Une crise à Anderlecht?

John Baete

Crise ou non parmi les joueurs à Anderlecht après la défaite de Madrid? Selon le club, non; selon certains journaux et certains joueurs, oui. Et le feu aurait été mis aux poudres par Glen De Boeck. On a parlé de mauvais partage des tâches entre les joueurs (évaluation qualitative basée sur le kilométrage comparé) mais aussi de différences salariales trop importantes (amplifiées par la Ferrari de Gilles De Bilde). Bertrand Crasson a, lui, évoqué une mesure interne très impopulaire auprès des joueurs: l’interdiction d’encore échanger les maillots en Ligue des Champions! On peut comprendre que les joueurs trouvent peu gratifiante cette mesure d’épargne d’un club qui engrange quelques bons millions dans cette compétition. Un joueur mauve a de quoi se sentir ridicule quand un de ses adversaires prestigieux lui demande d’échanger son maillot et qu’il doit inventer une excuse du type: « Non, je l’ai promis à mon facteur », plutôt que de dire qu’il n’a pas le droit.

Anderlecht vit une crise de croissance. Jamais les joueurs n’ont été aussi exposés à la presse, et s’ils ne sont pas drillés d’urgence quant à ce qu’il peuvent dire et ne pas dire aux journalistes, on va droit au chaos. Mais la question, évidemment, est de savoir qui, au sein du club, va leur donner les bons conseils. Aucun spécialiste en la matière n’y existe, les personnes qui s’y connaissent le mieux ne sont que rarement suivies et tout le monde est toujours très heureux de passer devant la caméra ou le micro.

Attention, on apprécie la disponibilité d’un club vis-à-vis des médias, mais il doit aussi savoir ce qu’il peut apporter comme information ou non. Bien sûr, ces manquements sont très belges. Même la fédération n’est pas à l’abri de tout reproche dans ce domaine, comme on l’a vu récemment. La semaine dernière, en tout cas, Anderlecht n’a pas ménagé la chèvre et le chou. De Boeck y est allé trop fort et Roger Vanden Stock s’est dit outré auprès de certains journalistes: « Je ne vais pas jouer ce petit jeu, désolé messieurs ». L’air de dire que c’était la presse qui déstabilisait Anderlecht.

Il n’en était rien. Un joueur professionnel ne peut rien dire de négatif à l’égard de son club ou de son équipe sous peine d’encourir les foudres de sa direction. De plus, au nom de l’esprit d’équipe, il doit aussi se borner à régler les problèmes au sein du vestiaire. Soit, De Boeck est allé trop loin. Et le fait de ne pas encourir de sanctions de la part de son club est une preuve de faiblesse et d’amateurisme de ce dernier. La Juve, Manchester United ou le Real ne laisseraient pas passer un cas analogue. Et empêcheraient-ils aussi leurs joueurs d’échanger leurs maillots en Ligue des Champions?

De Boeck avait peut-être de bonnes raisons de râler mais pourquoi n’a-t-il pas adopté le même profil que lors de l’incident avec Ivica Mornar qui l’avait empêché de tirer le penalty contre Halmstad. Le défenseur mauve avait dit: « On va en parler dans les vestiaires ».

De Boeck fait partie de ces joueurs à la superbe carrière qui commettent l’erreur de croire qu’ils parlent d’or.

Comme si le fait d’être champion de Belgique (ou même d’Europe) transformait un footballeur en personnage à l’analyse inattaquable. Les gars de ce type ne sont pas nécessairement des cadeaux pour les entraîneurs parce qu’ils commencent très vite à parler et penser à leur place; ce qui fait désordre. Et si ces joueurs solidifient l’équipe quand ils donnent ce qu’ils ont de meilleur, ils peuvent tout aussi bien la déstabiliser s’ils vont au-delà de leur rôle.

C’est pour un cas analogue que Daniel Leclercq avait mis Benoît Thans sur la touche, le temps que cet autre trentenaire au franc-parler revienne avec ses pieds sur le gazon. Mais on sait, depuis, que les pouvoirs du Druide étaient irrémédiablement entamés.

Samedi dernier, lors du dernier entraînement avant Alost, l’ambiance semblait au beau fixe à Anderlecht. La direction avait dit au groupe qu’elle faisait une croix sur les incidents de Madrid et qu’il devait se concentrer sur la visite à Alost. Elle pense que de bons résultats vont détendre l’atmosphère. Mais c’est une vue très fragile. Les vrais professionnels savent qu’une bonne atmosphère est d’abord indispensable pour obtenir des résultats. Remember: Jacquet avait évincé Ginola et Cantona d’un groupe qui allait gagner le Mondial!

Le Standard ne semble pas avoir de problèmes d’état d’esprit. Même en jouant mal, le sens du sacrifice est présent chez chaque joueur et on ne voit pas de geste désapprobateur quand on s’est battu pour une position et qu’on n’a pas reçu la balle. Michel Preud’homme doit avoir quelque chose à voir là-dedans. Il y a des attitudes et des déclarations qu’il n’accepterait jamais.

John Baete

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