© BELGAIMAGE

Un mec bien

 » Et papa, comment ça va  » ? Voici la question que j’ai le plus entendue depuis 20 ans. Jeunes, moins jeunes, en français, en flamand tout le monde voulait savoir. Cette question était toujours posée avec bienveillance. Avec cette envie d’entendre comme réponse :  » Il va très bien.  »

Inconsciemment très longtemps, très consciemment depuis quelque temps, cette question faisait du bien à l’âme. Celle d’un fils qui se rendait compte à quel point la personne qui m’avait fait le plaisir de contribuer à mon petit voyage sur terre était appréciée. Voire aimée. Une sorte d’unanimité qui générait une forme de fierté.

Bob ‘the coach’, c’était ça. Un mec qui ne calculait pas mais pour qui l’addition était souvent positive. Des soustractions en forme de clash, souvent avec des journalistes, il y en a eu. Mais même les plus rancuniers finissaient par reconnaître qu’au moins, avec lui, on savait ce qu’il pensait.

Beaucoup de ceux qui sont devenus mes collègues avouaient qu’ils se réjouissaient de leur rencontre avec lui. Et pas seulement pour les gaufres que ma sublime maman leur préparait. Ça volait haut et, que le verbe soit énervé ou posé, il en ressortait souvent quelque chose de plus.

Une sorte de sincérité teintée d’humanité. Une sorte de temps passé, que le foot actuel a broyé de son plus bel opportunisme. Bob ne prêtait jamais. Il donnait. Ses sentiments, son amitié, son animosité et parfois son argent. Une générosité naturelle. Et, question d’argent, il n’avait aucune idée du poison que cela pouvait être. Pour lui, c’était un antidote. C’était le bien que cela pouvait faire aux autres.

Et les autres le ressentaient. Plusieurs fois, des gens qu’il ne connaissait pas lui ont demandé d’être parrain de leur enfant ou encore de payer leurs études. Ça le touchait. Et surtout l’embêtait. Parce qu’il avait envie d’aider. Sauf que des enfants, il en avait lui aussi.

De l’argent, il aurait pu en gagner beaucoup plus. Des propositions mirobolantes, il en a refusé beaucoup. Sauf que lui, la richesse et les palmarès, c’est dans les yeux et dans le coeur des gens qu’il voulait se les forger.

Je me souviens d’un soir des années 70, il rentre de Winterslag, petit club limbourgeois qu’il entraînait. Une équipe composée, entre autres, d’hommes qui passaient leur journée au fond de la mine et qui s’entraînaient le soir.

Avec lui, ils sont passés de la D3 à la D1 avant de se qualifier pour la coupe UEFA. Si, si. Eh bien, ce soir-là, ma mère lui dit :  » Y a un monsieur Vandenstruk je sais plus trop, qui a téléphoné. Il va rappeler.  »

Il a rappelé. Mon père a décroché :  » Ah, bonsoir Monsieur Vanden Stock…bla bla bla pour finir par conclure : « Je suis désolé mais je viens de donner ma parole au président de Winterslag pour les deux prochaines saisons. » Fin de la discussion.

Eh oui, une parole donnée dans la buvette d’un petit club limbourgeois valait plus que le prestige et l’honneur que lui faisait Constant Vanden Stock. L’argent mais aussi le prestige et le palmarès qui allait suivre n’avaient aucun poids par rapport à la parole donnée.

Des paroles, j’en ai entendu beaucoup depuis une semaine. Des sanglots aussi. Venus du monde entier. Des anciens joueurs des années 70, 80, 90 qui, sans traduction nécessaire, voulaient dire beaucoup. Sur l’homme et le coach.

La relation avec ses joueurs était toujours une relation d’hommes. De père à fils. Dure mais juste. Ne jamais tricher. Certains venaient même lui demander conseil pour leurs problèmes de couple. Il en a sauvé deux. Actuellement toujours très heureux ensemble. C’est pas deux beaux trophées, ça !

Le nombre de joueurs passés sous ses ordres devenus plus tard entraîneurs est impressionnant. Cela veut dire beaucoup. Donner la vocation, quelle belle transmission. Tout comme construire.

Les aventures humaines et sportives connues à Winterslag, au RFC Liège, à Charleroi ou encore au Brussels, c’est-à-dire des clubs en quête de respectabilité sportive, de jours meilleurs avec des moyens plus que limités, étaient sa fierté. Relever ce genre de défi valait tous les trophées du monde.

La vraie valeur n’est pas celle que l’on donne mais celle que les autres vous donnent. Bob s’en est allé apaisé et heureux du respect et de l’amour que ceux qui l’ont croisé lui ont donné. Et ça ne fait que commencer. Dans le bonheur et la joie.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire