UN MAURITO BIEN FRAIS

Mauro aime tout ce qui brille. Il aime aussi beaucoup faire parler de lui. Orgueilleux dans l’âme, provocateur dans la peau, il a tout pour être insupportable. Mais il marque. Tout le temps. Lui, c’est Icardi.

En le croisant au hasard d’une promenade dominicale, une vieille dame se méfiera toujours d’un ado dont les bras débordent de tatouages et le regard d’égocentrisme. Un préjugé ? Sur le terrain, la Vieille Dame la plus célèbre d’Italie a raison d’être inquiète. Parce que Mauro Icardi a fait de la Juventus sa victime préférée.

Entre la Samp’ et l’Inter, l’Argentin a joué cinq matches contre les Bianconeri. Et il a marqué six fois. Des buts horribles, évidemment. Parce que Maurito n’est pas vraiment un esthète.  » Je ne rêve pas d’acrobaties ou de talonnades. Mon rêve, c’est de mettre des buts.  » Et Icardi vit son rêve à fond.

UN ADO TURBULENT À LA MASIA

L’aventure commence de l’autre côté de l’Atlantique. En Argentine et en pointe. Nulle part ailleurs.  » Un jour, on gagnait un match si facilement que l’entraîneur m’a mis en défense, vu que j’étais grand et rapide « , raconte le matador argentin à la Gazzetta.  » J’y suis resté une seconde. Puis je suis retourné devant.  » Un amour magnétique pour le but adverse qui lui vaut un aller simple pour Barcelone. La Masia, qui laisse toujours traîner un oeil du côté de Rosario, offre à Mauro une éducation footballistique à la catalane.

Évidemment, le mariage se passe mal. Comment intégrer dans le moule blaugrana un garçon turbulent qui improvise un barbecue à côté du terrain d’entraînement pour cuire un pigeon ? Comment éduquer au tiki-taka un homme de surface qui se contente de moins de vingt passes par match ?

Quand Barcelone a l’habitude d’éduquer ses promesses en leur faisant étudier le jeu de celui qui occupe leur poste sur la pelouse du Camp Nou, Icardi passe les rencontres dans sa chambre à regarder des films. Mauro s’achète un Hummer couleur or avant même de devenir professionnel, et quitte la Catalogne à dix-huit ans pour devenir adulte en Italie.

GOSSIP BOY

Maurito enfile le maillot de la Sampdoria, fait la connaissance de Maxi Lopez… et surtout de sa femme. Pris sous l’aile de son compatriote, Icardi passe beaucoup de temps à la Casa Lopez. Plus de temps que Maxi lui-même. Le gamin turbulent de Rosario coupe l’herbe sous le pied de son coéquipier et s’installe avec la sulfureuse Wanda. Insolent, Mauro va même jusqu’à se tatouer le nom des trois enfants de Maxi. Son explication pour ce que l’Argentin peroxydé vit comme un immense affront ?  » Ses enfants m’appellent papa. « 

Et sur le terrain ? Icardi marque dix fois, dont deux buts pour abattre la Juve et un incroyable quadruplé face à Pescara. Suffisant pour que l’Inter lâche une douzaine de millions pour s’offrir un successeur aux genoux fragiles de Diego Milito, vieillis par des années de crochets meurtriers. Rarement titulaire, souvent décisif, Maurito trouve le temps de marquer neuf fois dans des bribes de rencontres. Entre les selfies au lit avec Wanda et les tours au volant de sa Lamborghini blanche, l’Argentin n’a le temps de toucher qu’une dizaine de ballons par match. Heureusement pour lui, il avance un autre chiffre fou : il marque toutes les 22,3 touches de balle. Qui fait mieux en Europe ? Personne.

LE BUTEUR BRUYANT

Ce sont les premiers symptômes d’Icardi le prédateur. Un homme qui enchaîne les buts à partir du néant, dans une équipe qui ne sait pas à quoi elle joue. Un faux rebond dans la surface ou un tir contré par le dos d’un défenseur adverse peut lui servir de passe décisive. Parce que dans les seize mètres, l’Argentin ne s’embarrasse pas de questions stylistiques. Tout autre geste que le tir est superflu. La deuxième touche de balle est toujours celle de trop. De tous ses buts inscrits sous le maillot nerazzurro, plus de 90 % ont été marqués en moins de trois touches.

Marié à Wanda, père d’une petite Francesca, Mauro semble enfin se concentrer sur le terrain. Sans devenir un amoureux du Calcio :  » Le football est un sport qui me divertit, mais je joue et basta. Je ne vais jamais voir un match.  » Ce sont plutôt les autres qui viennent voir les siens. Parce que Maurito fait le show. Sifflé par tout le stade de la Samp’ pour ses démêlés avec Maxi Lopez, il va tendre l’oreille sous la curva après un but. Ébloui par les lasers au moment de botter un penalty décisif dans un San Paolo bouillant, il répond avec une panenka. Et quand Diego Maradona en personne s’indigne de sa présence à un match de charité pour le pape François, Icardi oublie les égards pour celui que toute l’Argentine vénère comme une divinité :  » L’avis de Maradona, je n’en ai rien à faire.  »

Mauro Icardi fait beaucoup de bruit. Au pays des tueurs silencieux magnifiés par l’invisibilité légendaire de Pippo Inzaghi, le bomber de l’Inter préfère la fantaisie de Gabriel Batistuta aux exécutions feutrées de Diego Milito. L’Argentin est un buteur bling-bling, aussi bruyant et brillant que les bolides de son garage. Un homme qui ne se cache jamais, mais qui parvient quand même à surprendre les défenseurs.

BUTEUR ET CAPITAINE

La saison 2014-2015 est celle de la confirmation. 22 buts pour un titre de meilleur buteur du championnat soufflé on the buzzer au légendaire Luca Toni. Pour succéder à Hernan Crespo, Gabriel Batistuta et Diego Maradona, les derniers Capocannonieri argentins, Mauro a carburé aux chiffres ahurissants : un but toutes les 131 minutes pour celui qui marque une fois tous les cinq tirs.

Hors du rectangle, par contre, Icardi ne fait presque rien. 675 passes sur l’ensemble de la saison, contre 121 tirs. Même pas 19 passes par match. Sur ses 22 buts, vingt ont été marqués depuis l’intérieur de ce rectangle dont il a fait son domaine. Ici, c’est chez lui.

Cette saison, Roberto Mancini a décoré son goleador avec un brassard autour du biceps. L’héritage de Javier Zanetti était trop lourd pour les épaules fragiles de Ranocchia, mais il va à merveille au bras de celui qui vit désormais dans une maison avec vue sur le stade Giuseppe Meazza. Et tant pis si l’idole des tifosi est encore plus visible avec ce bout de tissu jaune fluo autour de son bras. Plus on le voit, mieux c’est. Dans le rectangle, c’est lui qui fait la circulation.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

L’Argentin est un buteur bling-bling, aussi bruyant et brillant que les bolides de son garage.

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