Un pacte avec le diable

Portrait du nouveau propriétaire de Courtrai, un milliardaire malaisien pour le moins excentrique…

Aujourd’hui, celui qui fait le plus parler de lui s’appelle Vincent Tan Chee Yioun, un Malaisien de 61 ans. Les Britanniques l’ont rebaptisé MrChow, allusion au truand de Very Bad Trip. Il faut dire que la ressemblance est frappante. Surtout lorsqu’il pénètre dans le stade de Cardiff avec ses gants de cuir noirs, ses lunettes à verre teintés, son pantalon au-dessus du nombril et son maillot rouge de Cardiff City. A voir absolument ! N’empêche que le type a dirigé Cardiff en Premier League durant une saison et qu’il vient de racheter Courtrai.

L’empire de Vincent Tan s’étend de l’alimentation à la téléphonie mobile. Il y a deux ans encore, il dirigeait lui-même Berjaya Group, un conglomérat d’entreprises employant au total 16.000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires de six milliards d’euros. Aujourd’hui, il a cédé la gestion à son fils et veut s’amuser un peu. Il vit dans son monde, entouré de ses jets privés, de ses yachts et des pop stars qu’il invite à donner des concerts privés chez lui.

Il a gagné ses premiers millions en ouvrant le premier McDonald’s de Malaisie. Plus tard, c’est encore lui qui a introduit Starbucks et 7-Eleven en Extrême-Orient. Dans les années 80, il a racheté la Loterie Nationale. Légalement ? Personne ne le sait ! En tout cas, ça l’a fameusement enrichi et, il y a quatre ans, il a fait son apparition sur la liste des plus grandes fortunes mondiales établie par Forbes. En 2010, sa fortune était estimée à 1,3 milliards de dollars. Il figure dans le Top 10 des richesses en Malaisie.

De Bluebirds à Red Drakes

A l’étranger, on ne le connaissait pas mais, depuis qu’il est devenu actionnaire majoritaire de Cardiff City en 2010, il est cité parmi les puissants de ce monde, au même titre que Roman Abramovich et Mansour bin Zayed. C’est d’ailleurs sans doute pour cela qu’il l’a fait car il n’a rien d’un visionnaire du football. Cardiff City, c’est son jouet. Mais il a oublié que, pour de nombreux Gallois, c’est une passion qui se transmet de père en fils. Et que ces gens-là sont fidèles à la tradition.

Depuis 1899, Cardiff a toujours joué en bleu, avec un oiseau pour logo. C’est pour cela qu’on surnomme ses joueurs The Bluebirds. Mais Tan n’aime pas le bleu. En Malaisie, c’est la couleur du deuil et de la misère. Lui, il veut du rouge, la couleur du succès et de la prospérité. Alors il change. Et il transforme l’oiseau en dragon. Du coup, Cardiff City ressemble à Wrexham, ce qui fait bien rigoler les fans de Swansea City.

S’il ne tenait qu’à lui, Vincent Tan rebaptiserait aussi Cardiff City en Cardiff Dragons. Parce que ça sonne mieux sur le marché asiatique. Voilà ce qui arrive lorsqu’on laisse le foot aux mains de personnages excentriques. D’ailleurs, à Cardiff, il y a déjà eu une équipe qui s’appelle Cardiff Dragon. Elle est constituée d’homosexuels. Voilà un scénario pour Very Bad Trip 4

Un gardien, ça ne marque pas de but

Bien sûr, les supporters se sont révoltés. Certains ont déchiré leur abonnement et ne mettront plus un pied au stade tant que Tan sera là. Mais beaucoup se taisent parce que Tan a injecté beaucoup d’argent dans le club. Ils acceptent un pacte avec le diable. Et puis, à Cardiff City, ils ont l’habitude des présidents un peu cinglés. Le précédent, Sam Hammam, un Libanais, faisait manger des testicules de mouton aux joueurs avant de leur proposer un contrat.

Avec Tan aussi, les anecdotes s’accumulent. Un jour, après un match, il est descendu au vestiaire tout énervé parce qu’il avait remarqué que son équipe ne tirait pas suffisamment de loin.  » Essayez encore et encore ! Si vous tirez dix fois, vous marquerez au moins un but « , dit-il aux joueurs qui n’en croyaient pas leurs oreilles.

Il avait aussi remarqué que David Marshall n’avait pas encore inscrit un seul goal depuis son arrivée en 2009. Alors, il voulait rompre son contrat. Il a fallu lui expliquer qu’un gardien est avant tout là pour arrêter le ballon.

Vous en voulez encore ? En octobre 2013, Tan s’est séparé d’Iain Moody, son directeur sportif. Il n’était pas content des transferts qu’il avait effectués avec une enveloppe de 40 millions d’euros et l’a remplacé par Alisher Apsalyamov, un Kazakh de 23 ans que personne ne connaissait. Et pour cause, c’était un ami de son fils qui n’avait jamais entendu parler de football et qui, quelques mois plus tôt, repeignait le stade. Peu avant Noël, Apsalymov était prié de quitter le Royaume-Uni suite à un problème de visa.

8 porte-bonheur

Personne ne s’étonne que le club n’engage désormais que des joueurs portant un 8 dans leur date de naissance : c’est le chiffre porte-bonheur de Tan. Magnus Wolff Eikrem (Heerenveen) a même eu droit à faire le voyage des Pays-Bas au Pays de Galles en jet privé : il est né le 8 août, soit le 8/8. Il ne pouvait donc que réussir.

En Malaisie, pourtant, Vincent Tan est un dieu. Les gens font la courbette devant lui. Sur YouTube, on voit son personnel chanter pour lui à l’occasion de son 60e anniversaire. C’est de l’hystérie. Ça ressemble à de la comédie mais c’est malheureusement bien vrai.?

PAR SÜLEYMAN ÖZTÜRK – PHOTOS : BELGAIMAGE

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