Particulièrement le niveau technique, qui est une priorité déjà très marquée dans notre académie. Chez nous, l’aspect technique reste plus important que le physique.  »

L’équipe de scouting du club est donc rassemblée autour de son directeur sportif. Elle est de taille modeste, puisque cinq scouts seulement travaillent à temps plein pour le club. Tous Belges. Une volonté délibérée,  » car on pense que la qualité est plus importante que la quantité. Surtout qu’on travaille avec beaucoup de proximité, qu’on communique beaucoup.  »

Ce dernier point est sans doute l’une des clés du travail de la cellule de scouting du Racing :  » Ce qui est très important pour moi, c’est de toujours travailler ensemble avec le scout principal. On est dans le même bureau, on se voit tous les jours et on parle des profils nécessaires. Ensuite, une fois par semaine, on se rassemble avec tous les scouts. C’est primordial si on veut trouver les bons joueurs.  »

Des chiffres au terrain

La première étape d’un scouting réussi, c’est évidemment de savoir ce que l’on cherche.  » On s’est rassemblé, très tôt, pour se mettre d’accord sur un point important « , enchaîne le directeur sportif.  » Pour un club comme Genk, avec cette philosophie de jeu, qu’est-ce qu’on demande d’un joueur pour chaque poste.

On a établi des profils très précis, qui sont les mêmes pour l’académie qu’en équipe première : on essaie toujours de trouver des joueurs qui sont capables de prendre l’initiative, de pratiquer un jeu tourné vers l’offensive.  »

Le premier tri se fait alors à l’aide de bases de données statistiques.  » Dans une certaine base de données, on a des chiffres qui nous aident à cibler les bons profils. L’un de nos scouts est spécialisé dans le système Wyscout, et connaît le marché belge sur le bout des doigts, jusqu’en D3. Mais à côté de ça, c’est sûr qu’on voyage beaucoup.  »

Avec une feuille de route bien définie :  » Notre façon de travailler est toujours la même : le scouting commence par quelques matches en vidéo. Ensuite, si les rapports sont bons, on envoie un scout sur place pour aller voir le joueur en live. Si c’est vraiment très bon, j’y vais aussi.

Le coach m’accompagne parfois pour cette phase de scouting en direct. Il est au courant de l’évolution d’un transfert. On l’intègre dans cette dernière phase du recrutement, parce qu’on ne veut pas attirer dans le club un joueur dont notre entraîneur ne veut pas.  »

Il reste alors un aspect capital, que les matches vus depuis la tribune ne permettent jamais de réellement appréhender.  » La mentalité, tu ne peux pas la voir quand tu regardes un gars jouer « , affirme De Condé.  » Dans nos discussions, Patrick Janssens et moi, on prend donc l’initiative de demander aux recrues potentielles s’ils savent ce que signifie le fait de jouer pour Genk.

Est-ce qu’ils connaissent le passé, la mentalité de la région, quelles sont les valeurs du club… ? On doit sortir de là avec le sentiment qu’ils comprennent, parce que c’est important que le joueur s’intègre dans la culture du club.  »

Cerner l’être humain

 » On fait toujours une recherche sociale avant qu’un joueur signe. Le marché scandinave nous plaît, parce que ce sont souvent des garçons très cools, et surtout qui veulent progresser. En plus, ils sont très respectueux. C’est quelque chose que je veux vraiment sentir, dans nos entretiens avec les joueurs : une vraie envie de venir à Genk.

C’était capital à mon arrivée, pour changer la mentalité dans le vestiaire. Il faut que le joueur soit sur la même longueur d’ondes que le club. Il arrive d’ailleurs qu’on refuse de faire un transfert au dernier moment parce que, même si tous les rapports techniques sont bons, le feeling n’est pas présent lors des entretiens.  »

La dimension humaine est donc réellement décisive dans le travail du Racing.  » Je pense que c’est là que mon expérience de joueur peut amener une injection qualitative dans notre travail « , concède De Condé.  » Je crois que je sens bien cet aspect humain. Si on parle de Malinovsky, ça a pris huit mois pour boucler les négociations.

Là, le joueur a senti qu’on était fort intéressé. Il faut convaincre le joueur que ce ne sont pas seulement des mots. Je ne vais pas donner de mauvaises infos à un joueur pour le convaincre de signer. Quand on négociait avec Ally Samatta, on lui a proposé le contrat et je me rappelle qu’il était un peu nerveux.

Alors, je lui ai dit :  » OK, ne signe pas si ce n’est pas clair pour toi, je vois que tu te poses encore trop de questions.  » Il a compris qu’on était correct, on a répondu à ses questions et ça lui a fait du bien. On a gagné de la confiance alors que je sais que généralement, dans le foot, on tente plutôt de forcer le joueur à signer, et puis on verra. Patrick et moi, on essaie de rester des êtres humains.  »

L’université du Limbourg

Faire un bon transfert, c’est aussi le faire au bon moment.  » On essaie toujours d’éviter de faire venir un joueur en dernière minute pour calmer les gens « , explique le directeur sportif du Racing.  » On veut que ce soit bien préparé. Et si on ne tombe pas d’accord sur le profil, alors on préférera toujours intégrer un jeune du club.  »

La saison dernière, Genk a par exemple transféré Karelis au début de l’hiver après l’avoir convoité tout l’été.  » Avec Nikolaos, on a travaillé deux ou trois mois pendant l’été, et ça n’a finalement pas abouti à cause des circonstances financières au Panathinaïkos. Et puis, au mercato d’hiver, ça a été fait en deux jours.

Les bons profils restent toujours sur la liste. Mon job, c’est de ne jamais lâcher un dossier comme celui de Naranjo sous prétexte qu’il a signé à Vigo l’été dernier, alors qu’on le suivait déjà à Tarragone. Il faut toujours se rappeler qu’un transfert peut prendre beaucoup de temps.  »

Les Limbourgeois sont également parvenus à définir leur identité, en même temps que leur place sur le marché. Une donnée capitale pour cibler la catégorie de joueurs qu’ils peuvent attirer :  » Sander Berge était demandé par des équipes anglaises, mais lui et son entourage étaient conscients que ce n’était pas encore le bon moment. À ce moment-là, Genk peut être une bonne étape dans son parcours.

On est une université, une académie pour les jeunes avec un jeu très attractif, mais il ne faut pas oublier qu’on a envie de gagner des prix. C’est simplement notre philosophie pour faire des résultats, comme l’a fait l’Ajax ou comme Leipzig le fait maintenant en Allemagne. On est convaincu qu’avec cette façon de travailler, on peut avoir des réussites comme notre campagne européenne de cette saison. Maintenant, on veut faire le dernier pas en championnat.  »

Priorité à l’académie

Il faudra, pour cela, éviter un nouvel exode cet été, alors que le club a déjà perdu Leon Bailey et Wilfried Ndidi l’hiver dernier.  » Évidemment, il y a toujours un risque que les joueurs soient vendus « , reconnaît De Condé.  » Mais vendre des joueurs n’est pas une priorité. On ne doit pas avoir l’image d’un club qui veut seulement acheter et vendre, parce que ce n’est pas du tout l’objectif. Mais on est un club comme tous les autres en Belgique : parfois, on a besoin de ces injections financières. Mais ce n’est pas la priorité de notre philosophie.  »

 » On essaie d’être une académie de foot, et notre académie reste la priorité « , conclut l’ancien milieu offensif.  » Avoir été champion avec des joueurs du cru, c’est la fierté de Genk, et la preuve que nos jeunes resteront toujours l’aspect primordial au moment d’établir notre stratégie de recrutement.  »

par Guillaume Gautier – photos Belgaimage

« Mon job, c’est de ne jamais lâcher un dossier. Karelis et Naranjo ont été des transferts de longue haleine.  » – Dimitri de Condé

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