Un Soulier d’Or pour la libellule

Toutes les distinctions individuelles sont sujettes à dissections polémiques, et le Soulier d’Or n’échappe pas à la règle. J’ausculte les points du premier tour, et je suis ahuri d’y constater que Marouane Fellaini, mais aussi Mbark Boussoufa, ont littéralement atomisé les quatre autres Standardmen ! J’ausculte les points du second tour et je comprends mal que Dieumerci Mbokani ne récolte que la moitié des points d’ Axel Witsel ! Les palmarès ont ceci de moche que l’Histoire n’en épingle que les vainqueurs, même s’ils l’ont été de justesse. En 2008 donc, pensée émue autant qu’éphémère pour Milan Jovanovic, lequel remporte le trophée du pas verni : et je ne tomberai jamais nulle part sur le rappel du palmarès du  » pas verni au Soulier d’Or  » depuis sa création…

La tombola a donc désigné Witsel, et mes yeux sont contents : d’entre les favoris, Axel était celui qui, quand je regarde du foot, me donne le plus souvent du plaisir, en même temps que le moins souvent de l’irritation ! Je ne vous réexplique pas pourquoi, retrouvez ma bafouille d’octobre dernier où je parlais d’apesanteur et de libellule… Par ailleurs, mon plaisir des yeux ne m’empêche pas de raisonner un peu différemment : comme pour Steven Defour avant lui, ma raison a tendance à penser qu’à 20 ans tout juste et pas encore 100 matches comme titulaire en D1 belge, Witsel n’est pas encore une valeur confirmée, alors qu’un Soulier d’Or devrait toujours l’être… Et si je compare au palmarès du Footballeur pro pour ces deux dernières années, je me demande si la différence n’est pas notamment ceci : votants prépondérants du Soulier d’Or, les journalistes rêvent de dénicher et craignent de louper la star belge planétaire attendue comme le Messie ; plus pragmatiques et chargés de désigner le meilleur d’entre eux, les footballeurs pros privilégient davantage l’expérience… et l’efficacité pour réussir ce qui reste le plus difficile en foot : mettre des buts au fond ( Mémé Tchité2007, Jovanovic 2008) !

Tout ce qu’il faut souhaiter à Witsel, c’est de faire demain mieux qu’ Enzo Scifo en tant que Belge offensif capable d’évoluer dans un top-club européen… on n’a d’ailleurs jamais rien eu dans le genre à part Enzo (moyennement) ! Et je le lui souhaite en espérant qu’il reste libellule : car si dans 5 ans, à Manchester, Madrid ou Milan, brille un Axel plus explosif et plus buteur, mais qui aurait développé une mâchoire carrée, des épaules de déménageur et les cuisses de son pote Oguchi Onyewu, je ne suis pas sûr que ma raison laissera mes yeux s’écarquiller…

Résumé. Jova a été élu Footballeur Pro. Defour a déjà eu sa godasse, et c’eût été toomuch que le gamin en ramasse une seconde en deux ans, devenant ainsi l’égal de trois légendes que je ne suis même pas digne de citer ! Fellaini est-il dès lors le grand grugé du bazar ? Grand oui, grugé non. Vu le règlement du Soulier d’Or, Marouane ne pouvait pas vouloir le beurre (être le meilleur de son p’tit pays) et l’argent du beurre (la Premier League et son pognon). Parfois, je me dis même que Fellaini a du bol… d’avoir une maman qui l’a fait si grand ! Au point qu’il joue très haut dans le jeu à Everton, avec pour mission de foutre une trouille pas possible dans les rectangles adverses : mais que serait Marouane avec toutes ses qualités… et 15cm de moins ? Toujours Rouche ? Et Soulier d’Or ?

J’ai regardé la cérémonie sur VTM seul diffuseur. C’était rythmé, plaisant, pas trop petite jet set qui se la pète. J’en retiens que Thierry Witsel a confessé avoir conçu Axel derrière une église : avis à tous les procréateurs potentiels de champions potentiels, ce serait pour cette raison qu’Axel est béni des dieux ! J’en retiens surtout les deux visages de Mbokani. Le premier en début d’émission : il est vautré sur son siège, il s’emmerde à fond la caisse sans s’en cacher, il est un des rares à ne pas avoir amené une gonzesse fringuée, il mastique grave tout un paquet de chewing-gums qui lui font les joues rondes comme des ballons, même quand il répond – à peine – au présentateur… Puis vient un chouette reportage sur son village congolais, les gens là-bas qui l’adulent, la fête, les chants, les gosses… Et en médaillon sur ma télé, durant toute cette séquence qu’il regarde, le visage de Dieumerci est soudain devenu rayonnant, rieur, bourré de bonheur ! Sa vraie vie est loin d’ici…

par bernard jeunejean

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