Un pays en noir, jaune, rouge

Il y a quatre ans, ce fut un moment magique : Nelson Mandela était apparu au Soccer City Stadion de Johannesburg, au moment de l’inauguration de la Coupe du Monde. Il avait déclenché les émotions et effacé, d’un coup, toutes les polémiques suscitées par l’organisation de pareil événement dans un pays ravagé par la misère. Oubliés aussi, les histoires de discrimination raciale, les déséquilibres socio-ethniques. Le sport est une fête, l’occasion de fraterniser. Sepp Blatter, le patron de la FIFA, aime ce genre de discours. Il était déjà de la même teneur quatre ans plus tôt, en Allemagne, quand on avait dit qu’enfin, le mur séparant l’Est de l’Ouest avait été détruit. Cet enthousiasme rarement vu durant une Coupe du Monde était dû à la température très estivale et au football-champagne de l’équipe nationale allemande mais de ça, il ne fut jamais question.

Jeudi, reste à voir quelle sera la température lors du coup d’envoi du Mondial à Sao Paulo. Combien des politiciens fustigés de critiques oseront-ils se montrer au stade ? Ces derniers mois, la grogne a éclipsé la fête du football. Le Mondial est devenu le symbole de la corruption et du gaspillage des deniers, la plate-forme des protestations et des démonstrations. Le Brésil a vécu l’approche du festin footballistique avec des sentiments mitigés.

Le Brésil semble être le favori de tous les sondages. Les artistes sud-américains sont sous pression mais ils la gèrent bien. Ils ont dû surmonter de nombreux obstacles dès l’aube de leur carrière. L’énorme concurrence chez les jeunes, les exigences des parents aux yeux desquels le football est une bouée de sauvetage, l’agressivité du public, la dureté du jeu, la colère des supporters en cas de défaite, tout cela donne des footballeurs très compétitifs, capables d’encaisser beaucoup de choses.

Ça a longtemps fait défaut aux Diables Rouges, qui effectuent leur retour sur la plus haute scène après une absence de douze ans. Jamais encore le pays ne s’était uni aussi massivement derrière son équipe nationale. Samedi dernier, quand le match contre la Tunisie a été interrompu par une énorme averse de grêle et qu’on a longtemps attendu avant de savoir s’il était possible de continuer à jouer, on n’a pas entendu un seul concert de sifflements. Il n’y en a eu qu’une fois, quand l’image de Georges Leekens s’est affichée sur le marquoir. Comment s’est-il senti samedi ? Il faut être fort mentalement pour dissimuler ses sentiments derrière une gaieté de façade. Sans ciller, Leekens a déclaré remercier le public pour son accueil.

Jamais les sentiments de patriotisme n’ont été aussi forts. Tout le pays est décoré de noir, jaune et rouge. Même si le match contre la Tunisie a été terne, la joie était au rendez-vous. Face aux Africains, rudes en défense, les Diables Rouges n’ont bénéficié d’aucun espace. Marc Wilmots a effectué quelques adaptations mais sans qu’on trouve trace d’un réel concept.

Ces matches de préparation constituent rarement un baromètre. Pour les Diables Rouges, le Mondial commence le 17 juin contre l’Algérie, un match qui donnera le ton. L’équipe semble prête, physiquement et mentalement. C’est déjà beaucoup après une lourde saison. Ici et là, des vedettes déclarent forfait. La surcharge est telle que les joueurs sont très sensibles aux blessures. Le monde médical a déjà lancé maints avertissements. C’est impossible à éviter, même avec la spécialisation accrue des staffs techniques et des programmes d’entraînements adaptés. Les clubs, qui pensent en termes commerciaux, surchargent leurs joueurs. C’est l’éternel combat entre l’économie et la médecine. ?

PAR JACQUES SYS

La Coupe du Monde suscite des sentiments mitigés.

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