Un Open très ouvert

Cela fait des années que les Internationaux des Etats-Unis, qui commencent lundi, avaient été aussi indécis. Tant en femmes qu’en hommes.

Vu des Etats-Unis et même de toutes les Amériques, l’US Open est le plus grand tournoi du monde. Les amateurs de tennis américains ne disent d’ailleurs pas The US Open mais The Open, tout simplement. Comme s’il n’y en avait qu’un. Notez que les Anglais ne pratiquent pas autrement, eux qui préfèrent le vocable The Championships à celui de Wimbledon. Ils estiment eux aussi qu’il n’y a qu’un seul championnat : le leur.

Reste que l’US Open est sans doute bel et bien le plus grand de tous. Pas du point de vue sportif puisque les quatre Grand Chelems sont aujourd’hui du même tonneau, surtout depuis que l’ Australian n’est plus snobé par les meilleurs. Mais bien au niveau de la grandeur du stade et, surtout, du prize money. Cette année, un nouveau record de gains est au menu des lauréats des tableaux finals puisqu’ils empocheront chacun un chèque de 1,4 million de dollars… auquel pourrait s’ajouter un bonus d’un million de dollars… Autrement dit, un chèque de 2,4 millions de dollars est au bout du chemin de Flushing Meadows. Mais justement, quels pourraient être ces lauréats 2007 ?

A vrai dire, il y a longtemps que la brume n’avait été aussi opaque au-dessus de l’ USTA Billie Jean King National Tennis Center (autrement dit : le Centre tennistique national et fédéral Billie Jean King). Si opaque que l’on n’aperçoit plus le Shea Stadium, domicile de l’équipe de baseball des Mets (rivaux des Yankees, bien meilleurs et situés dans le Bronx). Si opaque, aussi, que bien malin serait celui qui oserait se risquer à un pronostic. Surtout chez les dames mais en messieurs aussi.

Petite revue des effectifs à quelques jours de la compétition.

Henin ou les Williams ?

Personne, on imagine, ne nous en voudra de commencer par le tableau féminin. A première vue, on ne voit que cinq prétendantes à la couronne portée depuis douze mois par Maria Sharapova (RUS, WTA 2). Il s’agit de la tenante du titre, des deux s£urs Williams, d’ Ana Ivanovic (SRB, WTA 4) et d’une certaine Justine Henin.

A la question (idiote) de savoir si elle pouvait triompher à New York, la numéro 1 mondiale a répondu (intelligemment) lors du tournoi de Toronto :  » Ben, si j’ai gagné l’US Open en 2003, c’est que je dois être capable de le gagner encore une fois, non ? » Et d’ajouter :  » Oui, j’ai de bonnes chances de remporter un deuxième titre, mon jeu s’adapte bien à la surface et je me sens en confiance depuis que j’ai repris le tennis en février dernier « .

Justine aurait aussi pu ajouter que, pas plus tard que l’an dernier, elle s’est hissée en finale où elle avait dû baisser pavillon face à Sharapova sur un double 6-4. Donc, oui, Henin dispose des armes nécessaires pour soulever une deuxième fois le trophée. Reste à savoir quelles seront ses réelles rivales. Et c’est là que se lève le brouillard tant on sait peu de chose sur la forme du moment des meilleures joueuses.

Une chose est cependant certaine : Amélie Mauresmo (FRA, WTA 7) n’en sera pas. La Française a déclaré forfait une semaine avant le début des hostilités :  » Mon médecin m’a recommandé de m’accorder davantage de temps pour me remettre de l’appendicectomie subie en mars dernier. A l’évidence, c’est pour moi l’un des pires moments de l’année pour être blessée « . Ajoutons tout de suite que si cette absence est regrettable pour l’ex-numéro 1 mondiale, elle ne change pas grand-chose à la donne puisque Mauresmo n’aurait pas constitué une rivale réelle pour les favorites de l’épreuve tant son jeu n’a jamais atteint un niveau valable cette saison.

Outre Henin, il y aurait donc Sharapova. Tenante du titre, la belle Russe ne s’est pas souvent montrée à son avantage cette année mais a tout de même retrouvé quelques couleurs à San Diego au milieu de l’été. Hélas, pour elle, elle a ensuite dû déclarer forfait avant la demi-finale de Los Angeles et faire l’impasse sur Toronto tant elle se sentait vidée. Reste que Sharapova est une battante et qu’on peut récupérer une énergie folle en revenant sur les terres (et en l’occurrence sur le ciment) de ses triomphes.

Quant à la troisième joueuse mondiale, Ivanovic, chacun sait qu’elle a tous les atouts en main pour un jour gagner un majeur. Son succès récent à Los Angeles démontre en outre son efficacité sur ciment. Il lui faudra cependant gérer ses nerfs et mieux apprécier les moments importants…

Ce que parviennent à faire remarquablement les deux réelles rivales de Justine : Serena (USA, WTA 8) et Venus (USA, WTA 13). Sacrées s£urs que ces deux-là. Lors du réveillon de fin d’année 2006, il n’était pas une seule conversation, dans aucun club house, qui ne tournait autour du come-back au plus haut niveau de ces deux légendes du tennis. Ni Venus, concentrée sur ses robes, ni Serena, convaincue de son talent d’actrice, ne donnaient l’impression de pouvoir une fois encore s’imposer dans un tournoi important. Pour la plupart des observateurs, les Williams étaient plus proches de la retraite définitive que d’une nouvelle victoire probante. C’est dire que le retour en fanfare de la cadette lors de l’ Australian Open en laissa pantois plus d’un. Et plus d’une, aussi, parmi lesquelles il faut bien ranger Henin, battue en finale, non pas à Melbourne puisqu’elle n’y était pas, mais à Miami.

Quelques mois plus tard, la même Justine prenait une nouvelle revanche en quarts de finale de Wimbledon et semblait promise à un doublé magique Roland Garros/Wimbledon. Marion Bartoli (FRA, WTA 11) l’en empêcha mais ne s’imposa pas pour autant sur le gazon londonien. Elle trouva en Venus Williams une joueuse trop inspirée et trop habituée à des matches de ce niveau. En deux Grand Chelem, les filles de Richard avaient démontré qu’elles possédaient un c£ur de lion. Et que le tennis féminin permettait des retours au premier plan qui semblent impossible – sauf pour AndreAgassi – du côté des hommes.

Devant leur public, tant Serena que Venus seront plus motivées encore qu’en Australie et en Angleterre. Et, comme à la veille de ces deux grands rendez-vous précédents, on ne sait rien de leur forme du moment. Ce qui n’a aucune importance puisque les s£urs ne s’intéressent plus au tennis proprement dit mais bien aux émotions que seules les levées du Grand Chelem et les Jeux Olympiques génèrent. Nul doute, dès lors, qu’elles seront dangereuses, tant pour Henin que pour les 125 autres joueuses du tableau.

Si, en dehors de nos cinq favorites, on devait désigner un outsider, on pointerait peut-être le doigt vers Anna Chakvetadze (RUS, WTA 6). La Russe a réussi le doublé Cincinnati/Stanford, démontrant que sa présence dans le Top 10 n’est pas usurpée même si le grand public la confond souvent avec ses collègues russes. On miserait aussi un cent sur Jelena Jankovic (SER, WTA 3), mais plus par sécurité que par conviction.

Pour le reste, franchement, on ne voit personne, et surtout pas les deux autres anciennes lauréates que sont Martina Hingis (SUI, WTA 12) et Svetlana Kuznetsova (RUS, WTA 5). La première a certes récupéré un tennis de bon niveau mais pas suffisant pour encore s’imposer en Grand Chelem. La deuxième manque quant à elle de rigueur et de mental pour espérer briller cette année encore.

Quant aux espoirs que pourraient caresser les Bartoli, Shahar Peer (ISR, WTA 18), Na Li (CHI, WTA 20) et autres révélations de la saison, on nous permettra de les balayer d’un revers de la main. Celles-là, pour talentueuses qu’elles peuvent être, sont encore bien loin d’un titre majeur.

Et chez les messieurs ?

S’il y aura bien six anciennes lauréates du tournoi dans le tableau féminin, ils ne seront que quatre dans le masculin : Marat Safin (RUS, ATP 24), Lleyton Hewitt (AUS, ATP 20), Andy Roddick (USA, ATP 4) et Roger Federer (SUI, ATP 1).

Supprimons tout de suite les deux premiers de la liste des potentiels vainqueurs. Safin joue si mal depuis quelques semaines qu’il a cru nécessaire de préciser, il y a peu, qu’il ne songeait pas au suicide… L’Australien est capable de battre encore beaucoup de monde mais sans doute pas de répéter ses performances trois ou quatre fois de suite, ce qui serait nécessaire pour triompher à Flushing. Il reste donc Roddick et Federer. Auxquels on ajoutera Rafaël Nadal (ESP ATP 2) et Novak Djokovic (SER, ATP 3) pour obtenir le carré d’as.

Federer sera-il l’as des as ? A vrai dire, on aurait tendance, sans trop réfléchir, à répondre par l’affirmative. Mais, en y regardant de plus près, en analysant les résultats récents, on est contraint de mettre un léger bémol à l’optimisme helvète. Federer : est bel et bien le principal favori à sa succession mais quelques éléments font penser que la route du quatrième titre consécutif sera parsemée d’embûches.

Quels sont ces éléments ? La forme de Djokovic, la volonté de Nadal et la dynamite présente dans le bras de Roddick.

Djokovic est ainsi le seul joueur depuis l’Allemand Boris Becker à avoir réussi à battre les trois premières têtes de série d’un tournoi. Le Serbe a réalisé cet exploit il y a une petite quinzaine de jours à Montréal où il a pris, de rang, la mesure de Roddick, Nadal et Federer ! Certes, il a été battu d’entrée la semaine suivante à Cincinnati par un redoutable Carlos Moya (ESP, ATP 19) mais, avec sa désinvolture, son service impressionnant, sa confiance en lui, il est capable de rééditer son exploit à Big Apple. A condition, bien sûr, de ne pas péter un plomb, ce qu’il a déjà fait à quelques reprises au point qu’il n’a jamais donné l’impression que le tennis constitue pour lui un véritable métier.

Roddick a lui aussi été battu rapidement au très richement doté tournoi de Cincinnati mais l’Américain n’est jamais aussi fort que sur ses terres. L’an dernier, il s’est d’ailleurs une nouvelle fois hissé en finale de son Open où il tint bon deux sets durant face à Federer. Il faudra se méfier de lui même s’il est encore très inconstant (il devrait d’ailleurs le rester tout au long de sa carrière).

Reste Nadal. Brillantissime sur terre battue, l’Espagnol l’a encore été sur le gazon de Wimbledon. Demi-finaliste à Montréal, il a été contraint à l’abandon à Cincinnati en raison d’une blessure au bras gauche… ce qui, pour un gaucher, est nettement plus gênant que pour un droitier…

Voilà qui nous incite, comme chez les dames, à être prudent. Car si Henin et Federer sont les favoris logiques de leur tableau respectif, les références des meilleurs mondiaux et des meilleures mondiales sont trop floues pour oser un pronostic définitif.

par patrick haumont – photos: reporters

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