Un râteau et DES RATÉS

Si en annonçant qu’il restait, Wilmots a clos un débat, la défaite au Pays de Galles en a ravivé d’autres.

Nous sommes arrivés en conquérants ; nous sommes partis vaincus, laminés par le caractère guerrier séculaire des Gallois. Le château de Cardiff, si beau, si fier, citadelle de cette baie ouverte à tous les vents des conquêtes, n’est donc pas tombé. Le champ de bataille, situé quelques kilomètres plus au sud, dans un Cardiff Stadium rempli d’espérances et de chants à vous donner la chair de poule, s’est donc transformé en cimetière des illusions pour nos Diables qui n’en avaient que le nom, vendredi.

Bien loin des déferlantes observées au stade de France, les actions offensives des Belges ont ressemblé à un film au ralenti, buttant sans cesse sur ces valeureux Gallois, habitués aux rudes combats des divisions inférieures anglaises. Ce n’est pas la première fois que cela se remarque lors de ces éliminatoires : notre génération dorée n’arrive ni à contourner les bus parqués devant le gardien adverse, ni à emballer et à mettre du rythme à une rencontre qu’ils dominent pourtant.

Et puis, il y a cette suffisance affichée par certains, tellement persuadés de leur supériorité qu’ils en oublient de courir. En entendant le discours de Chris Coleman, à l’issue de la rencontre, expliquant le caractère de ses troupes affamées par une volonté de toucher le graal, rarement aussi proche, on s’est cru transposé deux ans en arrière.  » Nous n’avons peut-être pas beaucoup de talent mais on est mû par cette foi de soulever des montagnes « , a lâché l’ancien entraîneur de Fulham. Cette volonté sans limites se trouvait bien au centre des discours de Marc Wilmots lors de la précédente campagne. Aujourd’hui, on peut se demander si cette foi n’a pas disparu du clan belge, ne demeurant que le talent d’une génération.

Comment mieux utiliser Hazard ou Lukaku ?

On peut toujours relativiser cette défaite en terre galloise en regardant un calendrier qui nous fait recevoir les deux prétendants les plus menaçants (Bosnie et Israël) et se déplacer à Chypre et Andorre. Mais au-delà des chiffres commence à pointer une certaine frustration en voyant la difficulté des Diables à vaincre une opposition certes courageuse mais bien peu terrifiante. Les Gallois n’ont eu que deux possibilités, se contentant de défendre dans leur propre moitié de terrain. Face à cela, les Diables ont manqué d’imagination, de rythme et d’accélération. Les cadors (Kevin De Bruyne, Eden Hazard ou Axel Witsel) n’ont jamais pris les choses en main. A chaque ballon touché par Hazard, on a senti un frisson parcourir le stade mais cela restait du domaine du frisson. Le meilleur joueur du championnat anglais n’arrive toujours pas à faire basculer une rencontre sous la vareuse des Diables Rouges. A Cardiff, Hazard (51) a fait moins de passes que De Bruyne (74) et Radja Nainggolan (79) !

La défense a semblé brouillonne, surtout dans le chef d’un Jan Vertonghen, symbole de cette suffisance, et de Nicolas Lombaerts, peu à son affaire. En attaque, trop esseulé, Christian Benteke a fait ce qu’il a pu sans vraiment réussir. Quant à Romelu Lukaku, il est terrifiant de voir qu’un tel colosse n’arrive pas à peser beaucoup plus lourdement sur des défenseurs sans références, ni à gagner plus de duels aériens. Au Pays de Galles, il n’a pas tiré une seule fois au but en 45 minutes.

A sa décharge, lui qui aime les espaces et la profondeur, il a été lancé dans une rencontre cadenassée. Néanmoins, son ambition et son évolution passent par une nécessité à s’adapter à ces défenses renforcées. Lui qui ne se voit pas passer toute sa vie à Everton et qui ambitionne de devenir l’attaquant de cette génération désormais habituée à la possession de balle, il doit bien se dire que les espaces vont de plus en plus se raréfier. La façon dont il va pouvoir appréhender cette donne conditionne clairement le tour qu’il va donner à sa carrière.

Dans ce marasme complet, Marc Wilmots aura malgré tout trouvé sa bouée de sauvetage dans les mots de son collègue, Chris Coleman, qui a dit  » que l’équipe belge n’était plus la même que celle qu’il avait rencontrée il y a trois ans. Elle avait évolué et utilisait désormais bien mieux la possession de balle « .

L’affaire Wilmots

Mais les questions ne s’arrêtent pas qu’au jeu. Le faux départ de Marc Wilmots va peut-être laisser des traces. Au sein de la fédération d’abord. Plus que jamais, elle a semblé acculée, pantin aux mains de son sélectionneur. Pendant 15 jours, l’Union Belge a subi ce feuilleton dans la posture du spectateur, n’osant effectuer aucune démarche officielle ou officieuse auprès du sélectionneur, de peur de commettre des maladresses débouchant sur une rupture de contrat en faveur de Wilmots. Même dans le dossier du successeur de Johan Walem, prérogative de Wilmots, l’Union Belge n’a pas voulu bouger.  » On avait bien trop peur de se retrouver sans sélectionneur et sans indemnités de départ « , résume un membre de la Commission technique. Philippe Collin, président de cette même commission avait bien été envoyé en éclaireur à Bordeaux mais n’avait pas réussi à amener la conversation sur ce terrain miné.  » Il ne valait mieux pas « , confirmait d’ailleurs Collin, quelques jours plus tard. Devant la femme de Wilmots, Katrien Lambeets, c’est tout l’Union Belge, fragilisé par la politique dispendieuse de Steven Martens, qui tremble.

En annonçant à Collin, quelques heures avant le début du match, qu’il restait, Wilmots lui a donc enlevé une fameuse épine hors du pied, l’Union Belge n’ayant pas assez d’argent dans les caisses pour attirer un nom. La veille encore, Collin n’y croyait pourtant plus vraiment.  » Franchement, s’il devait rester, il l’aurait déjà dit, non ? Il ne faut pas rêver… même si j’aimerais bien.  » Selon Wilmots, sa décision était prise depuis une semaine. Pourtant, ce n’est que dans les travées du Cardiff Stadium qu’il l’a communiquée à son patron ! Tout au long de ce feuilleton, on a donc senti que c’était Wilmots qui tirait toutes les ficelles. Wilmots a clairement hésité à partir. Si ses exigences avaient été acceptées, il serait actuellement dans la Ruhr. Comment vont réagir les joueurs de l’équipe nationale qui peuvent se demander s’ils ne sont pas un deuxième choix pour lui ?

Par contre, l’image du sélectionneur auprès de l’opinion publique ne risque pas d’être trop écornée. Même s’il a hésité à partir pour le club de son coeur, in fine, il reste. La trahison a donc été évitée. De justesse mais évitée quand même. Et aux yeux des supporters, cela suffit.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE, ENVOYÉ SPÉCIAL À CARDIFF

 » S’il devait rester, il l’aurait déjà dit, non ?  » Philippe Collin (la veille du match)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire