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Une équipe de stars devenue dream team

C’est à Anvers, à partir du 16 août, que les Red Lions tenteront de décrocher leur premier titre européen. Après leur victoire au Mondial 2018, ils poseraient ainsi un nouveau jalon dans leur ascension vers les sommets, entamée il y a douze ans. Le capitaine, Thomas Briels (31), est là depuis le premier jour. Il passe en revue cinq périodes-clefs.

EURO 2007/JO 2008 : Une question de niveau

 » Je n’avais que 19 ans lorsque j’ai effectué mes débuts dans un grand tournoi, le Champions Challenge à Boom. Aujourd’hui, il ne reste que John-John Dohmen, Simon Gougnard et moi. C’est vous dire si c’était il y a longtemps ( il rit).

Ça c’était d’ailleurs mal passé : on a terminé sixième et dernier. Le sélectionneur sud-africain, Gillet Bonnet, avait été limogé et remplacé par l’Australien Adam Commens, qui n’avait qu’un mois et demi pour nous préparer pour l’EURO à Manchester. Ce n’était pas une mince affaire car il devait nous inculquer rapidement tout ce qui nous semble évident aujourd’hui : la construction et des modèles de jeu, le pressing haut… Sans oublier qu’on était encore tous amateurs, hein. On était des copains qui sortaient ensemble et jouaient à des jeux de société…

La force d’un grand coach, c’est de faire en sorte que les différents caractères se battent pour une même cause.  » – Thomas Briels

À trois semaines de l’EURO, en match amical, on a été balayés par l’Allemagne, alors championne du monde en titre : 9-0 ! Ça nous a réveillés et, à l’EURO, tout s’est beaucoup mieux passé. En phase de poules, on a fait 2-2 contre l’Angleterre et l’Allemagne puis on a battu la République tchèque 6-0. En demi-finale, par contre, on a pris une nouvelle leçon face aux Pays-Bas (7-2). On a alors retrouvé les Allemands dans le match pour la troisième place. La mission semblait impossible mais on y croyait. À juste titre puisque, alors que le marquoir indiquait 3-3 à quatre secondes de la fin, JérômeTruyens nous a offert la victoire.

La Belgique se qualifiait ainsi pour les Jeux Olympiques, ce qui n’était plus arrivé depuis 1976 ! Pour les anciens, qui avaient loupé Athènes en 2004 à cause d’un but encaissé dans les dernières secondes, le soulagement était énorme. On était enfin délivré d’un traumatisme. Moi, j’étais jeune et j’ouvrais de grands yeux. Je n’en revenais pas de pouvoir aller aux Jeux.

Avant Pékin, on s’est professionnalisé un peu plus : le staff s’est agrandi, on a eu droit à des analyses vidéo sur le plan tactique, à un coach mental ( Alain Goudsmet)… Deux joueurs de la nouvelle génération, très talentueuse, nous ont rejoints : Félix Denayer (18 ans) et Cédric Charlier (20 ans).

Au moment de partir pour Pékin, on n’avait aucune prétention. On était déjà très content de participer. Et effectivement, on a dû se contenter d’une neuvième place, avec une seule victoire en phase de poules. Félix et moi avons assisté à la finale entre l’Espagne et… l’Allemagne. Le niveau était terriblement élevé. J’ai dit à Félix qu’on n’arriverait jamais à jouer comme ça ( il rit). Mais ces Jeux nous ont donné envie d’aller plus loin, même si on savait qu’on avait beaucoup de travail. »

JO 2012/EURO 2013 : Les prédictions de Marc Coudron

 » Un homme croyait dur comme fer que nous pouvions un jour disputer une finale olympique : Marc Coudron, le président de la fédération. En 2010, déjà, il disait que les Red Lions décrocheraient une médaille à Rio en 2016 et qu’ils seraient un jour champions du monde. Beaucoup de gens le prenaient pour un fou mais Marc est un visionnaire. L’an dernier, lorsqu’on est effectivement devenu champions du monde, je lui ai immédiatement envoyé un message : « Marc, cette victoire, elle est aussi pour vous. »

Après Pékin, avec un nouvel entraîneur ( Colin Batch), un nouveau coach mental ( JefBrouwers), et un nouveau préparateur physique ( Mick Beunen), les choses se sont précipitées. On a terminé quatrièmes à l’EURO 2011 et on s’est à nouveau qualifié pour les J.O. de Londres en 2012, où on n’a terminé  » que  » cinquième après une troisième place dans le groupe de la mort avec les Pays-Bas et l’Allemagne.

Ceux-ci ne nous ont toutefois battus que de peu (respectivement 1-3 et 1-2). Avec un peu plus de confiance en nous, on aurait même pu atteindre les demi-finales. Ce n’est que par la suite qu’on a compris qu’on n’était plus si éloigné du sommet. À condition de soigner les détails, une médaille à Rio n’était pas utopique.

Le nouveau sélectionneur hollandais, Marc Lammers, a encore professionnalisé davantage l’encadrement, notamment en utilisant des drones qui survolent le terrain d’entraînement. On était désormais professionnels en dehors du terrain également. De plus, après Londres, des jeunes du projet BE Gold nous ont rejoints, comme Arthur Van Doren ( élu deux fois meilleur joueur du monde depuis lors, ndlr).

On a poursuivi notre ascension lors de l’EURO organisé chez nous, à Boom. La fédération voulait donner une impulsion au hockey belge et ça a fonctionné : ça a été un beau tournoi, avec une zone de festival autour du stade, des tribunes pleines, une ambiance à donner la chair de poule pendant les matches et une forte présence médiatique…

Un succès sportif, aussi, puisqu’on a disputé notre première finale dans un grand tournoi. C’était à nouveau face à l’Allemagne mais on a perdu 1-3 après avoir rapidement mené 1-0. Il faut admettre que les Allemands étaient plus forts mais on n’avait aucun regret. »

Mondial 2014/EURO 2015 : Trop d’individualisme

 » En 2014, c’est avec l’ambition de ramener une médaille qu’on est allé aux championnats du monde, à La Haye. Lors du match de poule décisif contre l’Angleterre, on a mené deux fois au score avant d’être battus 2-3. Ça nous a fait mal. On a craqué sous la pression et on ne formait plus un groupe. Après l’EURO 2013, certains joueurs étaient devenus trop individualistes.

Marc Lammers n’a jamais pu résoudre le problème et ça s’est même aggravé lorsque son adjoint, Jeroen Delmée, a repris le rôle de sélectionneur. Le groupe était divisé et Delmée n’avais pas le profil pour faire face à ça. C’était un ancien grand joueur et un Néerlandais : il était très critique et très direct. Du genre : Moi, je faisais comme ça, vous devez le faire aussi. Ça déplaisait à de nombreux joueurs. Delmée était très fort sur le plan tactique, il décortiquait très bien le jeu de l’adversaire mais il mettait trop l’accent là-dessus. On était enfermé dans un carcan, il n’y avait pas de place pour la créativité.

Thomas Briels passe l'Anglais Brendan Creed.
Thomas Briels passe l’Anglais Brendan Creed.© Getty

Cela s’est vu à l’EURO 2015 à Londres, où on n’a terminé que troisièmes de la poule et été éliminé après un nul (2-2) face à l’Irlande. J’ai loupé ce tournoi – ma seule absence dans un grand championnat depuis 2007 – parce que Delmée ne m’a pas sélectionné. J’avais pourtant été champion des Pays-Bas et champion d’Europe avec Oranje Zwart. Mais Delmée voulait donner une chance aux jeunes tout en visant le titre. Une explication bizarre. Je n’ai pas vu une seule minute de cet EURO, j’ai préféré partir en vacances car j’étais frustré.  »

J.O. 2016 : Un meneur d’hommes plutôt qu’un tacticien

 » Ce qu’il nous fallait, c’était un meneur d’hommes, pas un tacticien. En octobre 2015, ShaneMcLeod a donc remplacé Jeroen Delmée. Une décision cruciale à dix mois des J.O. de Rio. L’avantage de McLeod, c’était d’avoir déjà entraîné en Belgique : il connaissait donc parfaitement tous les joueurs. Il a mis en place un nouveau système en zone mais il a surtout beaucoup travaillé en dehors du terrain afin de recréer un groupe. Il nous a dit : On ne doit pas être une équipe de stars mais une équipe star. Share the love ! Soyez aussi contents de délivrer un assist que d’inscrire un but.

McLeod voulait surtout qu’on se connaisse mieux les uns les autres. Il a donc installé une olympic room, qui servait de salle d’analyses vidéo mais dans laquelle on vivait et on se parlait. Il a instauré des circles of trust, de petits groupes dans lesquels chacun pouvait dire ce qu’il avait sur le coeur et où on parlait de tout : de la vie privée, de ce que certains avaient vécu au cours de leur enfance, des tensions entre joueurs… C’était parfois très direct et il y avait beaucoup d’émotion. J’en voulais à certains joueurs de ne pas m’avoir envoyé de message après ma non-sélection pour l’EURO. Ça me restait sur l’estomac depuis longtemps et je l’ai dit.

Personne n’hésitait à montrer ses faiblesses et ça a renforcé le groupe. On a aussi mis sur papier tous les objectifs personnels et dressé les profils mentaux de chacun. Qui était introverti ? Extraverti ? Qui savait faire face à la critique ? Avec qui fallait-il faire preuve de plus de souplesse ? La force d’un grand coach, c’est de faire en sorte que les différents caractères se battent pour une même cause.

L’approche de McLeod a rapidement porté ses fruits : en décembre, on s’est qualifié pour les demi-finales de la World League et cela nous a fait du bien à quelques mois des J.O. de Rio, où on a très bien joué pour atteindre les demi-finales face aux Pays-Bas. Jamais encore on n’avait été aussi concentré avant un match, notamment grâce au discours plein d’émotion de McLeod. Il nous a parlé de sa femme qui était cardiologue et avait remarqué que tous ses patients à l’hôpital étaient derrière nous. Depuis Rio, on imaginait difficilement ça.

On était remonté comme des coucous et on a livré un grand match. À 12 minutes de la fin, j’ai délivré l’assist du 3-1 à Florent van Aubel, un de mes meilleurs amis. J’étais soulagé : après toutes ces années, j’étais sûr d’enfin décrocher une médaille olympique. On était tellement ému qu’en finale, face à l’Argentine, on n’a pas reproduit le même match que face aux Pays-Bas et on a perdu 2-4. C’est pourquoi sur le podium, beaucoup pleuraient. Dont moi. L’argent, c’est bien, mais on aurait pu faire mieux. On aurait même peut-être dû faire mieux car l’Argentine n’était pas plus forte que nous. Pourtant, très vite, la déception a fait place à la fierté et à l’envie de vouloir continuer à lutter pour un premier grand titre mondial. »

EURO 2017/Mondial 2018 : Un discours porteur

 » On dit souvent qu’avant de gagner des finales, il faut pouvoir en perdre. Comme à l’EURO 2017 à Amstelveen face aux Pays-Bas. En phase de poules, on les avait rossé (0-5). Et en finale, on menait 0-2 mais, sous la poussée du public, le tsunami orange nous a ensuite balayés (4-2). Une nouvelle fois, ça faisait mal mais c’était une bonne leçon : il faut pouvoir rester calme en toutes circonstances.

C’est fort de cette expérience et de celle de Rio qu’on s’est rendu au Mondial en Inde, fin 2018. Ma première Coupe du monde en tant que capitaine puisque, après les J.O, John-John Dohmen a pris une année sabbatique et McLeod m’a confié le brassard.

Parce que j’ai de l’expérience mais aussi parce que je suis bien vu au sein du groupe. The people’s captain, comme dit le coach. J’ai donc demandé à certains joueurs de parler davantage pendant le group huddle avant le match, pendant les pauses ou lors des réunions. Ça permet à chacun de se sentir plus responsable, tout ne doit pas venir de moi.

Mais j’ai également pris mes responsabilités après la victoire sur le Canada (2-1) en match d’ouverture. On avait gagné mais on avait mal joué et certains joueurs s’étaient plaints de leur temps de jeu ou des remplacements. Après l’entraînement suivant, j’ai fait un discours plein d’émotions, les larmes aux yeux : Les gars, si on continue comme ça, on ne gagnera jamais rien. Jouer beaucoup ou peu, quelle importance ? On joue ensemble. Dans dix ans, tout le monde aura oublié qui a marqué. Par contre, on se souviendra encore de notre titre mondial.

Ce discours a provoqué un déclic, beaucoup de joueurs ont dit par la suite que ça avait été un des moments-clefs du tournoi. À partir de ce jour-là, on a résolu tous les problèmes en équipe : la maladie et la blessure de John-John Dohmen et de ManuStockbroekx, le décès du papa de Simon Gougnard, surtout. Puis il y a eu la demi-finale face à l’Angleterre. Ce 6-0 contre les Anglais, avec un but de Simon, constituait un bel hommage qui a encore soudé un peu plus le groupe. On a compris quels sacrifices il fallait faire – ne pas pouvoir être auprès de sa famille dans un moment aussi triste – pour réaliser un rêve sportif.

C’est avec ces acquits qu’on a affronté les Pays-Bas en finale. On n’était pas du tout stressé mais, au contraire, très sûr de nous. Après la demi-finale, j’avais dit : Les gars, on n’a encore rien gagné, hein. On doit finir le travail. Et on l’a fait en étant très fort mentalement. Surtout lors des shoot-out, lorsque celui d’ Arthur De Sloover a été annulé. Vincent Vanasch a alors dit qu’il allait arrêter le suivant et il l’a fait puis Florent van Aubel n’a pas pensé à l’échec mais à tout ce qui le rendait heureux et il a marqué.

Après toutes ces émotions, soulever le premier trophée mondial d’une équipe belge… Ça faisait longtemps que j’en rêvais et c’était désormais une réalité… Je veux revivre ça à l’EURO, devant notre public. Et l’année prochaine à Tokyo. Alors, la boucle serait bouclée. »

Le tout jeune Thomas Briels lors des JO de Pékin en 2008.
Le tout jeune Thomas Briels lors des JO de Pékin en 2008.© reuters

Le programme des Red Lions à l’EURO

Vendredi 16 août 20h30 : Belgique – Espagne

Dimanche 18 août 18 h : Belgique – Angleterre

Une victoire finale contre les Pays-Bas,  ça se savoure !
Une victoire finale contre les Pays-Bas, ça se savoure !© reuters

Mardi 20 août 20h30 : Belgique – Pays de Galles

Jeudi 22 août 18 h et 20h30 : demi-finales (en cas de qualification)

Thomas Briels et le capitaine anglais George Pinner avant la demi-finale du Mondial en Inde.
Thomas Briels et le capitaine anglais George Pinner avant la demi-finale du Mondial en Inde.© reuters

Samedi 24 août 20h30 : finale (en cas de qualification)

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