Un referee peut en cacher un autre

Il est dommage que, le lundi soir, Michel Piraux ne soit plus présent sur le plateau du Studio 1 de la RTBF. Voici trois mois, quand Robert Jeurissen, patron des arbitres, a annoncé cette décision de la CCA, il l’a motivée par deux raisons. Une première à laquelle j’adhère, à savoir qu’étaient trop fréquentes les critiques ad hominem, proférées durant l’émission à l’égard de tel ou tel arbitre et de ses décisions : nous sommes tous susceptibles de râler « à chaud » sur une décision arbitrale,… mais il est vrai qu’il manque un boulon footeux à tout qui attaque « à froid » un referee précis ! Car qu’il soit de Belgique, d’Angleterre ou de Tombouctou, l’arbitre honnête est pareillement victime d’un règlement mal foutu, et sa seule grande erreur est son absence de contestation du phénomène : carriérisme oblige ?…

Seconde raison, mais mauvaise celle-là, avancée à l’époque par Jeurissen : « Nous craignions que les explications de Michel Piraux entrent en contradiction avec le rapport de la personne chargée d’observer l’arbitre. » Evidemment que ça risquait d’arriver, voire que c’est arrivé… mais c’était précisément tout l’intérêt de la chose : faire enfin avancer le schmilblic en concédant publiquement que l’arbitrage, quelle que soit la compétence des arbitres incriminés, était un exercice infiniment subjectif… et que cette subjectivité foutait le bordel ! Benjamin Deceuninck montrait à foison des actions similaires engendrant des décisions opposées, et Piraux pirouettait en parlant (sic) de « loi 18 », de « phases grises », d’arbitres jugeant « à l’anglaise », ou « selon les conditions hivernales », ou « selon l’instinct de chacun en fonction des situations de jeu »…

C’était parfait : dans nos foyers comme à la CCA, s’installait la conviction que le foot était un sport où l’arbitre pouvait fréquemment décider noir ou blanc, sans être objectivement dans l’erreur. Le schmilblick progressait tellement par l’absurde que l’absurde ne pourrait pas durer toujours, et j’en arrivais à rêver d’un Grand Soir d’une révision des Lois du Jeu ! Jusqu’à ce qu’hélas, bye bye Piraux : plutôt que d’assumer au grand jour les contradictions que lui impose le Board, la CCA se débine pour rejoindre l’ombre. Retour à la case foutoir.

Vous m’objecterez que Marcel Javaux est arrivé, qu’il connaît l’arbitrage aussi bien que Piraux et l’humour plus que lui, qu’il a son franc-parler, que la télé l’inspire et que le spectacle à Studio 1 ne perd sûrement rien au change. C’est vrai. Le seul problème est que Marcel n’est pas (n’est plus) membre de la CCA. Une voix de franc-tireur a remplacé une voix officielle de l’arbitrage belge, c’est une sacrée différence d’impact : car quand Marcel (comme Michel, car c’est inévitable !) tentera de se dépatouiller au vu d’actions similaires engendrant des décisions opposées, la CCA aura désormais beau jeu de jouer les Ponce Pilate en arguant qu’elle ne cautionne pas un guérilléro… Illustration via deux citations. La première de Piraux, Studio 1 du 01/10/2007 : « L’interprétation est le fléau de l’arbitrage. Nous essayons de réduire la marge d’interprétation, mais c’est un travail de longue haleine. » La seconde de Javaux, Studio 1 du 28/04/2008 : « Il n’y aura jamais uniformité. L’interprétation, c’est la beauté de l’arbitrage. » Quel joli boxon si Marcel avait dit ça (et il l’aurait dit tout pareillement !) en étant resté membre de la CCA ! Fallait y rester, Marcel, lutter de l’intérieur !

Je termine par une longue citation à propos des arbitres : « Bien souvent, en sifflant, ils ne savent pas encore quelle décision ils vont prendre, ils ont tout le temps de réfléchir ensuite (…) Je me suis souvent interrogé sur ce qui pousse certaines personnes à s’engager dans la voie de l’arbitrage ; et j’en arrive à la conclusion que, dans la plupart des cas, ce sont des gens complexés, brimés par leur épouse ou leur milieu professionnel, et qui veulent se donner une apparence d’autorité en imposant leur loi devant un public. Ils cherchent en quelque sorte sur le terrain ce qu’ils sont incapables d’avoir ailleurs. Moi, je ne trouve pas que cela mérite l’admiration (…) mais c’est un mal nécessaire en football ! » Ouille, sévère, hein ? ! Et savez-vous qui a dit ça ? Roger Claessen voici 30 ans, dans le livre « Roger-la-honte » que lui consacra Christian Hubert ! Hé, Marcel, je ne fourgue pas la citation pour t’inciter, toi ou Michel Piraux, à une réaction matrimoniale offusquée, non : mais pour rappeler que ce n’était pas hier la veille que les arbitres se sont mis à avoir des problèmes pour être les potes des autres footeux ! Dommage, non ? A moins qu’ils aiment ça…

par bernard jeunejean

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