Un souper aux moules pour rien!

Au terme de cette saison en dents de scie, les supporters de l’Excelsior se font nostalgiques d’un bon football.

Après la prestation lamentable fournie à Genk, l’Excelsior Mouscron s’est partiellement réconcilié avec ses supporters en arrachant, dans les derniers instants, le partage face à La Gantoise. Sur base des occasions de but créées et de leur supériorité numérique pendant une demi-heure, les Hurlus auraient pu prétendre à mieux, mais il est écrit que cette saison serait celle des frustrations.

Que pensent les supporters des prestations en dents de scie livrées par leurs favoris? « Le sentiment est mitigé », affirme Laurent Vanduille. « Ce n’est pas une véritable déception, mais on garde un petit goût amer car on est conscient qu’il y avait moyen de faire mieux. Les résultats, et surtout le niveau de jeu, n’ont pas été en rapport avec la qualité de l’effectif. Des équipes comme Westerlo, Lokeren et La Gantoise ne disposaient pas d’un noyau aussi riche que le nôtre. Depuis l’arrivée d’ Hugo Broos, l’Excelsior était parvenu à développer l’un des meilleurs footballs de Belgique. Il n’est plus parvenu à le reproduire cette saison. Je ne veux pas invoquer les départs successifs de Frédéric Pierre, Zoran Ban, Stefaan Tanghe et Yves Vanderhaeghe comme excuse. Cela fait partie du football: certains s’en vont, d’autres arrivent. Yves Vanderhaeghe, dans son style, était irremplaçable, mais il y avait peut-être moyen de résoudre le problème en jouant d’une autre manière. Bien que les ambitions avaient été revues à la hausse, cette saison doit être considérée comme une saison de transition ».

Juriste dans un cabinet d’avocats de Courtrai, Laurent Vanduille est le président des clubs de supporters de l’Excelsior Mouscron. Cela représente 25 associations pour la saison 2000-2001. Il est assisté dans cette tâche par Gilbert Libon et Damien Dermaux. A titre personnel, il est aussi le président des Red Gunners, un club de supporters dont les parrains sont Giovanni Seynhaeve et Steve Dugardein.

« Grâce à Nenad Jestrovic, l’un des meilleurs transferts réalisés par un club belge depuis l’arrivée de Jan Koller à Lokeren, nous avions une ligne d’attaque percutante », poursuit-il. « Mais le bât blessait au niveau de la récupération et de l’approvisionnement. Je demeure persuadé que les acquisitions étaient de qualité. La sauce n’a pas pris, tout simplement. Nous avons été réguliers dans… l’inconstance : deux bons matches suivis par trois matches moyens. Le deuxième tour n’a pas été aussi efficace que les années précédentes. C’est d’autant plus râlant que, pour une fois, nous avions réalisé un premier tour de très belle facture. A l’avenir, il faudrait que certains joueurs puissent s’ériger en leaders dans le groupe. Pour moi, les deux leaders tout désignés devraient être Steve Dugardein et Olivier Besengez, des figures emblématiques du club. Et davantage Steve qu’Olivier, car il occupe une position centrale sur le terrain. Je regrette qu’il ait perdu son brassard de capitaine pour des pécadilles. Lionel Ladon fut une éclaircie dans le grisaille, mais j’ai déjà lu qu’il ne serait qu’une solution de dépannage. Quant à Giovanni Seynhaeve, il a été prié de se trouver un nouvel employeur. L’Excelsior risque de perdre son identité ».

Un avis que partage Damien Dermaux : « Cette perte d’identité est effectivement ma grande crainte. Il y a deux ans, l’affiche de l’école des jeunes avait été confectionnée avec Gonzague Vandooren et Giovanni Seynhaeve qui se congratulaient après un but contre le Standard. A Mouscron, nous étions tous fiers de cette affiche. C’étaient des gens de chez nous, qui avaient grandi avec le club. Gonzague nous a quitté l’an passé et Giovanni partira dans quelques semaines. Les deux cas sont toutefois différents. Avec Gonzague, un ressort s’était cassé suite à l’affaire de son renouvellement de contrat et le joueur n’avait peut-être plus envie de rester au Canonnier. Par contre, à titre personnel, le départ de Giovanni me chagrine beaucoup. Je pense n’être pas le seul dans ce cas, car c’est un sujet qui revient souvent dans les conversations. Giovanni incarnait le prototype du clubman. C’est un garçon adorable que je connais depuis les Scolaires. Il était très attaché à Mouscron et ne ruait jamais dans les brancards lorsqu’il n’était pas titularisé. J’ai du mal à comprendre qu’on ne lui ait rien proposé. S’il y a une question qui interpelle les supporters, c’est celle-là ».

Hormis ce point-là, Damien Dermaux -qui travaille à Bruxelles et est le président du Duck Side, un club de supporters dont le parrain est Axel Lawarée– n’a guère de griefs à formuler. « A partir du moment où des objectifs avaient été clairement formulés, on ressent forcément une déception lorsqu’ils ne sont pas atteints. Mais il faut rester réaliste. C’est la première fois que Mouscron visait ouvertement l’Europe. D’autres clubs, plus huppés que l’Excelsior, ont aussi loupé leurs objectifs. Il faut se souvenir d’où l’on vient. Il y a dix ou douze ans, le club était encore en Promotion. De quoi se plaindrait-on parce qu’une saison a été un peu moins bonne? L’essentiel est d’avoir une vision à long terme. Nos dirigeants l’ont. Cette saison, l’équipe n’était pas prête pour viser l’Europe et encore moins pour faire bonne figure sur la scène européenne la saison prochaine. Cet échec aura peut-être des conséquences positives, comme en 1994, lorsque le club avait loupé l’accession à la D1 au terme du tour final face au Beerschot. Les responsables avaient pu mettre le doigt sur des manquements. Cette fois-ci encore, je suis sûr qu’ils sauront remédier aux carences. Peut-être faudrait-il engager davantage de valeurs sûres. Ces dernières saisons, nous avons eu beaucoup de chance avec les transferts de joueurs inconnus ou sous-estimés, comme Stefaan Tanghe et Yves Vanderhaeghe, mais les miracles ne se reproduisent pas chaque année ».

Mais le public est devenu exigeant. Contre Beveren, voici deux mois, il avait ouvertement manifesté son mécontentement.

« Sans pour autant les approuver, je peux comprendre ces coups de sifflet », poursuit Damien Dermaux. « Je tiens toutefois à souligner que le mécontentement ne s’est pas manifesté de manière trop virulente. Il n’y a pas eu de véritable bronca, que je sache. Pas de supporters qui tournent le dos au terrain ou qui endommagent les voitures des joueurs, comme cela s’est vu dans d’autres stades. C’était simplement une sonnette d’alarme qui avait été tirée. Une manière d’avertir les joueurs et de stimuler leur amour-propre. J’ai vu une pancarte: -Pensez à votre honneur! Cela n’avait rien d’injurieux. Nous sommes d’ailleurs très attentifs, au sein des clubs de supporters, à ce qu’il n’y ait jamais de dérive. J’ai toujours prôné l’exception mouscronnoise: un public qui soit différent des autres. Accueillant et respectueux envers l’adversaire. Un public qui pousse son équipe vers la victoire mais qui soit compréhensif lors d’une défaite. Contre le Lierse, il n’y a eu aucune réprobation de la part des supporters, malgré la défaite ».

Pourtant, le Canonnier vibre moins qu’il y a quelques années. « Effectivement, lors de la montée, une vague d’enthousiasme sans précédent avait déferlé sur la Ville de Mouscron », se souvient Damien Dermaux. « Tout était nouveau et les gens s’émerveillaient devant tout ce qu’ils voyaient. Mais, à un moment donné, le soufflé retombe ».

Aujourd’hui, on constate surtout que les supporters mouscronnois se font de plus en plus rares en déplacement. « C’est un vrai problème », concède Damien Dermaux. « Cela ne fait pas très sérieux de se retrouver à 100 ou 150 personnes dans les gradins visiteurs ».

« Mais cela a beaucoup à voir avec le prix des places », rétorque Laurent Vanduille. « A Genk, on nous a demandé 800 francs pour l’entrée. Plus le bus, la boisson et le sandwich. Cela fait cher pour des gens qui ne vivent pas nécessairement dans l’aisance. Et lorsque le spectacle n’est pas au rendez-vous, on se décourage ».

Au Canonnier, le problème est moins aigu. Le public est toujours nombreux, mais il demeure essentiellement mouscronnois. Les Français et les Flamands ne viennent pas encore en rangs aussi serrés que l’avait espéré le bourgmestre.

« Question de résultats », estime Damien Dermaux. « Il est utopique de penser que la Flandre Occidentale, jusqu’à Roulers, se mobilisera pour une équipe qui joue dans le ventre mou, comme c’est le cas cette saison. Il manque un palmarès à Mouscron, mais c’est logique car Rome ne s’est pas construite en un jour. Il faudrait, un jour, remporter un trophée pour être vraiment lancé. Ou au moins parvenir en finale de la Coupe de Belgique ».

Laurent Vanduille n’est pas inquiet pour l’avenir: « Certains parlent d’aller voir Lille plus souvent. C’est normal, le LOSC marche fort. D’autres clament qu’ils ne renouvelleront pas leur abonnement. Mais ce sont généralement ceux-là qui sont les premiers aux guichets ».

Un souhait pour l’avenir? « Dans l’immédiat, j’espère que les joueurs trouveront la motivation nécessaire pour remporter encore quelques matches cette saison et terminer parmi les cinq premiers », répond Damien Dermaux. « Même si ce n’est qu’honorifique, nous les supporters, y tenons. Terminer dans le Top 5 trois saisons d’affilée, c’est extraordinaire pour un club comme Mouscron, qui n’a aucun passé. Ce n’est pas du tout un échec, au contraire ».

« N’oublions pas, également, que nous avons un rôle d’arbitre à jouer. Que ce soit pour l’Europe, avec La Gantoise et le Standard, ou pour la descente, avec Harelbeke et La Louvière. J’espère que les joueurs le joueront honnêtement », ajoute Laurent Vanduille.

Et pour le long terme? « Le club a consenti beaucoup d’efforts pour l’amélioration de ses infrastructures », constate Damien Dermaux. « C’était nécessaire. Aujourd’hui, nous avons un stade magnifique. De dimension modeste, certes, mais il n’était pas nécessaire de voir plus grand étant donné le potentiel public actuel. Mon seul regret concerne l’accueil des visiteurs. Tous ceux qui viennent au Canonnier se plaignent de la cage à poules qui leur est réservée. Hélas, il n’y a aucune solution au problème: les villas voisines empêchent toute possibilité d’extension. Si l’on pouvait juste changer le grillage, ce serait déjà un progrès, car il est insupportable avec ses petits carreaux de rien du tout. Maintenant, après avoir investi dans la brique, le temps est peut-être venu de construire une équipe ».

Confiance à Hugo Broos pour cela? « Certainement, si du moins son intention est de rester à Mouscron. Pour la saison prochaine, cela ne pose aucun problème, puisqu’il est encore sous contrat. Pour la suite, il n’y a encore rien d’officiel. C’est un grand entraîneur, il l’a déjà démontré. Il faudrait toutefois savoir si les joueurs actuels du noyau -et particulièrement ceux qui sont là depuis longtemps- parviennent encore à se sublimer sous sa direction. Au fil des années, une routine s’installe. Jean-Pierre Detremmerie voudrait garder Hugo Broos jusqu’à la pension, mais j’ai cru comprendre qu’il envisageait un rôle de directeur technique pour lui. C’est peut-être dans cette fonction qu’il sera le plus utile à l’Excelsior. C’est un monsieur que l’on respecte énormément dans le monde du football et son aura permettra d’attirer plus facilement des joueurs de talent à Mouscron ».

L’Excelsior se distingue aussi par ses activités culturelles et sociales, uniques en Belgique. Damien Dermaux voit toutes ces initiatives d’un bon oeil. « Je ne suis pas certain que les expositions et conférences aient un impact immédiat sur le rendement des joueurs, mais elles confèrent un petit supplément d’âme au club et permettent de nouer des contacts intéressants. Alors, pourquoi pas? »

Daniel Devos

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