» Un vrai Standardman ne signe pas à Anderlecht « 

Le Standard, la Turquie, l’avenir : le gardien des Rouches pare toutes les questions avec son brio habituel.

Académie Robert Louis-Dreyfus, jeudi passé. Tandis que les joueurs de champ du Standard, victorieux la veille de Zulte Waregem, 1-2, en huitièmes de finale de la Coupe de Belgique, sont pris en charge par les T2 de José Riga, Peter Balette et Bernard Smeets, Sinan Bolat est confié aux mains expertes du nouvel entraîneur des gardiens liégeois, Eric Deleu.

Le portier titulaire des Rouches, déjà auteur d’une prestation sans tache face aux mêmes Flandriens trois jours plus tôt, en Jupiler Pro League, à Sclessin (1-0), a récidivé au Gaverbeek, écartant deux buts tout faits de Rémy Maréval et Habib Habibou. Une prestation d’autant plus étincelante que le néo-international turc commandait une défense inédite, où Jelle Van Damme et Laurent Ciman étaient associés pour la toute première fois dans l’axe. Sans compter que l’entrejeu, avec Yoni Buyens, William Vainqueur, Luis Manuel Seijas, Ignacio Gonzalez et Maor Buzaglo, était constitué de cinq joueurs fraîchement débarqués cette saison.

Sinan Bolat : Avec autant de nouveaux, il est normal que cette première victoire en déplacement, sur le sol belge, se soit fait longtemps attendre. Jusque-là, l’équipe a été pas mal critiquée pour ses maigres résultats à l’extérieur. Mais il ne faut pas oublier qu’on n’a pas été gâté par le calendrier, avec des matches à Gand, Genk et Anderlecht, tous candidats aux places européennes.

Avec les mêmes joueurs, le Standard a pourtant engrangé 16 points sur 18 à Sclessin.

Il y a une différence, malgré tout. Chez nous, nous n’avons encore jamais été menés au score. Même si le jeu n’a pas toujours été beau à voir, on n’a jamais vraiment eu peur au niveau résultat. Et même dans les moments les plus délicats, le public a toujours joué son rôle de douzième homme. A l’extérieur, c’est différent. On a clairement des difficultés à nous ressaisir dès qu’un but tombe. On manque de personnalités pour redresser la situation. Et l’impact des supporters est moindre aussi.

Mais à Sclessin, la qualité du football dispensé laissait souvent à désirer aussi, non ?

C’est certain. Mais tout n’est pas aussi mauvais. Je remarque par exemple que nous sommes la seule équipe belge à encore être engagée sur trois tableaux aujourd’hui. En championnat, nous sommes en lice pour les play-offs 1, en coupe tout est envisageable sur deux matches et en coupe d’Europe nous avons encore toutes nos chances à mi-parcours.

Qu’attendez-vous du retour à Poltava ?

Une prestation aussi bonne que lors de notre visite à Hanovre. Mine de rien, nous avions quand même réussi à tenir en échec une équipe qui vient de battre le Bayern Munich. Et le FC Copenhague, qu’on a affronté à Sclessin, n’est pas le premier venu non plus, puisqu’il a participé à la phase des poules de la Ligue des Champions la saison passée. Poltava, c’est autre chose. Je redoute peut-être plus les à-côtés, comme l’état de la pelouse par exemple, que le match lui-même. Car un faux bond inattendu peut évidemment changer le cours des événements.

 » Tout ballon est arrêtable « 

Depuis le début de la saison, vous donnez particulièrement de la voix en défense.

Aucun keeper n’aime encaisser. Et quand ça arrive trois fois, comme à Gand et Genk, ou même cinq à Anderlecht, il est impossible de rester calme. Je pars du principe que tout ballon est arrêtable. Mais pour ça, il faut que chacun soit à la hauteur, mes coéquipiers comme moi. A ce niveau, il y a eu trop de manquements. J’estime ne pas avoir été parfait sur le premier but de Milan Jovanovic. Et j’aurais peut-être dû sortir également sur la tête de Guillaume Gillet.

Vous avez entamé la saison, à Mons, derrière une défense formée de Réginal Goreux, Kanu, Felipe et Abdelfattah Boukhriss. A Anderlecht, elle était articulée autour de Daniel Opare, Laurent Ciman, Felipe et Sébastien Pocognoli.

Les changements ne sont pas une excuse. Tout est affaire de détermination, de la première à la dernière minute. Si je parviens à rester concentré, je ne vois pas pourquoi d’autres n’y parviendraient pas. Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut viser haut. Le Club Bruges a déjà été victime, plusieurs fois, de cette nonchalance. En championnat, il y a toujours moyen de rectifier le tir. Mais, en coupe, ce laxisme aura été sans appel.

Des Bleu et Noir qui se dresseront sur votre route le week-end prochain.

Il y a des points communs : les Flandriens ont eux aussi une toute nouvelle équipe. La saignée a encore été plus importante chez eux que chez nous, puisqu’ils ont dû renouveler trois quarts de leur effectif. De notre côté, les départs se sont limités à quatre valeurs sûres. Mais Steven Defour, Axel Witsel, Mehdi Carcela et Eliaquim Mangala n’étaient pas n’importe qui non plus.

Vous voilà avec Goreux seul rescapé de l’équipe championne de 2009.

C’est fou comme le temps et les joueurs passent (il rit). On savait que ces joueurs ne resteraient pas toute leur vie au Standard. Je me doutais bien qu’ils s’en iraient tôt ou tard. Je suis simplement surpris qu’ils aient tous quittés le club en même temps. Je comprends que les deux premiers, qui avaient tout remporté en Belgique, y compris le Soulier d’Or, aient envie de relever un autre défi. Les deux autres n’étaient pas dans ce cas, mais je suppose qu’ils avaient de bonnes raisons de partir. Et que la direction, de son côté, avait de bons motifs pour se séparer d’eux. Car il y a toujours un temps pour acheter et un autre pour vendre.

 » Plus il y a d’intensité, plus je me régale « 

Vous-même, vous n’auriez pas aimé faire partie du lot ?

Je ferai mes adieux à Sclessin le jour où mon apprentissage y sera terminé. Et je ne suis pas encore arrivé à ce stade. Il me reste encore pas mal de points à améliorer. Mon objectif est d’être prêt, un jour, pour pouvoir jouer dans n’importe quelle compétition. Je veux passer maître dans le trafic aérien pour faire bonne figure en Angleterre ; être impérial sur ma ligne comme les portiers italiens ; habile des pieds à l’image des Espagnols, et ainsi de suite.

Et quelles qualités devrez-vous développer pour être impérial en Turquie ?

Là-bas, le mental est une facette importante. Il faut pouvoir garder la tête froide dans la tourmente. Moi, j’aime ça. Plus il y a d’intensité, plus je me régale. Je parie que pas mal de gardiens décomptent le temps quand ils jouent au Camp Nou face à un Barça survolté. Moi j’en redemande. Etre exposé à une déferlante pareille, c’est extra. Tu ne peux qu’en sortir grandi. Comme le gardien de Séville récemment, qui a tenu le 0-0.

Jouer un jour en Turquie, c’est inscrit dans vos gènes ?

Tôt ou tard, j’y évoluerai. Je ne voudrais pas terminer ma carrière sans avoir connu cette compétition. Il y a déjà eu des contacts par le passé avec les trois grands clubs de la capitale mais les négociations avec le Standard n’ont jamais abouti. De toute façon, il aurait été trop tôt pour franchir le pas. A 23 ans, il vaut mieux que je mûrisse encore un peu à Sclessin. Mon contrat se termine en 2013. Je verrai bien d’ici là ce que le futur me réserve.

En près de trois années chez les Rouches, vous en êtes, avec Eric Deleu, à votre 3e entraîneur de gardiens.

A Genk, je n’ai connu que Guy Martens. C’est lui qui m’a tout appris. Je lui dois beaucoup comme d’être capable de dégager indifféremment des deux pieds. Il m’a inculqué toutes les bases que j’ai développées depuis mon arrivée à Sclessin en 2009. Avec Jean-François Lecomte, mon premier coach ici, j’ai surtout travaillé l’explosivité. Ensuite, sous Hans Galjé, les sorties. Il est encore trop tôt pour évoquer ma collaboration avec Eric Deleu, puisqu’il a pris le relais la semaine de notre déplacement à Anderlecht. Pour des débuts, il a été gâté (il rit).

Encaisser 5 buts, c’est un traumatisme ?

Je fais rapidement la part des choses. Une dégelée pareille ne me poursuit pas. De toute façon, on n’a pas le temps de se poser des questions car les matches s’enchaînent. A peine la page Anderlecht tournée, Poltava se profilait déjà à l’horizon, puis Zulte Waregem. Il est difficile de gamberger dans ces conditions.

 » Dieumerci Mbokani est le plus redoutable « 

L’une des missions demandées au nouvel entraîneur est, semble-t-il, de vous faire à nouveau gagner des points à vous seul ?

Je n’ai pourtant pas l’impression d’avoir soudain été moins bon. Je pense même m’être montré à la hauteur la saison passée, surtout lors des play-offs. Je me demande simplement s’il n’y a pas eu une certaine banalisation de mes prestations. A partir du moment où un joueur enchaîne les matches de haut vol, les gens s’y habituent. Ils ne voient plus les qualités mais les défauts. Il faut pouvoir s’y faire. L’essentiel, pour moi, c’est que ceux qui me suivent au quotidien, et moi-même, soyons satisfaits.

Et vous êtes content de votre niveau cette saison ?

J’ai déjà été désigné quelques fois  » homme du match « . C’est la preuve que je suis dans le bon. Même si j’aimerais que ce soit plus mes équipiers qui aient cet honneur. Car il n’est pas logique que le gardien du Standard soit régulièrement le meilleur. Mais c’est peut-être lié au football que les équipes du top produisent, après tout. Silvio Proto a souvent fait la une aussi. Idem pour Thibaut Courtois la saison passée. Ils n’auraient pas su se montrer s’ils n’avaient pas été mis à l’ouvrage. Comme quoi, le talent offensif est là aussi en Belgique.

Quel est l’attaquant le plus redoutable en Belgique ?

Dieumerci Mbokani. Il a quelque chose de félin. Comme sur le but qu’il m’a mis récemment au Parc Astrid. Je sors et suis près de jouer le ballon quand, d’un ultime coup de rein, il me fait une pichenette sur laquelle je suis battu. La toute grande classe. Jova n’est pas mal non plus. Anderlecht a fait une toute bonne affaire avec eux. Le Sporting a acheté au bon moment, tout comme le Standard a sans doute vendu au moment propice aussi.

Pourriez-vous, comme eux, vous lier un jour au RSCA également ?

Non. Un véritable Standardman ne signe pas à Anderlecht. Je suis Rouche jusqu’au bout des ongles. J’ai l’ADN de ce club en moi. Je sais ce que je lui dois, ainsi qu’à ses supporters. Un joueur du cru qui passe dans les rangs du Sporting, cela fait toujours mal. Cette blessure-là, je la leur épargnerai toujours.

PAR BRUNO GOVERS: PHOTOS: IMAGEGLOBE / JANSENS

 » Je quitterai le Standard le jour où je serai prêt à évoluer n’importe où à l’étranger.  »  » Il n’est pas logique que je sois régulièrement désigné homme du match. « 

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