Un Vosgien n’abandonne jamais

Skieur puis footballeur, le coach français s’est reconverti dans le semi-marathon et le VTT. Plus encore qu’une hygiène de vie, le sport est pour lui une philosophie.

Né dans les Vosges, Albert Cartier (46 ans) est un sportif né. Gamin, il se rendait en courant à l’école, sise à près de deux kilomètres de son domicile. Comme il revenait dîner à la maison, il parcourait ainsi une petite dizaine de kilomètres par jour. Ensuite, après le goûter – et avant les devoirs pour profiter des dernières lueurs, il s’adonnait au ski.

 » A l’époque, il y avait encore beaucoup de neige. J’ai pratiqué le ski dès mes quatre ans et le football est venu à douze ans. Quelques années plus tard, j’ai dû effectuer un choix. Lors de ma première saison de ski, je partageais une paire avec plusieurs copains. Pendant que l’un descendait la pente puis remontait les skis, à pied, ce qui représentait 500 mètres de dénivelé, les autres faisaient de la luge. Le deuxième hiver, mes parents ont investi. Doté de ma paire personnelle, je me rendais à vélo, skis sur l’épaule, à la station voisine. La saison s’étendait de début novembre à fin mars. Je skiais tous les soirs, le jeudi et le samedi, jours de congé scolaire, le dimanche étant réservé à la compétition « .

Cartier est devenu un bon skieur régional, spécialiste de la descente et du géant, soit des efforts de vitesse. Il s’est fait sérieusement remarquer en football à 16 ans en profitant largement de la base acquise grâce au ski et en débutant la musculation un an plus tôt. Il a mis un terme à sa carrière active à 35 ans, après quelque 500 matches chez les professionnels. Contacts, mouvements vifs et usure ont abîmé son corps. Une fracture de la jambe, un ménisque fichu mais surtout une déchirure du ligament croisé antérieur du genou et une usure des cartilages.  » J’ai subi trois opérations au genou pour pouvoir rejouer un an et demi. Mon père répétait toujours : – Un Cartier, ça n’abandonne jamais « , sourit-il.

L’endurance

Albert Cartier n’a pas gonflé, une fois ses studs raccrochés. Peut-être même est-il devenu plus athlétique que jamais. Pour éviter de prendre du poids, il s’est astreint, dès sa retraite footballistique, à un jogging d’une heure, de six heures à sept heures du matin, sauf le mercredi et le samedi, consacrés à sa famille. En plus, il était devenu préparateur physique de Metz. Il accompagnait les joueurs pendant leurs séances et souvent, il testait auparavant sur lui-même le menu qu’il leur avait concocté. Ce stakhanoviste a néanmoins pris ses distances avec la pratique active du football :  » Je ne suis plus comme avant et le football ne me donne plus une image valorisante de moi-même. J’ai adopté une autre approche du sport. Un, j’aime bouger. Deux, j’aime le faire avec des gens. Trois, j’aime bouger les gens : je ne suis pas entraîneur pour rien. La compétition n’est plus un objectif en soi. Ou plutôt, il y a compétition mais contre moi-même, d’après la forme du moment. Je n’ai pas besoin de chrono. A 36 ans, je courais le semi-marathon en 1 heure 25. Ici, je n’avais plus couru de semi-marathon depuis trois ans. Je viens de participer à celui de Metz. Mon temps n’est pas digne des annales mais il y avait beaucoup de vent, j’ai accompli un effort avec un copain. J’ai souffert, ce qui est l’essence du sport. Je poursuivais un objectif qui peut se résumer en ces termes : finir l’épreuve, réaliser cet effort, relever un défi « .

Cartier s’adonne toujours au ski, quand il retrouve la neige :  » J’alterne le ski de fond et le ski alpin. Soit un jour sur deux, soit l’un le matin, l’autre l’après-midi. Le ski de fond est excellent pour l’endurance. Globalement, j’aime me mouvoir dans la nature « .

Cette année, il a un grand objectif : les 20 km de Bruxelles.  » Des enfants handicapés ouvrent traditionnellement l’épreuve. Je courrai l’épreuve par solidarité à leur égard. En juin, j’ai un autre projet, à vélo. J’avais déjà un VTT, je viens d’acheter un vélo de route. Avec quatre ou cinq amis belges, je vais escalader les trois cols des Vosges, le Ballon d’Alsace, le Grand Ballon et le col du Bonhomme. Cela représente 125 km. J’organise notre week-end prolongé, puisqu’il aura lieu sur mes terres. J’aime l’âpreté, la dureté de ce sport. Chaque borne est une remise en question. Le cyclisme requiert énormément de sacrifices « .

Arme précieuse contre le stress, le sport permet aussi à Albert Cartier de ne pas souffrir des traumatismes dus au football de haut niveau.  » J’ai continué à courir, j’ai augmenté ma dose de vélo, qui ménage les articulations, et, surtout, je n’ai pas arrêté la musculation, afin d’entretenir la masse et la tonicité de mes muscles. Ce sont eux qui maintiennent le squelette en place. Une musculature bien entraînée permet de moins souffrir d’arthrose. Si je néglige les abdominaux un certain temps, mes lombaires se rappellent à mon souvenir « .

Musclé mais sec, Albert Cartier respire la forme, le dynamisme. S’il estime être plutôt rugbyman en esprit, son corps rappelle celui d’un triathlète. Il mesure 1m83 et pèse de 82 à 84 kg. Sa masse graisseuse est de 6 %, comme un triathlète ou un cycliste professionnel.  » Quand j’étais entraîneur adjoint, comme j’effectuais tous les exercices deux fois, j’étais descendu à 4 %, 4,5 % « , sourit-il.

La musculation

Il suit un schéma d’entraînement immuable : une heure le mardi, une heure et demie le mercredi et le jeudi, une heure le vendredi et le samedi. Il alterne musculation et cardio, soit travail en endurance. En fonction de la météo, il va courir dehors ou travaille au Stadium, proche du stade du Brussels. Là, il a l’embarras du choix : tapis roulant, vélo, rameur, step, cross-trainer.  » Par contre, les sorties en vélo requièrent trop de temps. Quand je cours, après un temps d’échauffement, je tiens à 14 ou 15 km/h pendant une demi-heure puis j’opère un retour au calme. Pour obtenir le même résultat à vélo, je dois rouler trois ou quatre heures. Si je pédale 80 km, j’en ai pour trois bonnes heures. C’est difficile à caser dans mon emploi du temps. Quand je suis à Bruxelles, je travaille souvent jusqu’à 22 heures mais je case mon entraînement personnel en fin d’après-midi « . L’alternance musculation/endurance ne souffre qu’une exception : Albert Cartier exerce ses abdominaux et ses lombaires tous les jours, qu’il aille courir ou qu’il travaille à la salle.

 » Les muscles abdominaux profonds, qu’on ne voit pas, sont très importants pour la stabilité du bas du dos. J’effectue 1.200 abdos par semaine, quatre fois 300 ou trois fois 400, en fonction des mouvements. Certains exercices sont plus durs que d’autres. Il est très important de les varier. Sinon, les muscles s’habituent au mouvement et l’exercice ne fait plus d’effet. Beaucoup de gens ont du ventre alors qu’ils font des abdos : ils effectuent toujours les mêmes exercices, selon le même cycle. A force de courir penché en avant, un footballeur a tendance à adopter une posture courbée, comme les joueurs de tennis. J’ai donc dû développer la musculature dorsale pour rouvrir ma cage thoracique.

A la salle, outre les abdos et les lombaires, j’entraîne toujours un grand groupe musculaire et un petit lors d’une séance. Par exemple, les pectoraux et les dorsaux puis les biceps et triceps « .

Tous les appareils classiques de musculation y passent. Des chiffres ? A la presse, Albert Cartier pousse de 200 à 250 kg avec ses jambes. Cet exercice fermé (les pieds reposent sur la plaque, le dos étant bien calé par le siège), est idéal pour les articulations endommagées. En revanche, les exercices ouverts, comme la leg extension, qui consiste, en position assise, à amener la jambe à l’horizontale, un poids sur le cou de pied, sollicitent trop l’articulation.  » Pour maintenir malgré tout une certaine variété, j’effectue l’exercice en isométrie, c’est-à-dire que je tiens, la jambe à l’horizontale, pendant huit secondes « .

Lorsqu’il privilégie l’endurance, Albert Cartier réalise quatre séries de 12 ou 15 répétitions. S’il travaille l’explosivité, à 95 % de sa force maximale, il se limitera à trois séries de trois, même s’il préfère six séries de six à 85 %.  » Lorsqu’on sollicite la seule force, la récupération de la fibre nerveuse est plus importante que celle de la fibre musculaire. Il faut observer un long repos entre les efforts. Pour conserver sa puissance, il n’y a pas de miracle : il faut soulever des charges importantes… tout en variant les cycles et les exercices « .

Cartier a également recours à des méthodes d’entraînement plus soft, comme l’électro-stimulation et le power plate. Ces techniques seules ne suffisent pas. Elles ne sont qu’un appoint, utilisable pour renforcer les muscles ou les détendre. Elles ne représentent que 20 % de l’entraînement du Vosgien.

par pascale piérard – photos reporters buissin

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