Un monde d’euphorie

Les commentaires suivant la défaite 0-2 des Diables Rouges contre la Colombie étaient unanimes : ce revers ne constituait pas un drame, les Belges s’étaient créé beaucoup d’occasions, ils avaient bien joué et cette défaite était riche en leçons. C’est une question de perception. Il y a un an, le ton aurait été radicalement différent mais, pour l’heure, l’euphorie règne en maîtresse dès qu’on parle de l’équipe nationale. La qualification pour le Mondial est fêtée comme une libération, on utilise les Diables Rouges comme un produit national, un lien dans un pays divisé. Une stratégie commerciale parfaite a été mise en place.

Les matches sont souvent des instantanés et, indépendamment de l’amical contre le Japon d’hier, cette atmosphère ne va pas changer dans les mois à venir. En toutes circonstances, Marc Wilmots tente de conserver les pieds sur terre mais après le match contre la Colombie, il a parlé d’une première mi-temps quasi parfaite sur le plan de l’organisation, rappelant les occasions ratées, même si concrétiser constitue une part essentielle du football.

Pendant des années, les Diables Rouges ont été exposés à des problèmes dès que le rythme s’intensifiait. L’exode des internationaux a réglé ce problème. Les joueurs ont repoussé leurs limites en découvrant un autre monde. Cela reste le pilier de cette campagne admirable, bien dirigée par un entraîneur qui a su rassembler les égos par un mélange de souplesse et de sévérité pour les muer en un ensemble soudé.

La concurrence accrue et la rotation pratiquée dans les championnats étrangers ont incité certains entraîneurs à changer de normes. Cinq des joueurs titularisés contre la Colombie ne jouent pas régulièrement dans leur équipe de club. À terme, cela peut poser un problème. L’équipe a manqué de rythme contre la Colombie dès que celle-ci a haussé le tempo, en seconde mi-temps. Cela a – brièvement – rappelé le passé.

Avec la tenace blessure de Vincent Kompany, le temps de jeu des internationaux dans leurs clubs étrangers va être le principal souci de Marc Wilmots les prochains mois. Il peut organiser des entraînements et des matches de préparation mais il est impuissant quant à la condition physique de ses hommes, ce qui doit être frustrant. La situation de Kevin De Bruyne, si décisif durant la campagne de qualification, est particulièrement préoccupante. L’attaquant, actuellement boudé par Chelsea, a tout intérêt à changer de club en janvier mais là non plus, Wilmots n’a rien à dire.

Ce n’est pas le seul aspect qui doit tempérer les espoirs irréalistes placés dans les Diables Rouges. Les mois qui précèdent le Mondial ne seront qu’une pâle décoction de ce qui les attend au Brésil, sur la plus grande scène qui soit. Il n’y a pas que les grandes nations comme l’Espagne et l’Allemagne, qui sont la symbiose parfaite de la puissance, de l’abattage, de l’explosivité et de la subtilité.

Il y a aussi les nations sud-américaines, qui bénéficient d’un avantage incontestable, et nous ne pensons pas seulement au Brésil et à l’Argentine. Ce n’est pas un hasard si le Chili a remporté son match amical en Angleterre. Quant à la Colombie, qui ne dépend pas du seul Falcao, elle possède un énorme bagage, elle relance bien de l’arrière et elle a fait étalage de sa classe au stade Roi Baudouin.

On ignore pendant combien de temps ce stade accueillera encore les Diables Rouges. Si la Belgique veut faire partie des treize élues qui pourront organiser l’EURO 2020, elle devra présenter des plans concrets en septembre. Le délai semble impossible à honorer dans un pays où les projets de stade, à l’exception de Gand, s’enlisent dans les divisions politiques.

Il y a des maquettes partout, surtout à Bruges. En janvier, il y aura sept ans que le Club aura dévoilé des projets de nouveau stade. Après moult débats, polémiques et rejets de sites, l’idée serait d’ériger deux nouveaux stades sur un terrain qui avait été rejeté mais dont l’accessibilité va changer. Cependant, tout le monde peut encore tout bloquer ou du moins tout ralentir. Et alors, on en revient à l’indécision la plus totale.?

PAR JACQUES SYS

Marc Wilmots n’a pas tout en mains.

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