Une dent contre Broos

Bruno Govers

Poussé vers la porte de sortie au Parc Astrid, le ket a pourtant toujours faim de football.

A l’image de maints autres pensionnaires de l’élite, Anderlecht a sonné le grand rassemblement de ses troupes lundi dernier. Avec un absent de haut vol dans ses rangs : Gilles De Bilde, instamment prié par la direction du RSCA, nonobstant une dernière année de contrat, de se mettre en quête d’un nouvel employeur avant la date-butoir du 15 juillet.

 » Quoiqu’il ait bien mérité du Sporting par le passé, l’intéressé ne faisait plus vraiment partie de nos plans de bataille en vue de la saison à venir « , précise le manager, Michel Verschueren.  » Au même titre que le club avait procédé jadis pour un autre de ses glorieux serviteurs, GeorgesGrün, irrémédiablement barré à l’aube de son ultime campagne chez nous, en 1996-97 et qui, en lieu et place, avait rebondi cette saison-là à la Reggiana, en Italie, une issue semblable est à présent envisagée dans le cas de Gilles De Bilde. Et je me fais fort que, cette fois-ci encore, une solution sera trouvée qui agréera pleinement les deux parties « .

Grün, même combat

Comme Giorgio autrefois, le Ket est donc poussé lui aussi, plus ou moins élégamment, vers la porte de sortie au Parc Astrid. Là ne s’arrêtent d’ailleurs pas les similitudes car, à l’analyse, les deux hommes excipent du même profil de bons vivants, pour qui l’existence ne s’est jamais bornée aux contours d’un terrain. Et dont le détachement finissait par irriter au moment où la classe ne parlait plus sur le terrain.

A l’instar de Georges Grün, Gilles De Bilde en aura fait l’expérience l’exercice passé. Après une entame de compétition sur les chapeaux de roue, marquée par un neuf sur neuf face à Westerlo, Malines et le Standard, la mécanique anderlechtoise, avec l’avant bruxellois en front de bandière, accumula soudain les ratés : deux points perdus au Parc Astrid d’abord, suivis d’une première défaite en championnat à l’Antwerp.

Dans un club ambitieux comme le RSCA, une unité sur six est inévitablement synonyme de têtes d’enterrement. Mais pas pour Gilles De Bilde qui, au vu de la mine renfrognée de Michel Verschueren, eut la mauvaise idée, à l’époque, de lui demander s’il y avait un problème au Sporting. Ce fut là, sans nul doute, le premier clou de son cercueil. Dans la foulée, un deuxième fut enfoncé par l’entraîneur, Hugo Broos, peu ravi à l’entraînement de l’absence complète de dash d’un élément visiblement à court d’heures de sommeil.

Depuis ce moment-là, la procédure de divorce était engagée entre le Sporting et son joueur. Même si celui-ci se révéla toujours des plus précieux chaque fois que le coach des Mauves fit appel à lui. Comme à Stabaek notamment, lorsqu’il prit à son compte le but d’ouverture des siens, ou encore en championnat, car aucun Sportingman ne fit mieux que lui en matière d’assists à mi-parcours (8). Malgré quoi, le mentor des Mauves n’en snoba pas moins allégrement Gilles de Bilde tout au long du deuxième tour.

Lors de la trêve hivernale déjà, il fut une première fois question d’un éventuel départ. Le Ket s’était effectivement mis en tête de rejoindre Johan Boskamp à Dubaï, ce qui augurait selon certains d’une nouvelle collaboration entre les deux hommes, qui s’étaient déjà retrouvés de concert au Stade Constant Vanden Stock au beau milieu des années 90. Mais on en resta à une visite de courtoisie, d’autant plus que le Bos n’allait pas faire long feu dans le Golfe Persique.

Une fois encore, par la suite, la possibilité d’un déménagement dans les Emirats surgit : au mois de mars, quand le manager du joueur, Dirk Degraen, reçut une offre du Qatar. Mais en raison des troubles en Irak, l’affaire fut rapidement classée. Et comme l’équipe Première avait retrouvé tout son allant entre-temps, le cas posé par Gilles De Bilde ne fit plus vraiment la Une à l’ombre de Saint-Guidon.

Les doutes de RVDS

Le lundi 16 juin, le président Roger Vanden Stock fut le premier à sortir de sa réserve à propos de l’attaquant. Son seul bémol dans une interview d’avant-saison résolument optimiste, qu’il nous avait accordée ce jour-là, concernait non pas la qualité du noyau anderlechtois mais la future composition du dug-out et du vestiaire. Car ces deux éléments ne lui donnaient manifestement pas tous ses apaisements.

 » Certains joueurs s’accommodent tant bien que mal d’une place sur le petit banc « , nous dit-il en substance.  » Il en va par exemple ainsi pour un Besnik Hasi, ou un Mark Hendrikx. Mais d’autres vivent nettement plus mal cette situation. Je songe, bien sûr, à Gilles De Bilde et Ivica Mornar qui n’ont jamais caché dans les articles qui leur étaient consacrés que leur place était sur la pelouse et nulle part ailleurs. Tout cela donne inévitablement à réfléchir « .

Trois jours plus tard, lors d’une réunion de comité à laquelle assistaient le président d’honneur Constant Vanden Stock, son fils Roger, le secrétaire-général Philippe Collin et les deux managers, Michel Verschueren et Herman Van Holsbeeck, ce dernier avisa la direction de l’intérêt du Lierse et, plus particulièrement, d’ Emilio Ferrera pour le joueur. Mais, en haut lieu, on n’était guère enclin à privilégier une cession sur base locative. La priorité, c’était ni plus ni moins la vente du joueur.

Une première possibilité se fit jour consécutivement à l’intérêt des Chicago Fire, un club de la Major League Soccer américaine, suivie d’un contact avec les Espagnols de Cordoba, un club de deuxième division. Mais, par l’intermédiaire de son agent, Gilles De Bilde y opposa deux fins de non-recevoir. Une attitude qui, couplée à son apparition, pour la deuxième fois, dans un défilé du couturier belge Dirk Bikkembergs, à Milan, lui valut de perdre le peu de crédit dont il jouissait encore auprès de certaines personnes au RSCA. Avec la sentence que l’on sait.

L’exemple de Degryse

Le lendemain de son prononcé, c’est un Gilles De Bilde serein que nous retrouvons à la terrasse du Fablain, un établissement situé à quelques encablures à peine du Parc Astrid où le Ket va siroter un coca light de temps à autre. Malgré son inactivité forcée, le chouchou du public bruxellois n’est pas au chômage technique pour autant. La preuve : il s’est adonné à un footing le matin même.

 » Si je suis étonné par la décision du club ? Oui et non « , observe-t-il.  » J’aurais aimé qu’on m’accorde une chance, comme chaque joueur la mérite en début de saison. Mais il faut croire que quelques-uns sont manifestement pressés de me voir partir. Je suis prêt à coopérer dans ce sens, à condition toutefois de ne pas être lésé. Je veux pouvoir m’y retrouver sur les plans sportif, financier et humain. Ma copine, Ilse, doit accoucher de jumeaux à la fin octobre. Je ne vais donc pas m’enterrer dans un bled perdu même si, sur un plan pécuniaire, le jeu en vaut peut-être la chandelle « .

 » J’ai cru comprendre qu’on me reprochait un manque d’ambition. Dites-vous bien que si j’avais voulu opter pour la facilité, j’aurais signé à Cordoba, comme j’en ai bel et bien eu la possibilité. L’Espagne, et l’Andalousie en particulier, est devenue ma deuxième patrie depuis que j’ai fait construire un logement à Marbella. A Cordoue, j’aurais pour ainsi dire joué dans mon jardin. Mais, quoi qu’en disent ou en pensent certains, je suis encore trop ambitieux pour me satisfaire d’un club de deuxième zone « .

 » Les mêmes raisons m’ont d’ailleurs poussé à refuser l’offre des Chicago Fire. Le football américain ne me dit absolument rien qui vaille. Je n’ai jamais flashé et je ne flasherai jamais pour lui. A 32 ans, j’estime que je suis encore en mesure de réaliser de très grandes choses à un niveau plus qu’honnête. Et je veux m’y atteler pendant une saison encore, au bas mot. C’était le terme de mon contrat à Anderlecht. Et je veux l’honorer en matière de durée. Quitte à prolonger pour une année supplémentaire, si je me sens toujours bien « .

 » Il est tout à fait erroné de croire que je pourrais raccrocher si d’aventure je ne trouvais pas chaussure à mon pied dans les jours à venir. J’aime encore trop le football pour songer actuellement à cette issue. Je ne voudrais pas, dans quelques années, me retourner sur ma carrière avec un goût de trop peu. Car ce serait franchement un fameux gâchis « .

 » J’ai vécu de près la situation de Marc Degryse au PSV Eindhoven. Lassé de faire banquette, mon ancien coéquipier a voulu tout plaquer la trentaine fraîchement sonnée. En définitive, il a encore disputé quelques magnifiques années, à La Gantoise d’abord, puis au GBA.  »

Ovation debout pour Crasson

 » Détrompez-vous, je n’en veux pas au Sporting pour le sort qui m’a été réservé. Si j’ai une dent contre quelqu’un, c’est tout au plus vis-à-vis de l’entraîneur, Hugo Broos. Mais je n’en veux pas à d’autres personnes. Le football est un business : les clubs pressent l’orange puis jettent l’écorce. Il faut pouvoir l’accepter. Mais tout cela ne doit pas occulter le reste : les joies partagées avec les partenaires, la ferveur des supporters et j’en passe « .

 » S’il y a un détail qui m’attriste un peu, c’est de ne pas avoir pu prendre congé du public. Michel Verschueren m’a promis que je ne m’en irais pas sur la pointe des pieds. Et je le crois sur parole. Au fond de moi-même, je rêve d’une sortie comme celle qui a été réservée à Bertrand Crasson. Partir sur une ovation debout, c’est le plus bel adieu qui puisse être réservé à un joueur « .

 » Lors de mon face-à-face avec le manager, je lui ai demandé si ma prestation sur le cat-walk à Milan avait été la goutte qui, de manière imagée, avait fait déborder le vase. Il m’a dit qu’il n’en était rien. Mister Michel s’est même laissé aller à une confidence : sa femme n’avait pas hésité à découper la première page de certains journaux, où je figurais en petite tenue. Car elle me trouve un beau ket(il rit). Je pense aussi que malgré tout son show en ce qui me concerne, Michel Verschueren m’a à la bonne. De toute façon, il me manquera « .

 » L’avenir ? Dans un premier temps, je veux savoir quelles intentions l’Aris Salonique nourrit à mon égard. Si les Grecs veulent effectivement m’associer à la pointe de leur attaque à Nikos Machlas, c’est une piste non négligeable. D’autant plus qu’au plus haut niveau, les clubs ne manquent pas de moyens financiers là-bas. C’est une option qui mérite l’attention « .

 » Le Lierse ? Emilio Ferrera est venu aux nouvelles en fin de saison passée. Au même titre que Bertrand Crasson, je ne cache pas qu’il m’impressionne. Mais mon cas n’est pas du tout semblable à celui de Berre. Celui-ci était en fin de contrat au Sporting. Moi, j’ai encore un bail d’un an à des conditions non négligeables. Pour retrouver le plaisir de jouer, je suis prêt à consentir des sacrifices. Mais pas à n’importe quel prix. Or, au niveau financier, le décalage était énorme. Sans compter qu’Anderlecht compte toujours obtenir une indemnité de transfert pour moi « .

 » Une chose est sûre : je veux encore me consacrer au football pendant quelque temps. Par après, je tirerai plus que probablement ma révérence. Pour faire quoi ? Honnêtement, je n’en sais rien. Je vis au jour le jour, sans me poser trop de questions quant au futur. De toute façon, les possibilités ne manquent pas. Un de mes amis m’a notamment proposé d’ouvrir un restaurant à Marbella. Un autre encore aimerait que je m’associe à lui dans l’immobilier. Je verrai bien au moment opportun. Malgré la situation que je vis, j’aurais tort de me plaindre. Dans quatre mois, je serai l’heureux papa de jumeaux. Le football ne représente pas grand-chose à côté de ce bonheur-là « …

 » Si j’avais voulu opter pour la facilité, j’aurais signé à Cordoba « 

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