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 » UN RENDEZ-VOUS UNIQUE AVEC L’HISTOIRE « 

Le 18 mars, au stade Roi Baudouin, Yves Vanderhaeghe a l’occasion d’écrire deux pages d’histoire avec Ostende : enlever la première coupe de Belgique du club tout en forçant sa première qualification européenne. Il a préfacé cette finale à notre rédaction.

Empêtré dans les bouchons, Yves Vanderhaeghe arrive une heure trois quarts en retard à notre rédaction, à Evere, mais il en faut plus pour lui faire perdre son sens de l’humour, tout comme le nôtre d’ailleurs.  » Heureusement que c’est un plat froid « , remarque-t-il en s’installant à table.  » Sinon, j’aurais eu droit à du réchauffé.  »

Samedi, il revient dans la capitale avec Ostende, pour affronter Zulte Waregem en finale de la coupe de Belgique. Il a déjà loué un bus pour sa famille et ses amis. Il a également répété à maintes reprises : quand on dispute une finale de coupe, il faut la gagner.

 » Francky Dury ne dit-il pas la même chose ? Ça me paraît logique. On met tout en oeuvre pour gagner car la déception est immense en cas de défaite. En plus, la victoire donne accès à la phase par poules de l’Europa League. Six matches de coupe d’Europe d’un coup ! C’est unique, non ? Ostende n’a jamais encore vécu ça. C’est un rendez-vous unique avec l’histoire.  »

Marc Coucke serait en tout cas ravi, ce qui n’a pas toujours été le cas en coulisses, cette saison, d’après nos sources. Il veut que tout aille vite.

YVES VANDERHAEGHE : Ce serait historique. Le président rêve de ça, c’est ce qu’il exige à terme et nous approchons de notre objectif. Mais nous devons rester réalistes : nous avons 50 % de chances. Reste que le président serait certainement plus heureux, dans ce cas de figure, qu’après notre revers 3-0 à Saint-Trond. J’aime la pression. Elle fait partie du jeu. Elle peut être positive quand on sait la gérer. Certains y parviennent mieux que d’autres. Comme moi, le président est un battant, il veut gagner. On le remarque à tous les efforts qu’il a consentis pour le club ces dernières années. Il ne supporte pas la défaite. Mais nous ne devons pas oublier que nous bossons bien depuis deux saisons. Nous placer parmi les six premiers, saison après saison, est tout sauf évident. Voyez ceux qui ont loupé les PO1… En parler est une chose, réussir est une autre paire de manches. Le président veut que le G5 devienne un G6, soit le G5 plus Ostende, mais notre vitrine est toujours vide. Jamais Ostende n’a gagné de trophée. Pas à pas, nous sommes en train de construire quelque chose de beau. Nous voulons toujours gagner mais nous ne devons jamais croire que ça coule de source. Je rappelle régulièrement au groupe qu’il faut rester modeste.

 » QUAND ON PERD, LE CHEMIN DU RETOUR N’EST PAS AGRÉABLE  »

Il n’est pas évident de gagner une finale de coupe et tu en constitues un bel exemple : tu n’en as même pas joué une durant ta longue carrière ! Comment est-ce possible ?

VANDERHAEGHE : Alost a été injustement éliminé par le Germinal Ekeren en demi-finales. Nous devions gagner à domicile, après un nul blanc à Anvers, mais à la demi-heure, nous étions menés 1-3. Nous avons égalisé à un quart d’heure du terme et Christophe Lauwers a même inscrit le 4-3 mais l’arbitre a annulé le but, injustement. Il n’y avait absolument pas hors-jeu. Louper la finale de cette façon nous a fait beaucoup de peine. Je me rappelle l’arbitre : Fernand Meese. J’en ai été proche avec Mouscron aussi : 1-1 au Club Bruges puis 1-2 à l’Excel, alors que nous avions mené 1-0. Enfin, je me souviens qu’Anderlecht a été éliminé en demi-finale après un nul blanc, contre Beveren, du temps des Ivoiriens.

Adjoint de Hein Vanhaezebrouck à Courtrai, tu as disputé la finale mais tu l’as perdue contre Lokeren.

VANDERHAEGHE : En effet. Ce fut une très chouette expérience. Tout Courtrai était au stade Roi Baudouin mais quand on perd, le chemin du retour n’est pas agréable. Tout ça n’a fait qu’accroître ma soif de gagner. Quelle journée fantastique ce serait ! Le bonheur d’avoir gagné la coupe doit être fabuleux. Pour moi, il est temps de vaincre le signe indien.

Qu’as-tu retenu des deux matches de championnat disputés contre Zulte Waregem cette saison ? Ils se sont tous deux achevés sur le score de 1-1.

VANDERHAEGHE : Nous nous valons. A Waregem, nous nous sommes forgé quelques superbes occasions en première mi-temps mais sans parvenir à plier le match. Ensuite, Zulte est revenu, ce qui est logique. On ne peut pas dominer pendant 90 minutes. Y parvenir en finale serait super mais en général, c’est utopique.

 » OSTENDE ENCAISSE ENCORE TROP  »

Que t’a appris la finale perdue avec Courtrai ?

VANDERHAEGHE : Rapidement en infériorité numérique, Lokeren a été obligé de renforcer son organisation et de préserver ses filets. Nous avons fait le jeu, sans trouver d’ouverture. Nous avons eu nos meilleures occasions à onze contre onze. Mais chaque match est différent et un match de coupe n’a rien à voir avec un match de championnat. Avec un 0-0, on a encore une chance aux tirs au but.

Préserver ses filets n’est pas la spécialité de ton équipe.

VANDERHAEGHE : Il y a progrès. La saison passée, nous y sommes parvenus à cinq reprises et cette saison, nous en sommes à neuf en championnat et à trois en coupe. C’est quand même un progrès sensible.

Mais…

VANDERHAEGHE : … je préférerais ne pas encaisser en moyenne un but par match et nous sommes encore au-dessus de ce chiffre.

L’objectif était de renforcer la défense mais deux des transferts, Zarko Tomasevic et Mathias Bossaerts, ne sont pas titulaires.

VANDERHAEGHE : Tomasevic l’a été jusqu’à ce qu’il revienne blessé d’un match en équipe nationale. Ensuite, il a joué à l’arrière gauche mais il a été mauvais à deux reprises. Il manquait de motivation. Depuis, il a retrouvé son engagement et il progresse. Au début, il n’était sans doute pas conscient de ses erreurs. Nous avons eu plusieurs entretiens et son franc a fini par tomber.

 » ON EST TROP GENTILS  »

Et Bossaerts ?

VANDERHAEGHE : Il a entamé trois ou quatre matches d’affilée en jouant bien, surtout à domicile, mais il n’est pas encore assez régulier. Ce n’est pas anormal car il n’a que vingt ans et il doit encore gagner en maturité. Mais il manque aussi de condition de base, suite à une opération aux ischiojambiers la saison passée. Il a peur de s’occasionner une nouvelle déchirure en faisant un effort. Il s’entraînait différemment à Manchester City, davantage en explosivité, et il allait trop vite dans le rouge. Quand sa condition de base sera meilleure, il pourra jouer plus confortablement, sans être constamment sur les rotules ni s’occasionner des bobos. Ça lui rendra sa tranquillité d’esprit.

As-tu encore besoin de vrais battants ?

VANDERHAEGHE : Plusieurs joueurs sont réellement empreints de rage de vaincre. Comme Michiel Jonckheere. Il est du genre à abattre les murs tout en étant très gentil. Parfois, on a besoin d’une crapule dans un match.

Quelqu’un qui maîtrise l’art de  » faire un Yveske « , comme l’a dit Sébastien Siani ?

VANDERHAEGHE : C’est bien formulé. Est-ce que l’expression va être reprise au dictionnaire ?Il décrit l’expression comme  » casser le pied avec le sourire ».

VANDERHAEGHE : Si vous observez tous nos matches, vous ne pouvez que conclure que nous sommes très gentils.

Alors qu’avant, Ostende était une équipe virile ?

VANDERHAEGHE : Dès les catégories d’âge ! Jadis, quand les jeunes de Roulers se rendaient à Ostende, c’était :  » Attention, les gars !  »

 » LES GARS M’ONT SURPRIS À GENK  »

Alors que maintenant, c’est une équipe de ballerines ?

VANDERHAEGHE : Nous manquons de gabarits dans le compartiment offensif. Même Michiel ne pèse que 67 ou 68 kilos. Au Mondial asiatique de 2002, je pesais 85 kilos. Je ne pouvais pas supporter de laisser le ballon à l’adversaire. J’entrais en action et je n’avais de paix que quand j’avais récupéré le ballon.

Quitte à faire un peu de ménage ?

VANDERHAEGHE : Il faut montrer qui on est, dans les duels, donner une fois un bon coup. Et il n’est pas interdit de tomber quand on reçoit un coup, hein ! Nous voulons tout résoudre de manière sportive, récupérer proprement le ballon mais il n’est pas interdit d’utiliser son corps, l’épaule, par exemple, dans n’importe quelle phase.

Cette saison, tu as fréquemment entamé les conférences de presse d’après-match avec un constat : les joueurs n’étaient pas prêts, leur réveil avait sonné trop tard, etc. C’est manifestement un point faible à Ostende : vous n’êtes pas affûtés d’emblée.

VANDERHAEGHE : N’est-ce pas parce que nous pensons pouvoir tout résoudre grâce à notre technique ?

Une solution de facilité ?

VANDERHAEGHE : Oui. Du coup, nous sommes rapidement menés. Mais nous avons aussi démontré le contraire. Je ne savais pas mes hommes capables de ce qu’ils ont montré à Genk. S’ils parviennent à rééditer ça pendant 90 minutes en finales, nous pouvons la gagner.

 » D’UNE SAISON À L’AUTRE, NOS ADVERSAIRES SE SONT ADAPTÉS DAVANTAGE À NOUS  »

Ont-ils été surmotivés à l’idée de disputer la finale de la coupe ?

VANDERHAEGHE : Peut-être. Ils ont compris que le match aller n’avait pas été suffisant. Ils étaient déçus de leur prestation. Nous leur avons montré, par des images, qu’ils avaient été trop spectateurs. Chacun a travaillé, a couru et a fait son boulot mais personne n’a émergé. Nous avons regardé Genk faire circuler le ballon. Je leur ai dit :  » Les gars, si vous n’allez pas au ballon, vous ne le prendrez pas ! Vous pouvez vous entraîneur tactiquement autant que vous voulez mais si vous ne comprenez pas que vous devez aller au duel et que vous laissez passer votre homme, ça n’ira jamais. C’est de ces extras qu’il s’agit. Nous nous y exerçons. A ce moment-là, nous jouions tous les trois jours et la préparation des matches était très courte mais nous avons introduit une série de séances spécifiques, en exerçant la pression vers l’avant et j’ai retrouvé cet élément à Genk dès la première minute. Un entraîneur essaie toujours que ses footballeurs le fassent à chaque match mais ça doit aussi venir d’eux.

Vous avez marqué davantage la saison passée. Pourquoi ?

VANDERHAEGHE : Nous essayons de développer le jeu le plus offensif possible mais nos adversaires s’adaptent davantage à nous. En janvier, le départ de Conte et de Cyriac a amoindri notre noyau sur le plan offensif mais tant que Dimata est épargné par les blessures, ce n’est pas un souci. Il n’est pas un avant pur mais il est très motivé et il parvient parfois à se créer lui-même une occasion, par sa puissance et sa vitesse. Il a une bonne finition dans le rectangle mais il doit encore mieux gérer la dureté des défenseurs adverses. On siffle trop peu de fautes sur lui alors que contre nous, il a suffi à Teodorczyk de crier  » aïe « . Il faut être rusé. C’est une qualité aussi.

 » JE N’ARRÊTE PAS DE PIQUER BERRIER  »

Marc Coucke exerce-t-il sur toi une certaine pression pour préparer les joueurs à un gros transfert, afin de récupérer son investissement ?

VANDERHAEGHE : Je pense que notre staff fait progresser les joueurs qui ont du potentiel, de toute façon. Nous l’avions déjà prouvé à Courtrai.

Comment t’y prends-tu ?

VANDERHAEGHE : En procédant dans un certain système de jeu, avec des méthodes particulières. Nous varions beaucoup les séances, nous y insérons des nouveautés. C’est motivant. Les joueurs savent ce que nous leur demandons et de toute façon, nous le répétons constamment. Nous travaillons beaucoup avec ballon, de même que nous travaillons énormément la finition.

Mais Franck Berrier reste Franck Berrier ?

VANDERHAEGHE : Je n’arrête pas de le piquer. Je lui dis :  » Désolé, Franck, mais tu ne joueras pas.  » Il demande :  » Pourquoi pas ?  » Et je dois répéter :  » Désolé, mais tu ne gagnes aucun ballon !  » Il est un des meilleurs coureurs mais il part du principe que les autres doivent courir pour lui. On peut admettre qu’un avant-centre qui inscrit vingt buts campe dans le rectangle. Mais je ne l’accepte pas de la part d’un médian. Je constate que Franck court davantage maintenant.

PAR CHRIS TETAERT, CHRISTIAN VANDENABEELE ET FRÉDÉRIC VANHEULE – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Faire un Yveske va-t-il bientôt figurer au dictionnaire ?  » – YVES VANDERHAEGHE

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