Un joueur à part

La parole au milieu de terrain du FC Barcelone, consacré meilleur joueur de la Liga la saison dernière sur base des cotations.

Blessé en fin de saison dernière contre Villarreal, Andrés Iniesta avait dû avoir recours à une infiltration pour participer à la finale de la Ligue des Champions. Il avait fait l’impasse sur la Coupe des Confédérations avec l’équipe nationale et a passé l’été à se soigner. Aujourd’hui, il est de retour.

Pep Guardiola avait envisagé votre retour de manière progressive, mais le calendrier ne laissa quasiment aucun répit…

AndrésIniesta : C’est vrai, on joue tous les trois jours. Je m’entraîne à nouveau correctement, mais les entraînements ne remplaceront jamais les matches.

Vous avez souffert de plusieurs petites blessures en peu de temps. Craignez-vous une rechute ?

Pour l’instant, j’ai tellement envie de jouer que je ne me pose aucune question. La motivation balaie toute autre considération. Mais, si je devais à nouveau me blesser en cours de saison, je me relèverai une nouvelle fois.

L’effectif du FC Barcelone n’est pas extrêmement large : cela vous préoccupe-t-il ?

Non, car cela produit également des effets bénéfiques : nous sommes tous placés devant nos responsabilités et cela favorise l’émergence de jeunes. Mais c’est toujours pareil : si l’on gagne, on affirmera que c’était la solution idéale, et si cela va moins bien, on en attribuera la cause au noyau étriqué.

En janvier, vous serez en outre privés de Yaya Touré et de Seydou Keita, appelés par leur équipe nationale pour la Coupe d’Afrique des Nations. Durant cette période-là, le Barça ne pourra probablement pas se passer de vous…

Mon rôle dans l’équipe devient plus important chaque année. Je sens plus de responsabilités sur mes épaules, sur le terrain comme dans le vestiaire. Cela ne me dérange pas, au contraire. J’espère être épargné par les blessures jusqu’à la fin de la saison, afin de pouvoir répondre à l’attente.

Barça : Ibrahimovic ou Eto’o ?

Les produits du cru continuent d’affluer en équipe Première. Comment les avez-vous accueillis ?

Très bien. Nous sommes nombreux à être passés par là. Beaucoup de joueurs de l’équipe Première ont eux-mêmes été formés à La Masía et savent donc ce qu’on peut ressentir lorsqu’on intègre le noyau A. Nous tentons de faire profiter les jeunes de notre expérience. Je crois que ces jeunes intègrent l’équipe au meilleur moment : c’est plus facile de débuter dans une équipe qui tourne bien que dans une autre où il y a des problèmes et où l’ambiance est mauvaise.

Le triplé de la saison dernière profite donc aux jeunes ?

Oui, tout à fait : la pression est moindre, ils trouvent des joueurs expérimentés pour les guider dans leurs premiers pas. Le reste, bien sûr, dépend d’eux-mêmes : ils devront aussi faire valoir leurs qualités.

Comment trouvez-vous Zlatan Ibrahimovic ?

Bien. Il faut tenir compte du fait qu’il a besoin d’une période d’adaptation. C’est valable aussi pour les joueurs qui l’entourent, qui doivent apprendre comment il aime être servi. Tout ce processus exige du temps et cela ira de mieux en mieux, au fil des matches. Zlatan est l’un des meilleurs attaquants du monde, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, et il le confirmera sous le maillot du Barça.

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est pas une copie conforme de Samuel Eto’o. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Ni l’une ni l’autre. Ce sont deux joueurs différents, ils n’ont pas les mêmes caractéristiques et exploitent leurs points forts différemment. Zlatan est un vrai buteur, il inscrira autant si pas plus de buts que Samuel, mais pas de la même manière. De toute façon, Eto’o n’est plus avec nous, il est donc inutile de continuer à se demander comment l’équipe se serait comportée s’il était toujours là. Il fut l’un des meilleurs attaquants que de l’historie du Barça et était également un très chouette gars, mais on doit désormais concentrer toute notre attention sur l’intégration d’Ibrahimovic.

Qui sait si, avec Ibrahimovic, les milieux de terrains n’auront pas davantage l’occasion de se présenter face au but ?

C’est fort possible, en effet. Avec son envergure et ses qualités techniques, Zlatan monopolise l’attention de plusieurs défenseurs, créant ainsi des espaces dans lesquels les milieux de terrain peuvent s’engouffrer. Je ne m’en plaindrai évidemment pas.

Champions League : finale à Bernabeu !

Barcelone défend son titre, cette saison, en Ligue des Champions. Comment envisagez-vous cette compétition ?

On ne doit surtout pas s’endormir sur nos lauriers. On doit rester concentré et tout ira bien.

La finale aura lieu au stade Santiago Bernabeu…

C’est encore très loin. On n’est qu’en tout début de saison, et on se rend mieux compte de tout le chemin qui a été parcouru la saison dernière. Quand on voit combien de matches on a disputés ! Et on les a quasiment tous remportés, c’est énorme… Renouveler un tel exploit serait exceptionnel. Je préfère ne pas encore songer à la finale de Madrid.

Quelle est l’importance de Lionel Messi ?

Sa présence offre des garanties, c’est presque une assurance tous risques. C’est le meilleur joueur du monde. Quelqu’un qui, à tout moment, est capable de faire pencher la balance de notre côté. C’est un privilège de jouer avec lui.

Les récompenses individuelles ne devraient pas lui échapper cette année…

Je ne pense pas, non. S’il reste au même niveau jusqu’à la fin de l’année, il devrait rafler les prix.

Et vous ? Ambitionnez-vous de remporter le prix du plus beau but de la Ligue des Champions, avec celui de Stamford Bridge ?

( Ilrit) Oui, bon… Un but, c’est toujours le fruit d’un travail collectif.

Les buts que vous avez inscrits contre le FC Séville et contre la Belgique au stade Roi Baudouin n’étaient pas vilains non plus…

Celui inscrit à Stamford Bridge était le plus important, car il propulsait Barcelone en finale alors que tout semblait perdu. Ce but a rendu des millions de personnes heureuses. D’un point de vue esthétique, je dois reconnaître que celui inscrit à Bruxelles était le plus beau.

Quand vous revoyez tous ces buts, ressentez-vous une sorte d’extase ?

C’est peut-être un grand mot, mais c’est vrai que ces buts me procurent encore un bonheur intense lorsque je les revois. Je suis un être humain, émotif comme tout un chacun. Un but, pour un footballeur, c’est le couronnement de tout un travail, un moment très valorisant.

Victor Valdés est là pour arrêter les ballons, mais son talent n’a pas été récompensé…

Qu’il n’ait pas été sacré meilleur gardien de la Ligue des Champions est une injustice totale. Il a souvent été décisif. En ce qui me concerne, je peux comprendre que je n’ai pas eu le prix du meilleur milieu de terrain : j’avais Steven Gerrard et Xavi Hernandez comme concurrents. Cela se discute : question de goût, de style de jeu… Mais dans le cas de Valdés ? Tout cela rappelle que les choix, pour les trophées individuels, sont toujours très subjectifs : le feeling du moment, les intérêts en jeu… C’est comme cela, que voulez-vous ?

Un trio avec Fabregas ?

Vous avez tout de même remporté le prix du meilleur joueur du championnat d’Espagne 2008-2009 sur base des cotations attribuées par l’hebdomadaire Don Balón…

J’étais passé tout près ces deux dernières années. Lors de la dernière saison de Frank Rijkaard, surtout, j’avais échoué de peu. Le fait que j’ai finalement été couronné me rend très fier. Ma… maman aussi est très heureuse. Elle jette toujours un £il sur les cotations.

C’est le prix de la régularité, l’une de vos qualités…

En effet. Pour moi, la Liga a autant de valeur que la Ligue des Champions, car c’est un championnat où il faut évoluer chaque semaine au plus haut niveau.

Guardiola affirme que vous êtes un joueur à part et il ne se réfère pas uniquement à vos qualités individuelles…

L’entraîneur a voulu me faire un petit clin d’£il. C’est gentil de sa part, mais il faut conserver son humilité, continuer à travailler comme si l’on était un travailleur comme les autres. On doit se rendre compte qu’un footballeur est un privilégié, qu’il touche un salaire énorme pour pratiquer ce qui reste pour beaucoup un hobby, et qu’il est admiré de tous. La moindre des choses est de respecter le sport qui nous permet de mener ce train de vie.

L’autre jour, Gérard Piqué rêvait tout éveillé en imaginant un trio d’entrejeu formé par Cesc Fabregas, Xavi et vous-même. Qu’en pensez-vous ?

C’est Cesc qui détient la réponse. S’il quitte Arsenal pour revenir à Barcelone, et que dans le même temps Xavi et moi ne partons pas, cela pourrait se réaliser. Je serais enchanté de faire partie d’un tel trio. Je m’entends bien avec Cesc et ses qualités footballistiques ne peuvent être mises en cause.

Les Madrilènes ne versent-ils pas dans la précipitation ? S’ils ne gagnent pas tout, beaucoup considéreront leur saison comme un échec…

OK, c’est leur problème, mais en football tout peut changer très vite. Nous-mêmes, nous venions aussi de nulle part il y a un an, et nous avons tout gagné.

Mais vous jouiez depuis plus longtemps ensemble, il y avait déjà une base…

Nous avons, effectivement, un style de jeu propre que nous avons développé durant plusieurs années, mais même avec un effectif chamboulé, le Real Madrid sera un sérieux rival jusqu’au bout, j’en suis sûr…

De toutes les stars engagées par Florentino Perez, quel joueur vous plaît le plus ?

Lassana Diarra !

Mais il était déjà présent la saison dernière…

Oui, mais si le Real a lutté jusqu’au bout pour le titre, c’est en grande partie grâce à lui. Et cette saison, il a démarré de façon extraordinaire. C’est une pièce fondamentale sur l’échiquier madrilène et son style de jeu me plaît beaucoup.

Espagne : jouer sans pression

Comment avez-vous vécu la défaite de l’Espagne en Coupe des Confédérations ? Comme un échec ou comme un signal d’alarme ?

Comme un signal d’alarme. C’est la preuve que, même avec l’étiquette de champion d’Europe, il ne suffit pas de se présenter pour vaincre. Depuis, l’Espagne s’est brillamment reprise en réalisant le parcours sans faute lors des éliminatoires pour la Coupe du Monde.

Quel est le secret de cette machine à gagner, qui pratique en outre un très beau football ?

La clef, c’est le succès à l’EURO 2008 qui nous a ôté un poids énorme. Nous avons fait le plein de confiance, et aujourd’hui, plus personne ne semble en mesure de nous arrêter.

La concurrence devient de plus en plus rude en sélection. Au point de devoir vous battre pour votre place ?

J’ai toujours dû me battre pour ma place, on ne m’a jamais fait de cadeaux. L’entraîneur est là pour faire des choix, mais j’ai pleinement confiance en mes capacités. Et je ne doute pas un seul instant que je redeviendrai titulaire.

Des ténors ont souffert pour arracher leur billet pour l’Afrique du Sud. Cela fait-il de l’Espagne le favori incontesté ?

Non, pas du tout. L’Espagne fera partie des favoris parce qu’elle se présentera à la Coupe du Monde en qualité de champion d’Europe, simplement.

Les difficultés de certaines grandes nations ne vous ont-elles pas surpris ?

Un peu, mais cela démontre que rien n’est jamais acquis et qu’au niveau des équipes nationales également, il y a un nivellement des valeurs.

Hormis l’Espagne, quelles équipes nationales vous plaisent-elles ?

Je vais vous étonner, mais je suis sous le charme d’équipes comme la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud. Citer les grandes nations traditionnelles, c’est trop facile.

« Esthétiquement, mon but en Belgique était le plus beau. « 

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