Un vrai rêve

Depuis deux mois, il est le deuxième joueur belge du Real Madrid.

Depuis novembre, le Real Madrid compte deux joueurs belges en ses rangs. Jean-Marc Jaumin s’est en effet joint à Eric Struelens. Une issue presque miraculeuse pour celui qui, après avoir remporté la Coupe Korac avec Malaga, s’était placé en fâcheuse posture à Patras.

Jouer au Real Madrid, c’est le rêve?

Jean-Marc Jaumin: C’est plus que cela. Je considère qu’il y a des rêves accessibles et des rêves inaccessibles. J’avais placé le Real Madrid dans la deuxième catégorie. Il s’est pourtant réalisé.

Il a fallu pour cela un concours de circonstances favorables: la blessure de Lopez, le fait que vous soyez libre sur le marché à ce moment-là, le fait d’être connu en Espagne pour avoir joué deux ans à Malaga, le petit coup de pouce d’Eric Struelens…

Le point de départ de tout, ce fut cette expérience malheureuse à Patras. En fin de compte, elle a constitué ma chance: si j’avais signé dans n’importe quel autre club pendant l’inter-saison, je ne porterais pas le maillot du Real Madrid aujourd’hui.

Comment expliquez-vous cet échec à Patras alors que Daniel Goethals est toujours là-bas et semble s’y plaire?

En fait, je suis parti à Patras uniquement parce que Daniel y était déjà. Lui, il se plaît partout, pourvu qu’il puisse jouer et qu’on lui fasse confiance. Ces dernières années, il avait eu son lot de malheurs. Il goûte à présent à un bonheur retrouvé. Enfin épargné par les blessures, il semble avoir retrouvé ses jambes de 20 ans. Il livre d’excellentes prestations en D2 grecque et est en train de se faire connaître, ce qui pourrait lui ouvrir d’autres portes. De mon côté, j’ai directement compris que Patras n’était pas un club pour moi. J’avais joué deux ans à Malaga où tout était hyper-organisé et où la discipline régnait en maître, et j’ai abouti dans une équipe où c’était l’anarchie. Daniel et moi, nous étions toujours les premiers à l’entraînement. Les autres joueurs arrivaient au compte gouttes, presque selon leur bon vouloir. J’ai dû me mettre moi-même à la recherche d’un appartement. Pendant ce temps, j’ai vécu cinq ou six semaines dans une petite chambre d’hôtel. Seul, dans un premier temps. Après 15 jours, ma femme et ma petite fille m’ont rejoint. Il n’y avait que les chaînes grecques à la télévision. L’adaptation n’a pas été aisée.

On dit aussi que vous n’avez jamais été accepté par vos équipiers grecs.

C’est la vérité. Lorsque j’évoluais à la distribution, je prenais la place d’un « fils à papa » qui faisait partie du club depuis des années et dont le père est richissime. Ma présence n’était pas perçue d’un bon oeil. En match, on jouait n’importe comment. Après une défaite en Coupe de Grèce, le coach a été viré. C’était lui qui m’avait fait venir. Le nouveau coach m’a d’emblée donné l’impression de vouloir protéger les joueurs grecs. Il était préférable que je m’en aille.

Un coup de fil du Real

Vous êtes alors rentré en Belgique.

En effet. Je me suis entraîné quelques fois avec Ostende. J’entretenais aussi ma condition physique individuellement, à Bruges. J’aurais pu signer ailleurs en Grèce ou en Turquie. Je ne l’ai pas fait, et là encore, ce fut ma chance.

Car le coup de fil providentiel d’Eric Struelens a alors retenti…

Oui. Dans un premier temps, j’ai cru à une blague. Je l’avais appelé deux jours avant, pour prendre de ses nouvelles, et j’avais lancé en rigolant: -Si tu entends que le Real Madrid a besoin d’un distributeur, fais-moi signe! 48 heures plus tard, il m’a retéléphoné. Ma première réaction fut de me dire: -Bien essayé, mon vieux, mais on ne me la fait pas! Puis, en parcourant les informations en provenance d’Espagne sur Internet, je me suis rendu compte que Lopez, le deuxième distributeur du Real, s’était réellement déchiré les ligaments croisés. Pourtant, je demeurais incrédule. Je n’étais pas le seul candidat pour assurer l’intérim, et sur la liste, il y avait des joueurs prestigieux comme Petar Naumoski. J’avais des propositions d’autres clubs espagnols, comme Gran Canaria et Cantabria. J’ai préféré attendre des nouvelles du Real Madrid. J’ai eu raison, car le choix s’est finalement porté sur moi. Mon style convenait parfaitement au coach Scariolo. J’étais aux anges. Je pensais avoir atteint le sommet avec Malaga. Pour un « petit Belge », jouer dans le championnat d’Espagne, qui est l’un des meilleurs championnats d’Europe, était déjà un sacré exploit. D’autant que, pendant mon séjour là-bas, le club a atteint tous les objectifs qu’il s’était fixés: nous avons d’abord été finalistes de la Coupe Korac, nous l’avons remportée la saison suivante et nous nous sommes qualifiés pour l’Euroligue. Me voilà maintenant au Real Madrid: j’ai encore du mal à y croire. Il n’y a que la NBA qui surpasse ce club en matière de prestige. Mais, à ce niveau-là, je ne me fais pas trop d’illusions.

La réussite de Tony Parker ne vous donne-t-elle pas des idées?

Tony Parker est un joueur de grand talent. Il a bien travaillé pendant l’été. Lorsque je l’ai revu à la télévision, je ne l’ai pas reconnu. Ce n’était plus le même joueur que celui que j’avais rencontré en match amical avec Malaga, il y a un an, lorsqu’il portait encore le maillot du PSG. Il a pris du volume, a gagné en explosivité et en vitesse.

Après une période d’inactivité, n’avez-vous éprouvé aucune difficulté à retrouver le rythme?

Il est clair que les entraînements du Real Madrid sont d’un niveau dix fois supérieur à ceux que j’avais connus à Patras. Je m’étais bien préparé lorsque j’étais sans club, mais des entraînements ne remplaceront jamais des matches. En attaque, je manque encore de rythme. Je le retrouve progressivement. En défense, c’est surtout une question de volonté.

Serbo-croate, espagnol, français…

Vos deux ans à Malaga ont-ils facilité votre intégration au Real Madrid?

Cela m’a aidé, c’est sûr. Je connaissais déjà les adversaires, ainsi que le style de jeu pratiqué en Espagne. Pourtant, les principes de Sergio Scariolo sont assez différents de ceux de Bozidar Maljkovic. Ce dernier ne jurait que par la défense. L’entraîneur italien ne néglige pas l’aspect défensif, mais il est aussi très méticuleux au niveau des schémas d’attaque. Le Real Madrid regorge de joueurs à tempérament offensif. Tout le monde est capable de marquer et les systèmes de jeu mis en place exigent beaucoup de créativité de la part du distributeur. Cela me convient. J’ai été engagé comme deuxième distributeur. Ma mission est de relayer au mieux Sacha Djordjevic lorsqu’il éprouve le besoin de souffler. Je joue donc entre 10 et 15 minutes par match. La hiérarchie est bien établie. Etre le substitut de Djordjevic n’est pas un déshonneur. C’est l’un des meilleurs distributeurs d’Europe. Il a roulé sa bosse dans les plus grands clubs et a un palmarès incomparable. Je ne suis pas mécontent de mes prestations, jusqu’à présent. J’ai fait ce que le coach me demandait. J’ai eu la chance de débuter lors d’un match assez facile, contre Gérone, que nous avons remporté avec 20 points d’écart. Lors des deux matches suivants, j’ai été introduit alors que nous étions menés à la marque. L’équipe a recollé au score pendant que je me trouvais sur le terrain. C’est positif. Lorsque j’ai recédé le relais à Djordjevic, je me suis retiré avec la satisfaction du devoir accompli. Avec un temps de jeu limité, je me retrouve rarement aux premières places au niveau des statistiques. Pourtant, lors du match d’Euroligue contre Buducnost, j’ai eu droit à la meilleure évaluation – NDLA: note attribuée scientifiquement en fonction de la prestation dans divers domaines proportionnellement au temps de jeu. Dans un autre match, j’avais réussi trois tirs à trois points. Ce qui a aussi facilité mon intégration, c’est ma connaissance des langues espagnole et serbo-croate. Je peux converser avec Sacha Djordjevic, Dragan Tarlac et Zan Tabak dans leur langue. Ce qui explique qu’ils m’aient directement accepté. Je peux aussi parler en espagnol avec les joueurs nationaux. Et en français avec Eric Struelens, bien entendu.

Comment est-il considéré à Madrid?

Très bien. Il joue au Real depuis quatre ans et on sent qu’il est très bien intégré. Il y a beaucoup de stars au Real Madrid, mais j’ai été surpris par l’ambiance familiale qui règne dans ce club. Il n’est pas rare que nous nous réunissions entre joueurs et que nous allions dîner au restaurant avec les épouses.

Au Real, tout est plus grand

Qu’est-ce qui vous impressionne le plus au Real Madrid?

Tout est encore plus grand qu’à Malaga. Je pensais avoir connu la perfection en matière d’organisation en Andalousie, mais c’est encore mieux au Real. Sur le plan médical, tout est suivi et analysé. Les moyens du club sont énormes.

Le public n’est-il pas plus blasé qu’à Malaga?

C’est vrai que le public madrilène a déjà tout connu et que, parfois, la salle met un peu plus de temps à s’enflammer. Mais la grandeur du club est perceptible à tous les niveaux.

Vous avez récemment rencontré Malaga en championnat d’Espagne. Un match particulier?

Oui, je ne peux pas le nier. Je connaissais encore le coach et la plupart des joueurs de cette équipe. Et ces retrouvailles ont ravivé en moi d’excellents souvenirs. J’ai inscrit les deux derniers lancers-francs et nous avons gagné de deux points: 82-80.

Le Real Madrid fêtera son centenaire en 2002. C’était l’année idéale pour rejoindre ce club.

Exactement. Et j’y suis, c’est génial.

Le club voudra célébrer l’événement par des titres.

Oui, en effet. Le président l’a rappelé, récemment. Il avait réuni les footballeurs et les basketteurs pour le dîner de Noël. J’étais à la table de Zinedine Zidane et Claude Makelele. Un moment inoubliable. Zizou m’a surpris par sa simplicité. C’est un garçon assez timide qui n’apprécie pas trop la médiatisation. Après le dîner, Florentino Perez s’est adressé à nous. Il a fait part de son souhait de voir les différentes sections du club remporter un maximum de trophées afin de célébrer dignement le centenaire.

Pour la section basket, est-ce réalisable?

Oui, bien sûr. Tout en sachant que la concurrence sera rude. En Espagne, il y aura surtout Barcelone et Vitoria. Malaga a occupé la tête du classement en début de saison mais n’avait pas encore rencontré les gros bras à l’époque. La Coupe du Roi, c’est une question de forme du moment. Quant à l’Euroligue: les prétendants sont légion. Prenons match par match et on verra où cela nous mènera.

Vous avez aussi disputé le tournoi de Noël de Madrid.

Il se résumait à un match contre Ural Great Perm. Nous l’avons perdu: nous n’étions pas très concentrés. Je garde un autre souvenir de la période de Noël. Avec Claude Makelele, Edwin Congo et Michel Salgado, nous sommes allés rendre visite à des enfants malades dans différents hôpitaux. Sur le moment, la vision de ces gosses qui souffrent était assez dure, mais en sortant de là, on a vraiment le sentiment d’avoir accompli une bonne action. Leur sourire, pour un petit cadeau ou un simple autographe, vaut toutes les victoires.

Daniel Devos

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