Un profil de coach national

Voilà un an qu’il dirige Liège, mais il ignore encore de quoi son avenir sera fait.

En février 2001, John Van Crombruggen avait succédé à Yvan Fassotte, malade.

« Liège avait connu un début très encourageant en D1, mais avait ensuite traversé une passe difficile. L’état de santé de mon prédécesseur a permis aux dirigeants de trouver une façon élégante de mettre fin à la collaboration »…

Le ton est donné. L’entraîneur louvaniste n’a pas l’habitude de manier la langue de bois. A 57 ans, le doyen des coaches de D1 n’a plus rien à prouver et ne se sent pas obligé de ménager la chèvre et le chou.

Aujourd’hui, après douze mois de travail, quel bilan dressez-vous?

John Van Crombruggen: Au départ, j’étais seulement là comme intérimaire. En fin de saison dernière, le président Jean Joly m’a fait comprendre qu’Yvan Fassotte ne reviendrait pas. Comme Liège avait terminé 7e -un très bon classement pour une première saison en D1-, il m’a proposé de prolonger. J’ai resigné pour deux ans. En faisant, simplement, insérer une clause stipulant que je serais libre de partir lorsque j’en ressentirais le besoin. Pour des raisons purement privées: ma mère, qui a 82 ans, est malade et je suis son seul fils.

Sportivement, je suis comblé. Liège est un bon club. Je ne pensais pas qu’un néo-promu pouvait être aussi bien organisé. Dès mon arrivée, je m’y suis senti chez moi. Le courant est directement passé avec le président Jean Joly. Je rends des comptes à lui seul. C’est ce qui me plaît. L’avis des autres m’importe peu. Le club a grandi de façon harmonieuse: l’aspect sportif s’est amélioré en même temps que l’aspect commercial et l’organisation. J’ai l’impression que Liège est déjà en D1 depuis dix ans. L’équipe est stabilisée. Parce que la deuxième saison parmi l’élite est souvent la plus difficile, j’avais fixé un objectif modeste: le maintien. J’espérais viser plus haut la saison prochaine. Mais on est largement en avance sur le programme.

Du fil à retordre aux Spirous

En décembre, vous auriez même occupé la tête du classement si vous aviez battu Charleroi.

En effet. Cette victoire n’aurait jamais pu nous échapper. C’est dommage, mais je suis fier que Liège ait été l’équipe qui a donné le plus de fil à retordre aux Spirous, cette saison. En janvier, nous avons connu une mauvaise période. Ou plutôt un mauvais week-end: nous avons été battus coup sur coup à Bree et à Pepinster. Si les gens ont fait la fine bouche parce que nous avons mordu la poussière à deux reprises en déplacement, cela veut dire beaucoup. Cela signifie que Liège est déjà considéré comme une valeur sûre de la D1. Pour ma part, je serai amplement satisfait si nous terminons parmi les six premiers, cette saison. Le président Jean Joly espère mieux. C’est un homme ambitieux, qui a souvent réalisé ses ambitions. Je ne suis pas d’une nature particulièrement optimiste, mais je suis certain que Liège pourra viser le top dès la saison prochaine. Quant à savoir si ce sera avec moi, j’en suis moins certain.

Pourquoi?

Je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Je dévoilerai ma décision définitive dans quelques semaines.

L’an passé, Liège vous avait un peu sorti des oubliettes…

C’est vrai qu’on m’avait perdu de vue en Belgique. Lorsque je suis arrivé à Liège, on était tout étonné de me voir. Certaines personnes se sont exclamées: -Tiens, tu coaches encore? La presse aussi m’avait oublié. Lorsque j’étais en Allemagne, je pouvais lire tous les lundis dans les journaux: -Jaumin: 3 minutes, 2 points, 1 assist.-Lauwers: 37 minutes, 5 points, 7 assists. Jamais je n’ai lu: -Braunschweig, entraîné par Van Crombruggen, a battu Leverkusen. En Belgique, je ne comprends pas toujours ce que les gens veulent. Je travaille du mieux que je peux et j’ai souvent obtenu de bons résultats. Que demander de plus? En Allemagne, j’étais davantage respecté. A Hagen, après une année de travail, le président m’avait offert un appartement tout neuf. J’ai aussi conservé d’excellentes relations avec Braunschweig. J’y suis d’ailleurs retourné durant la trêve de l’équipe nationale, pour disputer deux matches amicaux avec Liège.

Ils ont désormais une salle de 8.500 places, flambant neuve. J’avais encore un contrat de deux ans à Braunschweig, mais je suis revenu en Belgique pour les problèmes privés que j’ai évoqués. C’est l’unique raison. Outre-Rhin, on a du respect pour une carrière. Lorsque je compulse mon curriculum vitae, j’y recense tout de même quelques succès. En Belgique, certains se croient toujours plus malins que les autres. Pour certains je suis un empêcheur de tourner en rond, pour d’autres je suis simplement bon à travailler pendant deux mois. On estime que je suis trop vieux ou dépassé.

On me l’avait déjà dit lorsque j’étais à Louvain. Ou plutôt, je l’ai entendu dans mon dos, car ici on ne dit jamais les choses en face. Pourtant, s’il y a un entraîneur qui dispense encore des clinics et qui va s’informer partout, c’est bien moi. Je vais aussi assister à des conférences à Trévise. Mais je ne téléphone pas aux journalistes lorsque j’y vais. C’est peut-être mon tort. La saison dernière, en novembre, j’avais appris que Hasselt envisageait un changement de coach. Pour moi, l’idéal. J’habite à Louvain, j’aurais été là-bas en 20 minutes. Mais non: on a engagé Louis Casteels! C’est peut-être mieux ainsi. Ici à Liège, le président me laisse travailler, et dans ces conditions-là, j’ai souvent bien réussi. Je suis encore en train de le démontrer.

Donner confiance et rendre méchant

Et sur le plan des joueurs?

Nous avons engagé Herbert Baert, un international, qui était sixième homme à Ypres. J’ai beaucoup travaillé son mental. Il était trop gentil. Aujourd’hui, il s’impose. Il joue très bien à Liège et aussi en équipe nationale. Erik van der Sluis était libre sur le marché. Boro Vucevic a été engagé parce qu’il n’était pas cher. A 43 ans, il court toujours. Sauf actuellement: pour la première fois de sa carrière, il est blessé. Michael Huger m’avait causé un peu de soucis au début. Il avait du mal à digérer son éviction d’Ostende. Aujourd’hui, Casteels lui-même prétend qu’il évolue à un très bon niveau. Or, il le connaît beaucoup mieux que moi. Brian Heinle n’est pas un véritable pivot, mais à force de travail, il est en train de le devenir. Il capte énormément de rebonds.

Vous aviez tout de même envisagé son remplacement, puisque Ryan Moss était revenu, l’espace d’un mois…

Je n’avais pas demandé qu’il revienne. Il est revenu de son plein gré… pour revoir certaines de ses copines, je pense. Bruno Kurtzweg, qui le connaît très bien, m’avait suggéré de l’engager pour agir comme stimulant sur Brian Heinle. Cela a réussi: notre Américain a disputé son meilleur match à Anvers, lorsque Ryan Moss venait de débarquer. David Purnelle, c’est une autre histoire: Bruno Kurtzweg souffrait du dos, et comme j’avais été victime du même mal, je savais que la guérison pouvait prendre du temps. Elle fut plus rapide que prévu, et aujourd’hui, je dois reconnaître que David Purnelle est excédentaire dans l’effectif.

Voici dix jours, vous avez joué à Ostende. Un match spécial pour Michael Huger et Barry Mitchell?

Ces joueurs ne sont plus des jeunots, ils ont appris à faire fi des sentiments. La période ostendaise est déjà loin pour Barry Mitchell. Elle est sans doute plus fraîche dans la mémoire de Michael Huger. Ostende était un match de prestige, mais les matches les plus importants sont ceux contre Wevelgem, Louvain et Tournai. Ceux-là, il faut les gagner pour figurer dans le Top 6.

Votre équipe n’est plus toute jeune…

C’est une impression que l’on a en raison de la présence de Boro Vucevic, Barry Mitchell et Mark McSwain. Les autres joueurs ont 25, 26, 27, 28 ans. Ce n’est pas vieux. C’est vrai qu’il n’y a pas de jeune talent dans l’effectif, si l’on excepte Kevin Jonniaux, qui avait joué avec nous contre Paris en Coupe Korac et qui évolue désormais dans l’équipe de D4. Il a 17 ans, mesure 1m95 et a tout pour devenir un excellent distributeur. Malheureusement, là-bas en D4, il évolue à l’aile. J’ai déjà fait deux fois la remarque, je ne la ferai pas une troisième fois. Je ne veux pas m’immiscer dans la guerre des clans fléronnais. Il faut savoir ce que l’on veut.

Prêt à bosser

Votre adjoint, Vincent Kreusch, vient d’être promu assistant en équipe nationale…

Lorsque Yvan Slangen m’a téléphoné à ce sujet, j’ai directement accepté. C’est bien pour lui, c’est bien pour le club. Vincent Kreusch est compétent et il apprendra beaucoup en côtoyant ce niveau.

Tony Van den Bosch n’est pourtant pas votre meilleur ami…

Vous faites allusion au doigt d’honneur qu’il m’a adressé à l’issue du match à Anvers? Honnêtement, je ne l’ai pas vu. Beaucoup de personnes m’en ont parlé. Peu m’importe. Ceux qui se sentent bien avec Tony Van den Bosch peuvent travailler avec lui, ceux qui m’apprécient sont les bienvenus chez moi également.

Daniel Devos

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire