Jacques Sys

Football, ton univers artificiel

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Le constat n’est pas neuf, tout un pan de l’économie du football international est bâti sur du sable. Le cas de Barcelone nous le rappelle cruellement. Le club est le seul responsable du départ de Lionel Messi, tant il a trop longtemps eu la folie des grandeurs. Avant même le début de l’épidémie, on disait que le budget dépassait le cap magique du milliard d’euros. Pourtant, depuis des années, le Barça n’avait plus l’argent pour recruter à cause de sa gigantesque masse salariale (110% de son budget! ). Ce qui ne l’empêchait pas d’agir sur le marché des transferts. Le Barça a donc sombré dans un ingérable chaos financier, même si ce genre d’excentricités comptables ont longtemps été couvertes. Jusqu’à ce que les autorités du championnat espagnol, réunies au sein de La Liga, mettent au point des règles strictes. Le président Joan Laporta, qui n’est en poste que depuis six mois, a regretté le misérable héritage qui lui revient aujourd’hui.

Le départ de Messi va libérer Barcelone.

Barcelone, qui ne sortait plus de jeunes de son école depuis quelques années, doit adopter une autre politique, tout en espérant pouvoir conserver un diamant brut comme Pedri, une des révélations de l’EURO. Car il n’est pas exclu que le Barça doive le vendre lui aussi, pour apurer ses dettes. Le départ de Lionel Messi, sur fond de mélancolie et d’émotions, va certainement modifier le jeu de Barcelone et, en ce sens, libérer certains de ses éléments. Quoi qu’il en soit, le football sera moins artificiel au Camp Nou. Le championnat d’Espagne paraît aussi moins intéressant. Il a essayé de se vendre à grand renfort de marketing, mais il perd maintenant une partie de sa sexytude.

Jacques Sys
Jacques Sys© BELGAIMAGE

Qui glisse encore un peu plus vers l’Angleterre, dont certains grands clubs ont moins souffert de la perte de rentrées l’année écoulée. Manchester City a déboursé 117 millions d’euros pour Jack Grealish, un médian d’Aston Villa, et Manchester United a versé 95 millions d’euros au Borussia Dortmund pour Jadon Sancho.

Et maintenant, on parle du transfert de Romelu Lukaku de l’Inter à Chelsea, pour 115 millions. Le club transalpin est également en proie à des problèmes financiers. Il n’a même pas encore payé la totalité de l’indemnité de transfert due à Manchester United pour le Diable. Les clubs italiens ne cessent de mal gérer leurs finances, eux aussi, jusqu’à ce qu’ils soient contraints de réaliser de fortes économies. Lukaku savait qu’il lui serait difficile de remporter de nouveaux titres avec l’Inter. Ce ne sera pas le cas à Chelsea. Le club a moins investi durant une certaine période, mais n’en possède pas moins une brillante équipe aujourd’hui, dirigée par un entraîneur compétent, Thomas Tuchel. Lukaku est heureux de retourner dans le club de son coeur. Il a beau l’avoir quitté par la petite porte, on lui déroule maintenant le tapis rouge pour son retour. Lukaku va poursuivre sur son élan et profiter des progrès effectués depuis. De même que Messi va sans doute afficher toute l’ampleur de son art au PSG, grâce à l’argent du Qatar.

Toutes ces péripéties montrent que beaucoup de grands clubs sont sur la corde raide. Même quand ils sont aux mains d’investisseurs étrangers, la caisse doit être remplie. C’est pour cela que certains clubs ont tenté de fonder la Super League, en vain jusqu’à présent. Le fait que douze clubs veuillent se produire dans un championnat fermé a suscité une levée de boucliers, mais l’idée de répartir un tas de milliards entre quelques clubs européens n’est pas encore enterrée.

Le hic, c’est que ces clubs continuent de vivre dans un univers artificiel. Alors qu’ils sont endettés jusqu’au cou, ils ne cessent de chercher de nouvelles sources de rentrées, au point de s’enfoncer encore un peu plus. Revoir des formats de compétitions afin de couvrir des erreurs de gestion est l’acte le plus pervers qui soit.

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