Un Lion chez les Zèbres

Le défenseur sierra-léonais fera rugir de plaisir le public du Mambourg.

Il était écrit qu’il jouerait au Sporting cette saison. A cette nuance près qu’on l’attendait à Anderlecht plutôt qu’à Charleroi. Les Zèbres ne se plaindront pas de compter parmi eux un Soulier d’Ebène en puissance.

Il y a un an, vous aviez refusé une offre du RSCA, préférant jurer fidélité une saison supplémentaire au RWDM. Ne vous en mordez-vous pas les doigts aujourd’hui?

Ibrahim Kargbo: Non, je ne regrette rien. Si tout était à refaire, je ne procéderais pas autrement. En optant pour le club du Parc Astrid, je n’aurais pas fait figure de priorité en Première. A l’époque des tractations, l’entraîneur, Aimé Anthuenis, avait en tout cas abondé en ce sens. Personnellement, il ne m’intéressait guère de faire banquette. Je désirais jouer, par-dessus tout, et Molenbeek m’offrait précisément cette garantie. Avec le recul, je ne m’en plains pas. Sportivement, je pense avoir livré une campagne de toute beauté qui m’a d’ailleurs valu d’être désigné comme le joueur le plus méritant de l’exercice 2001-2002, au stade Edmond Machtens, et de figurer parmi les cinq nominés au Soulier d’Ebène. Pour une entrée en matière parmi l’élite, je n’aurais pu rêver de mieux.

Anderlecht est-il revenu à la charge ces derniers mois?

A ma connaissance, non. Mais je m’y attendais quelque peu. En éconduisant le Sporting bruxellois, pour les raisons mentionnées, je savais que ma chance était peut-être passée de manière définitive. Jean Dockx, qui avait été à la base des négociations, m’avisa qu’il n’était pas sûr qu’il reprenne contact avec moi, même si, à ses dires, il continuerait à plaider chaudement ma cause auprès de ses dirigeants. Après son décès, au mois de janvier, j’avais compris que je ne devais plus nourrir la moindre illusion. La suite des faits m’aura donné raison puisqu’au lieu de revenir aux nouvelles pour moi, Anderlecht a engagé le Finlandais Hannu Tihinen. C’est vrai, j’aurais sans doute pu me retrouver à sa place, à présent, si j’avais d’emblée accepté les propositions des Mauves. Mais le passé est le passé.Jeté de son appartement

Avec Alexandre Kolotilko, vous étiez le footballeur le plus en vue au RWDM, ces derniers mois. Pourtant, vous aurez tous deux dû patienter beaucoup plus longtemps que certains de vos anciens partenaires pour retrouver de l’embauche. Pourquoi?

Deux facteurs sont, d’après moi, susceptibles de l’expliquer. Tout d’abord, il y avait le flou entourant notre situation contractuelle. Contrairement à des garçons comme Laurent Fassotte et Marius Mitu, qui n’avaient plus été rétribués depuis le mois de février et qui étaient tout à fait libres au moment de discuter des modalités de leur passage au Lierse, Alex et moi ne bénéficiions pas de la même latitude. Et pour cause, puisqu’en fin de saison, nous avions tous deux encore perçu une certaine somme de la part de la direction molenbeekoise. En ce qui me concerne, il s’agissait d’un montant de 4.000 euros. Ce n’était bien sûr qu’une partie de ce que le club me devait mais, renseignements pris, ce geste financier suffisait à différencier mon cas – et celui du joueur russe – des autres. En réalité, ce n’est qu’après avoir été délogé de l’appartement que le RWDM avait mis à ma disposition, pour non-payement du loyer depuis plusieurs mois, que j’ai obtenu moi aussi ma liberté. J’ai saisi la balle au bond mais je n’en veux nullement, pour autant, au club et à son président, Erik De Prins. Au contraire, je lui sais gré de m’avoir donné la possibilité de m’épanouir. Si j’étais aussi riche que Ronaldo, j’irais même de ma poche pour aider personnellement le RWDM à s’en sortir. Pour en revenir à mon propre cas, tout porte à croire que je militerais dans le Calcio, à présent, si le marché footballistique ne s’était pas effondré. Car j’avais réussi de bons tests aussi bien à Parme qu’à Piacenza. Mais dès l’instant où les clubs italiens ne pouvaient plus engager qu’un seul joueur extra communautaire en vue de 2002-2003, c’en était fini de mes espérances. »Il n’a jamais été question de Lorient »

A un moment donné, il fut question aussi, semble-t-il, de Lorient. D’après le manager Bruno Heiderscheid, vous auriez refusé une offre de 185.000 euros par an là-bas.

Que les choses soient claires: mon homme de confiance, depuis des mois et des mois, n’est autre que Fabio Baglio, le patron de la firme Planet Sport, qui équipe le RWDM depuis deux ans. Après avoir quitté mon pays natal, la Sierra Leone, à destination de la Suède, voilà six ans, j’avais confié mes intérêts, avant lui, à trois personnes: le Suédois Jan Tonquist d’abord, qui s’occupa de moi à Osters et Degerfors, puis le Néerlandais Ger Lagendijk à Feyenoord et, enfin, Willy Hox lors de mon arrivée en Belgique, en 1999. Avec eux, c’était toujours la même chanson: ils répondaient présents quand tout allait bien mais étaient invariablement absents en cas de besoin. Avec Fabio, c’est différent. Même dans l’adversité, j’ai toujours pu compter sur lui. Au moment où je me suis retrouvé sans un sou à Molenbeek, c’est lui et personne d’autre qui m’a tendu la main et m’a aidé financièrement. C’est lui, toujours, qui m’a hébergé quand j’ai été privé d’un toit. Et c’est lui encore qui m’a permis de passer des tests à Parme et Pérouse. Alors, de grâce, rendons-lui ce qui lui appartient. Bruno Heiderscheid? Il avait un mandat pour me trouver un grand club en France, de la trempe de Nantes ou de Lyon, c’est tout. Il n’a jamais été question de Lorient. De toute façon, entre l’Hexagone et l’Italie, où je me trouvais à ce moment, le choix était vite fait.

Le Calcio a toujours été votre rêve. La transition n’est-elle pas grande entre ces deux cercles transalpins, où vous avez été mis à l’essai, et Charleroi, où vous avez finalement abouti?

Un jour, je militerai là-bas, j’en suis sûr. Après quelques tests, Arrigo Sacchi était conquis. Il est vrai qu’à l’entraînement, j’avais mis l’un des grands noms du club, l’attaquant Marco Di Vaio, complètement sous l’éteignoir. Et à l’occasion d’un match amical contre Pise, je m’étais fort bien tiré d’affaire aussi, comme médian défensif. Avec la bagatelle de 61 joueurs sous contrat, l’ancien sélectionneur de la Squadra Azzurra avait d’abord à coeur de dégraisser son effectif. Il me proposa de reprendre contact après mes vacances en Sierra Leone. 15 jours plus tard, la situation n’avait pas bougé du moindre iota. Il y avait toujours pléthore en matière d’effectif. Parme voulait trouver la parade en me casant à Brescello, son satellite en D4. Mais je n’y étais pas favorable. Le team manager, Lorenzo Minotti, contacta alors son ancien coéquipier Alberto Di Chiara, qui occupe aujourd’hui les mêmes fonctions que lui à Pérouse. Là aussi, l’essai fut fructueux. S’il n’y avait eu, dans la foulée, cette nouvelle réglementation concernant les étrangers, j’ai bel et bien l’impression que j’aurais fait l’affaire. Là aussi, on me proposa une solution de transit: Catane en D2. J’ai cependant refusé car je désirais continuer à jouer au sommet.Demi défensif à Charleroi

Les Zèbres vous en donnent l’occasion aujourd’hui. Quoique La Gantoise s’était mise sur les rangs, elle aussi. Qu’est-ce qui vous a poussé à privilégier l’offre des Carolos?

Les Buffalos, c’était sans nul doute la perspective de vivre une saison tranquille en D1. Mais j’y serais peut-être passé inaperçu, dans la mesure où les noms ne manquent pas à Gentbrugge avec Frédéric Herpoel, Jacky Peeters, Geri Cipi ou encore Alexandre Kaklamanos. Au Mambourg, où l’on démarra sur de nouvelles bases cette saison, j’aurai probablement davantage l’occasion de me signaler à l’attention des suiveurs. En outre, j’avais la possibilité d’y signer un contrat de deux ans, ce qui n’était pas envisageable à Gand. Ici, pour peu que je livre une saison enthousiasmante, je sais que je pourrai rebondir immédiatement ailleurs. Un dernier détail, non négligeable aussi, constitue ma place dans l’équipe. Au RWDM, par la force des choses, j’étais stopper. Mais ma place de prédilection est celle de demi défensif, que j’ai d’ailleurs occupée lors de notre première sortie à Malines. C’est également la position que j’occupe avec les Leone Stars, les Lions de mon pays.

En raison de la guerre civile, l’équipe nationale fut plus d’une fois dissoute ces dernières années. Où en est-elle aujourd’hui?

Les nouvelles sont bonnes, dans la mesure où, pour la première fois depuis longtemps, nous participerons aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations dont la phase finale se disputera en Tunisie en 2004. Nous avons été incorporés dans une poule où nos adversaires sont la Guinée Equatoriale, le Maroc et le Gabon. Le premier match aura lieu dans notre capitale, Freetown, au mois de septembre. C’est un rendez-vous que je ne voudrais louper pour rien au monde…

Bruno Govers

« Si j’étais aussi riche que Ronaldo, j’y mettrais de ma poche pour sauver le RWDM »

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