Un seul patron

Le sélectionneur de la Belgique a disputé cinq Tours de France en tant que coureur et six en tant que directeur sportif.

José De Cauwer n’est pas avare de déclarations. Tout ce qui touche au cyclisme ne le laisse pas indifférent. Normal, également, pour un sélectionneur national qu’il suive de près les coureurs de notre pays. Coureur, il a pris le départ de cinq Tours de France mais son plus beau succès en tant que directeur sportif, il l’a connu, en 1989, alors que sa modeste formation, ADR, comptait en ses rangs le futur vainqueur, Greg LeMond, et le lauréat du maillot vert, Eddy Planckaert.

Suite au forfait de Jan Ullrich, Lance Arsmtrong est le seul favori du Tour. Qui peut le battre?

José De Cauwer: Lance Armstrong doit normalement l’emporter avec une large avance. Mais je ne suis pas sûr que le Tour soit si normal. Au début, Armstrong peut espérer que les équipes de sprinters veillent à ce que le peloton reste compact, mais suite à l’absence d’Ullrich, je m’attends à des échappées d’une trentaine d’hommes.

Comme l’année dernière avec Kivilev. Il ne faut plus lui laisser une telle avance?

Non. C’est le danger qui guette Armstrong. Les autres savent qu’en duel régulier, ils ne peuvent pas le battre. Ils doivent donc se mêler aux échappées. Elles peuvent avoir lieu sur le plat comme en montagne. Il faut attaquer Armstrong très tôt et l’isoler de son équipe. US Postal semble plus solide que l’an dernier mais si toutes les équipes se liguent contre Armstrong, il ne gagnera pas.Armstrong plus professionnel que LeMond

Il y a deux contre-la-montre de plus de 50 km. éa doit jouer en faveur de l’Américain, même s’il a été souvent battu ces dernières semaines?

C’est exact mais ceux qui peuvent le battre dans un contre-la-montre en sont-ils capables en montagne? Botero, peut-être.

Vous avez gagné le Tour avec Greg LeMond. Sa performance est-elle comparable à celle d’ Armstrong?

Armstrong est plus professionnel. Il tend à la perfection dans sa préparation. Avant la saison, il a compris qu’il devait avoir plus de kilomètres et plus de jours de course dans les jambes. En dix ans, le Tour a changé, aussi. Il suscite un intérêt croissant et on consent plus de sacrifices. Armstrong fait partie d’une équipe pour laquelle deux épreuves comptent: Paris-Roubaix et le Tour. Avant, les équipes consacraient 90% de leur budget aux coureurs, contre 60% maintenant. Le reste va à l’encadrement: véhicules, voyages, suivi médical, stages… Avant, il n’y avait guère de stages. Nous allions reconnaître quelques étapes mais pas avec toute l’équipe comme maintenant.

Comme LeMond, Armstrong s’est battu pour revenir, plus fort que jamais. Un peu comme Piotr Wadecki, de Domo. Après son accident, il a perdu neuf kilos. Il se soigne bien. Il a cassé la baraque au Tour de Suisse. Avec un brin de chance, il peut menacer Armstrong. Pas pour s’emparer du maillot jaune mais pour le lui faire perdre. Des jeunes sans expérience pourraient tenter leur va-tout.

Vermaut dit qu’Armstrong tire les ficelles chez US Postal. L’accepteriez-vous si vous en étiez le manager?

Je constate qu’il a quand même besoin de Johan Bruyneel. Travailler avec des coureurs de ce calibre est une bénédiction. Ils vous mâchent la besogne. US Postal s’articule autour d’Armstrong. Contrairement à beaucoup d’autres équipes, US Postal a établi le groupe du Tour depuis longtemps.

Le contre-la-montre par équipes a retrouvé sa place. Qu’en pensez-vous?

C’est du cyclisme à l’état pur. On a besoin d’une bonne équipe au complet. Certaines en ont peur car cette discipline peut vous tuer, mentalement et physiquement. Mais elle constitue un bon baromètre. Le coup d’oeil est beau aussi: cette formation, revêtue du même équipement, des mêmes couleurs…

Après ces épreuves, les montagnes, les Pyrénées puis les Alpes. L’ordre de passage change-t-il quelque chose?

Non. Certains ont une préférence pour tel ou tel col mais c’est souvent lié à la pente.

Le Tour est lourd, avec 22 cols et cinq arrivées au sommet.

Il l’a toujours été. La première fois, vous avez peur parce que vous ne savez pas ce qui vous attend. La deuxième fois, vous avez peur parce que vous le savez.

Pas d’Alpe d’Huez mais un autre col mythique, le Ventoux.

Le Ventoux n’est pas le plus dur mais qu’est-ce qu’un col dur? Celui où vous prenez un coup de bambou. L’aspect mental est décisif. Armstrong a peur du Joux parce qu’il y a montré des signes de faiblesse il y a deux ans. Gagner le Ventoux ou l’Alpe d’Huez est bon pour votre prestige mais le Ventoux est le seul col de son étape alors que dans la 15e, vers Les Deux Alpes, il y a plusieurs côtes, certes pas ardues: 5 à 6%, mais l’étape fait 226 km.Le cadeau d’adieu des Mapei

Il y a deux jours libres. C’est positif?

Ils sont séparés par cinq étapes. En soi, un jour de congé n’est pas une mauvaise chose, même si ça ne change rien au classement. Sans jour de récupération, il y aurait moins de coureurs à Paris.

Vous avez couru cinq Tours. Aimiez-vous ce jour de repos?

Il était bienvenu pour les coureurs de mon calibre! La plupart des coureurs s’entraînent quand même pendant quelques heures.

N’exagère-t-on pas l’importance du Tour?

L’attention qu’on porte au Mondial de football est exagérée aussi mais on le trouve toujours fantastique. Le Tour assure plus que n’importe quelle autre course la popularité du cyclisme. Des monuments comme le Tour des Flandres, Paris-Roubaix ou Milan-Sanremo ont aussi une aura. La Coupe de l’UEFA est parfois aussi passionnante que la Ligue des Champions!

Là, ce sont les meilleures équipes qui sont reprises. Leblanc, le directeur du Tour, a d’autres critères de sélection.

Le Tour de France a dépassé les frontières de l’Hexagone. Des chaînes du monde entier en assurent la retransmission en direct. Je pense que les organisateurs vont modifier les critères. Moi, j’opterais pour un coureur de moins par équipe, pour permettre à deux ou trois formations de plus d’y participer.

Qu’attendez-vous de Tom Steels, qui vient d’être sacré champion national?

Il est capable de gagner quelques étapes. Un Tom Steels en forme est sans aucun doute le coureur le plus rapide du monde.

Roel Van den Broeck

« Un Tom Steels en forme est sans conteste le plus rapide du monde »

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