Une importance CAPITALE

Formé à Anderlecht, le Carolo d’origine turque a dû s’expatrier aux Pays-Bas pour évoluer en équipe première. De retour en Belgique, à Charleroi, depuis 3 ans, il reste viscéralement attaché à sa ville de toujours : Bruxelles, qui l’a vu naître et grandir.

Westland Shopping Center d’Anderlecht. C’est un Onur Kaya souriant que l’on retrouve en cette froide après-midi de la fin février.  » Je vous ai donné rendez-vous ici parce que j’y viens souvent quand j’ai du temps libre, pour des achats ou manger un bout. C’est facile, c’est juste à côté de chez moi.  »

En effet, depuis son retour en Belgique à l’aube de la saison 2010-2011 après neuf ans passés aux Pays-Bas, le Carolo s’est installé à Anderlecht, à moins de deux kilomètres du stade Constant Vanden Stock.

 » Après mon séjour à Vitesse Arnhem, je voulais revenir en Belgique. Pour découvrir le championnat belge, me faire un nom dans mon pays mais aussi pour retrouver Bruxelles. Je n’ai pas pensé une seconde aller m’installer du côté de Charleroi. Bruxelles, c’est ma ville, c’est ici que j’ai tout vécu : ma jeunesse, mes plus beaux moments, mes débuts dans le foot.  »

Avec Kompany et Vanden Borre

Et ses premiers pas sur les terrains, c’est au Sporting d’Anderlecht qu’Onur les fait :  » J’ai grandi à Saint-Gilles, du côté de la Porte de Hal. Mes parents m’ont inscrit à Anderlecht à l’âge de 6 ans. C’est tout près, donc c’était facile pour aller aux entraînements. Et puis, c’est le top en Belgique.  »

Né en 1986, Kaya fait ses classes d’âge avec un certain Vincent Kompany.  » Il y avait Anthony Vanden Borre dans notre équipe aussi. Il était un an plus jeune que nous mais il était tellement fort qu’il jouait toujours une catégorie au-dessus. Je suis content qu’il ait une nouvelle chance au Sporting d’ailleurs. Il la mérite, à lui de la saisir. C’était une chouette époque. Je ne pensais à rien, c’était juste de l’amusement. Il n’était pas question de devenir pro. C’est venu au fur et à mesure, vers 13-14 ans. On allait jouer des tournois à l’étranger et on voyait qu’on avait le niveau. Des clubs se montraient intéressés. Quand j’avais 13 ans, le club de Rennes a voulu que je rejoigne son centre de formation mais j’étais beaucoup trop jeune pour partir à l’étranger, j’ai refusé.  »

Pourtant, deux ans plus tard, alors qu’il n’a que 15 ans, Kaya quitte la Belgique pour les Pays-Bas et Vitesse Arnhem :  » Je me sentais bien à Anderlecht mais c’était le moment de partir. A l’époque, les jeunes n’avaient pas leur place en équipe première, il n’y avait que des joueurs qui avaient été transférés. Il suffit de voir les joueurs que le club a laissé filer : Dries Mertens, Maarten Martens… C’est quand même des gars qui auraient eu leur place, hein ! C’est seulement à partir de Vincent et Anthony que le Sporting a commencé à donner leur chance aux jeunes. Et encore, quand je pense à tous les joueurs talentueux qu’il y avait, il n’y en a pas tant que ça qui ont percé.  »

Seul à Arnhem

Onur se retrouve donc aux Pays-Bas, seul, à 200 kilomètres de chez lui, mais avec un salaire et la promesse de découvrir la Eredivisie s’il poursuit sa progression.  » Et le club a tenu parole. Après quelques années chez les jeunes, j’ai été incorporé à l’équipe première et le coach de l’époque Edward Sturing m’a donné ma chance. Je suis reconnaissant envers ce club : c’est grâce à Vitesse que j’ai la chance d’être footballeur professionnel aujourd’hui et j’ai vécu de beaux moments aux Pays-Bas. C’est un championnat qui me convenait bien. Le jeu est plus offensif et technique qu’en Belgique où le physique et la tactique ont plus d’importance. Et puis niveau infrastructures, il faut bien le dire, ils sont bien plus loin que nous « .

Néanmoins, la vie là-bas n’est pas tous les jours facile. :  » J’étais en internat. Le système de sport-études était bien fait avec entraînements matin et soir et cours l’après-midi mais on était dans une forêt au milieu de nulle part. Et puis c’est difficile de quitter sa famille à 15 ans à peine. En plus, Arnhem c’est pas Bruxelles. Il y a 150.000 habitants et à part le centre-ville, il n’y a pas grand-chose. C’est très calme. Je ne parlais pas le néerlandais. Je comprenais juste un peu grâce aux cours que j’avais eus en Belgique. Mais j’ai vite appris la langue. C’est aussi un point positif de mon séjour là-bas. D’ailleurs on devrait plus insister là-dessus chez nous. Il y a des mecs qui jouent en Belgique depuis 2 ans et qui ne parlent toujours pas français. C’est dommage.  »

Supporter de Besiktas

D’origine turque, Kaya est très attaché à cette double culture.  » Mes parents sont turcs, je parle cette langue tous les jours à la maison, ça fait partie de moi. Bruxelles est très bien à ce niveau-là : il y a une communauté turque importante. Si je veux aller manger turc ou boire un verre avec des amis, aucun problème. A Saint-Josse, même le bourgmestre, Emir Kir, est d’origine turque.  »

Une communauté qui, avec à peine quatre membres (Sinan Bolat, Enes Saglik, Alpaslan Özturk et Kaya) est sous-représentée en Jupiler Pro League.  » Et encore, je suis le seul Bruxellois dans le lot. Je ne sais pas trop comment ça s’explique. Les Turcs adorent le foot pourtant. Cela dit, si tu regardes les Marocains qui sont nombreux dans la capitale, il n’y en a pas beaucoup non plus : à part Mohamed Aoulad et Soufiane Bidaoui, je n’en vois pas d’autres dans le championnat.

L’éducation des parents est très importante. On m’a toujours appris à être correct. Si je suis devenu pro c’est aussi grâce à ma famille. Mon père m’emmenait tous les jours à l’entraînement et me suit partout. Que ce soit en Belgique ou même aux Pays-Bas. Il n’hésitait pas à faire la route jusque Groningen, par exemple, pour me voir jouer. C’est important d’avoir quelqu’un derrière soi, d’avoir du soutien. Il y a de bons joueurs qui peut-être n’ont pas cette chance et je pense que ça joue. Si tes parents s’en foutent ce n’est pas possible de réussir.  »

Et le championnat turc dans tout ça ?  » Je suis supporter de Besiktas. Je suis la compétition bien sûr mais plus comme quand j’étais gosse ou je regardais ça avec des yeux émerveillés. Ca pourrait me plaire de jouer là-bas un jour mais pas dans n’importe quel club. Istanbul c’est une super ville mais il y en a d’autres en Turquie où il n’y a rien. C’est le néant. De toute façon je me sens bien en Belgique pour le moment. Je préfère rester ici.  »

 » T’es joueur de foot ? Tu joues où ?  »

Il est temps de bouger. Kaya nous emmène Place des Héros, à deux pas de la Porte de Hal à Saint-Gilles.  » C’est ici que j’ai grandi. Je dirais pas que c’est un quartier dur mais c’est pas le plus facile quand même. De la fenêtre de chez moi, je voyais le terrain de mini-foot en bitume là-bas. Je jetais un oeil de temps en temps et dès qu’il y avait assez de monde pour une partie, j’allais jouer. C’est aussi de là que vient ma technique. J’y ai passé des heures mais mon père n’aimait pas trop que je joue là. Je portais les couleurs d’Anderlecht, il ne fallait pas jouer dans la rue.  »

Onur prend la pose sur le terrain devant notre photographe et des gamins nous apostrophent :  » C’est pour un magazine ? T’es un joueur de foot ? Tu joues où ?  » Ils n’ont pas trop l’air de nous croire.  » Ça fait déjà 11 ans que je n’habite plus ici. Je préfère où je vis maintenant, c’est plus calme. En dehors du foot, je suis assez tranquille. Je passe beaucoup de temps avec ma famille, je vais boire un verre, je vais au cinéma, je fais un bowling avec mes neveux. C’est important de rester sérieux  »

Objectif atteint

Et les choses sérieuses, c’est au Sporting Charleroi désormais que ça se passe pour Kaya. Le maintien mathématiquement assuré a fait du bien :  » Le grand objectif de la saison est atteint. Maintenant, il nous reste à faire pour le mieux dans les PO2. Beaucoup nous donnaient descendants en début de championnat mais on a bien travaillé et le résultat est là. Yannick Ferrera a beaucoup de mérite. Il m’a redonné une certaine confiance en moi et il m’a aidé à vraiment m’exprimer dans un rôle offensif. Je joue sur le flanc gauche mais j’ai une certaine liberté, je peux rentrer dans le jeu et ça me convient très bien, c’est ma meilleure place, c’est à ce poste que je jouais aux Pays-Bas.  »

Sous Ferrera, Kaya a aussi parfois fait office de capitaine avec Ederson et Giuseppe Rossini.  » Mine de rien, je suis un des plus anciens. On a un groupe très jeune avec beaucoup d’étrangers. Donc c’est important de les guider, c’est un rôle qui me plaît. Ça a fait du bien de vivre une saison stable, jusqu’à la démission de Ferrera, du moins. Durant mes deux premières années ici j’ai connu plus de coaches qu’en cinq ans à Vitesse. Ce n’était pas facile avec le président Abbas Bayat qui débarquait dans le vestiaire pour crier sur le coach. Je n’avais jamais vu ça ! Ça joue mentalement. Un joueur qui n’est pas libéré dans sa tête, il ne pourra jamais bien jouer. La D2 ça n’a pas été simple non plus. Je me suis blessé, j’étais en fin de contrat… Heureusement, le club a levé l’option qu’il avait sur moi et on est remonté directement parce qu’une chose est certaine, je ne veux plus retourner en D2. Non merci.  »

Cité au Standard durant le mercato d’hiver, Kaya est loin de s’emballer.  » Peut-être qu’ils me suivent mais il n’y a rien eu de concret. Pour mon futur, on va voir dans les prochaines semaines. Normalement, je devrais bientôt discuter avec Mehdi Bayat pour prolonger mon contrat. J’ai 27 ans et j’aimerais un jour franchir un palier supplémentaire mais je me plais bien ici pour le moment.  »

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE/DIEFFEMBACQ

 » Durant mes 3 années à Charleroi, j’ai connu plus de coaches qu’en 5 ans à Vitesse Arnhem.  »

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