UN SOMBRE PRESSENTIMENT

Le Nigéria a remporté la finale de la Coupe du Monde des -17 ans en 1993, à Tokyo. Quatre futurs joueurs de format mondial évoluaient dans l’équipe d’ Ikhaeyere Amun: Oruma, Kanu, Babayaro et Babangida. Au terme de la finale, l’entraîneur avait affirmé que le Nigéria était bien parti pour obtenir les plus grandes distinctions chez les professionnels, ajoutant: « Le Mondial français viendra sans doute un peu tôt mais il faudra compter avec nous en 2002 ».

Amun semblait avoir raison. En 1996, le Nigéria a remporté la médaille d’or des JO avec la formation qui avait été championne du monde au Japon et les professionnels se sont hissés en huitièmes de finale tant en 1994 qu’en 1998. Le Nigéria avait usé quelques entraîneurs, entre-temps. Jo Bonfrère, un ancien ailier gauche du MVV qui s’est spécialisé dans le football africain, a été le héros d’Atlanta. En 1994, Clemens Westerhof, un autre mercenaire néerlandais, dirigeait l’équipe, relayé par le Français Troussier. En 1998, c’était au tour de Bora Milutinovic. Lorsque son équipe a été battue par le Danemark, Bora savait déjà qu’il ne serait pas payé. En Afrique, ne pas honorer un contrat est courant.

Bonfrère est alors revenu. Mais pour constater qu’il n’était plus le big white soccer chief, comme on l’appelait à Lagos, au début. Se plaignant du manque de structures, de moyen de transport pour les joueurs, de terrains d’entraînement et de matériel, il a menacé de démissionner. Le Nigéria est actuellement troisième de son groupe, alors que seul le vainqueur est qualifié pour le tour final. Le Nigéria a été battu par la Sierra Leone, un nain du football. Il accuse cinq unités de retard sur le Libéria, le leader, entraîné par George Weah, qui fait office de joueur-entraîneur. Les deux équipes s’affrontent le 5 mai à Port Harcourt.

Le Nigéria sera certainement privé de Bonfrère, qui a vu lui filer sous le nez 200.000 dollars (13,5 millions) qui lui étaient dûs. Plus grave, Kanu, West, Oliseh, Finidi George et Okocha ne veulent plus honorer leurs sélections suite au départ de Bonfrère. Le Nigéria a demandé à Stephen Keshi de négocier avec les internationaux.

Une chose est claire: les joueurs africains, dont on exige de plus en plus de performances, éprouvent des difficultés croissantes à défendre avec une motivation intacte les couleurs de leur pays. Ils gagnent bien assez en Europe pour cela.

Il semble que ce soit également le cas des étoiles brésiliennes. Les meilleurs « Européens » n’ont pas été sélectionnés pour affronter le Pérou à Sao Paulo, dans un match pourtant qualificatif. On a évoqué la fatigue de ces joueurs, dont les championnats entrent dans une phase décisive. Un double vol de 14.000 kilomètres et un décalage horaire de quelque six heures, tel est le lot mensuel de tous les internationaux d’Amérique du Sud. Ils ne sont vraiment pas gâtés, puisque les qualifications se disputent par aller-retour, avec dix pays participants, sans oublier les matches de gala pour faire plaisir aux sponsors.

Privé de Rivaldo, Roberto Carlos et Cie, le Brésil a dû se satisfaire d’un nul 1-1. Le Brésil pourrait rater le tour final, pour la première fois. En désespoir de cause, on a bombardé sélectionneur l’ancien gardien, Leao Emerson. Quatrième, le Brésil occupe la dernière place qualificative. Le cinquième doit disputer un match de barrage contre le vainqueur du groupe de l’Océanie.

Il y a donc peu de risques que le Brésil ne soit pas du Mondial 2002. Sa défection ferait le désespoir de la FIFA et des deux nations organisatrices. Mais le Congrès national brésilien réalise depuis des mois une enquête sur la corruption et la chute aux enfers de son football. Il a raison de nourrir un sombre pressentiment quand il songe à l’avenir. Comme le Nigéria.

Mick Michels

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