Un mariage de raison et beaucoup d’enterrements

Mercredi dernier a mis fin au suspense entourant la destination de Pelé Mboyo. Retour sur le feuilleton de l’été made in Belgium.

Ça s’est joué à quelques centimètres. A un ballon qui rebondit du mauvais côté de la ligne. On jouait alors la 73e minute, Pelé Mboyo venait d’effectuer sous les vivats du public ses premières foulées pour son nouveau club trois minutes plus tôt. Seulement voilà, sa reprise de volée touchait de plein fouet la barre d’un Eiji Kawashima impérial dimanche soir lors du choc de la troisième journée entre Genk et le Standard. Le Racing était incapable de débloquer le marquoir et allait même encaisser un deuxième but dans les derniers instants.  » Petit Pelé  » n’aura donc pas connu des débuts rêvés pour sa première dans sa nouvelle demeure. Une semaine plus tôt, pour la visite de Malines, il avait inscrit un but historique, le premier des Buffalos en compétition officielle dans la nouvelle enceinte gantoise, la futuriste Ghelamco Arena, mais aussi le dernier de ses 37 buts en championnat sous le maillot gantois. Ce jour-là, le directeur général de Genk, Dirk Degraen, et le directeur technique, Gunther Jacob, font le déplacement afin d’évaluer une dernière fois leur futur achat mais surtout discuter business avec la direction flandrienne. Le plan est toutefois chamboulé. Quelques minutes avant le début du match, la petite amie du joueur est heurtée de plein fouet par une voiture alors qu’elle traversait la rue. Pelé apprend la nouvelle quelques instants après le coup de sifflet final et file la rejoindre à l’hôpital après avoir traversé, le visage livide et accompagné de son équipier et ami, Hervé Kagé, les journalistes et les supporters partis à la pêche aux autographes. Les premières infos qui nous parviennent évoquent  » l’état critique  » dans lequel est plongée sa compagne. Heureusement, les jours qui suivent l’accident vont rassurer ses proches, Pelé Mboyo en tête.

Condensé d’émotions

Ce 4 août fut un condensé d’émotions. Tout d’abord positives avec cette tête victorieuse face à Malines qui allait permettre à Gand de recoller au marquoir puis de l’emporter, contrebalancées quelques minutes plus tard par la nouvelle de l’accident. Mboyo n’avait pourtant pas vraiment besoin de ça pour occuper ses nuits. Les complications et renversements de situation autour de son transfert depuis plus d’un mois commençaient à lasser. Même si, d’après son entourage, l’homme restait relativement serein face à cette absence d’épilogue.  » Il est resté très calme alors qu’il n’arrêtait pas de recevoir des appels, d’agents notamment « , explique Kagé.  » Ce n’est que le jour où Gand a accueilli Stuttgart lors de l’inauguration du nouveau stade, à la mi-juillet, que je l’ai senti un peu irrité. Mais ça n’a pas duré longtemps. Et même quand West Ham a fait volte-face, il s’était préparé à ce type de situation.  »

Quelques jours après le match de gala face à l’équipe allemande, on apprenait qu’Anderlecht mettait fin aux négociations, jugeant le montant réclamé par les dirigeants gantois, Ivan De Witte en tête, prohibitif. Anderlecht était alors prêt à déposer 4 millions d’euros pour cet attaquant de 26 ans, ce qui aurait constitué le transfert le plus cher de son histoire. Gand réclamait 2 briques supplémentaires. Un gouffre que Roger Vanden Stock n’était pas prêt à combler. D’autant que d’autres sources évoquent le fait que Mboyo ne faisait pas l’unanimité au Sporting. John van den Brom préférait Michy Batshuayi, plus jeune et à la marge de progression plus importante, comme remplaçant numéro un de Dieumerci Mbokani tandis qu’Alexandre Van Damme, patron d’Inbev et personnage de poids au sein du conseil d’administration du RSCA, s’opposait à la venue d’un joueur passé par la case prison. Et pourtant, longtemps on a cru que l’issue allait être favorable.

Il faut remonter au mois de mai pour trouver trace des premiers contacts entre Anderlecht et Mboyo, les deux parties s’étaient d’ailleurs mises d’accord sur la durée du contrat et les émoluments l’accompagnant. Le 18 juillet, le père du joueur, mais aussi son agent, Jean-Martin Mboyo, déclarait dans la DH :  » Le transfert devrait se conclure rapidement. Il y a trois clubs très concrets avec mon fils, mais il veut aller à Anderlecht.  » A Gand, on a joué la montre dans ce dossier, pensant avoir toutes les cartes en main pour en tirer un maximum puisque le joueur ne souhaitait apparemment plus faire de vieux os chez les Buffalos.  » Nous lui avons fait une belle proposition « , déclara De Witte mi-juillet.  » Mais il nous a indiqué qu’une saison supplémentaire à La Gantoise n’était pas prévue dans son plan de carrière.  »

Standard et Angleterre

Quand Anderlecht jeta l’éponge, préférant investir dans un jeune Serbe de 18 ans, AleksandarMitrovic, la suite devait logiquement le mener en Premier League. En janvier déjà, Mboyo pouvait signer un contrat avec Norwich.  » Mais j’avais jugé que ce n’était pas le moment de partir de Gand. J’ai envie que ce soit par la grande porte.  » A cette même période, c’est le Standard qui essayait de l’attirer dans ses filets. Roland Duchâtelet, jusque-là peu réputé pour délier les cordons de la bourse, était prêt à déposer 3,5 millions d’euros tout en essayant de séduire le joueur par un plan de carrière et financier plutôt… particulier. Six mois plus tard, le Standard s’est à nouveau intéressé au capitaine gantois mais toujours sans succès. Outre-Manche, deux clubs ont rapidement tenu la corde : Hull, club montant en Premier League et aux lettres de noblesse inexistantes, et West Ham, club londonien de tradition et plus séduisant. Des clubs du bas de tableau certes mais tous deux capables de verser le montant réclamé par les dirigeants gantois (5 à 6 millions). Cette fois, ce n’est pas le manque de liquidités qui a fait obstacle mais bien le passé de Pelé Mboyo, surtout dans le cas de West Ham dont l’arrêt des négociations fut médiatisé par un tweet du fils du président, David Sullivan, qui avait pris soin de demander aux supporters si la venue de l’attaquant belge était acceptable vu son casier judiciaire.  » 99 % des gens ont dit non à Mboyo. Je ferai passer le message à mon père « , avait tweeté l’ado. C’est qu’on ne badine pas avec la morale outre-Manche surtout quand on sait que la fortune du président de West Ham a été bâtie sur l’industrie du porno… Un agent bien implanté en Angleterre nous avait précisé que les clubs anglais du subtop ne prendraient pas le risque de transférer un ancien détenu de peur d’exciter encore un peu plus les tabloïds anglais qui n’en demandent généralement pas tant.

Record belge

Début août, alors que l’on pensait le dossier Mboyo reparti pour un tour, Genk – qui n’est rentré véritablement dans le game qu’à partir du moment où Anderlecht annonça mettre fin aux négociations – a emporté le tout en quelques jours. Après avoir rencontré une dernière fois le joueur et son père le mardi 6 août, le transfert était rendu officiel dès le lendemain. Par contre, pas question de dévoiler le montant de la transaction. Une somme estimée entre 4,2 et 4,5 millions d’euros, un transfert record pour un club belge, le précédant datant du flop Koen Daerden acheté en 2006 par Bruges pour 4 millions d’euros. Si d’aucuns doutent du véritable pas en avant réalisé sur le plan sportif, le joueur s’assure un bel avenir financier puisque son contrat de quatre ans devrait lui rapporter 5 millions d’euros, un salaire qui le place dans les mieux nantis du championnat. Si Genk n’a pas hésité à casser sa tirelire, c’est que le club limbourgeois a les reins solides. Et ce malgré une année 2012 coûteuse avec les achats de Derrick Tshimanga (2 millions), Julien Gorius (2,6 millions) et Benjamin De Ceulear (3 millions). En contrepartie, Genk affiche une santé financière remarquable. Ces dernières années, le club a banqué grâce aux ventes de Christian Benteke (Aston Villa), Kevin De Bruyne (Chelsea) et Thibaut Courtois (Chelsea), qui ont rapporté près de 30 millions d’euros. Enfin, la venue d’un attaquant de talent et de poids devenait indispensable d’autant que Mario Been commençait sérieusement à s’impatienter et à afficher son mécontentement. Seul le jeune et inexpérimenté attaquant Albian Muzaqui était arrivé du PSV pour renforcer ses rangs alors que les jokers de luxe Glynor Plet et Elyaniv Barda les avaient quittés. Au Racing, on espère, avec le duo Jelle Vossen-Mboyo, former une paire légendaire comme le furent celle de Strupar-Oulare (87 buts entre 1996 et 1999) ou Sonck-Dagano (89 buts entre 2001 et 2003). Pour info, Mboyo affiche un bilan de 34 buts sur les deux derniers exercices alors que Vossen en compte trois de plus sur la même période. Les défenses sont prévenues.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Quand West Ham a fait volte-face, il s’était préparé à ce type de situation.  » Hervé Kagé

Son contrat de quatre ans devrait lui rapporter 5 millions d’euros.

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