Un grand distrait

Après Vérone 1999 et 2004 et Lisbonne 2001, il rêve d’un quatrième sacre mondial à Madrid.

Le coureur espagnol Oscar Freire (29 ans) n’est pas avare de son temps et se prête volontiers à l’interview, même si la douceur printanière incline au farniente :  » Cela fait partie de mon boulot « …

Trois fois l’or, une fois le bronze et une médaille d’argent en Espoirs. Pourquoi le Mondial vous réussit-il aussi bien ?

Oscar Freire : Je n’ai pas de secret ! En 1997, ma première course importante a été le Mondial de San Sebastián. J’ai terminé deuxième comme Espoir et depuis, le championnat du monde est mon objectif. Lors de ma deuxième année pro, j’ai gagné le Mondial de Vérone. Ce fut le déclic. J’ai compris que si je pouvais m’imposer sur un parcours aussi dur, je serais encore souvent champion.

Est-ce une question de concentration, d’ambition ?

Il faut conserver la mentalité adéquate en fin de saison, garder l’envie de s’entraîner, de courir. Je ne me prépare pas spécialement mais j’évite de surcharger ma saison. En plus, les parcours me conviennent généralement. Je me tire d’affaire en côte et je suis rapide. C’est la combinaison idéale pour un Mondial. Le jour de la course, je ne plaisante pas vraiment. Je suis très concentré, comme si j’étais en transes, mais le stress n’a pas d’impact négatif sur moi.

Les autres courses vous intéressent moins ?

C’est logique quand on a gagné une course aussi importante. Mais ce n’est pas la seule grande course que je veux gagner. Simplement, j’ai souvent échoué de peu, comme à Milan – Sanremo : troisième, cinquième, septième, puis la saison passée, bingo !

Vos trois titres se valent-ils ou l’un d’eux a-t-il plus de valeur à vos yeux ?

Le premier est le plus beau car nul, même pas moi, ne s’y attendait. J’étais un illustre inconnu blessé toute la saison. Ma vie a changé. Les gens se demandaient si c’était l’effet du hasard et j’étais obligé de prester pour leur prouver le contraire. A 23 ans, ce n’est pas facile. Je conserve de moins bons souvenirs de Lisbonne : il n’y avait pas beaucoup d’ambiance et j’avais appris à l’aéroport que ma grand-mère était décédée. Le troisième sacre vaut plus que le précédent car il est très difficile de gagner trois fois un Mondial.

Le Mondial vous tient à c£ur mais Vérone aussi.

Deux titres dans la même ville, c’est unique. Je me sentais bien l’année passée, je me suis entraîné comme en 1999 et j’étais encore plus motivé que d’habitude car je savais que je ne devais redouter personne sur ce parcours û sachant qu’il faut aussi un brin de chance. En ce qui me concerne, on peut y organiser un troisième championnat du monde !

Le cycliste espagnol a changé

Madrid n’est pas mal non plus ?

Non car c’est dans mon pays mais le parcours n’avantage pas les coureurs espagnols. Nous aurons beaucoup de concurrents. Attention : je ne jette pas l’éponge. Cette année encore, le Mondial est un de mes principaux objectifs. Pas parce que ce serait le quatrième mais parce que je gagnerais devant mon public.

L’Espagne a attendu Abraham Olano en 1995 pour un premier titre. Depuis 1999, elle en a raflé quatre. Pourquoi ?

Les Espagnols ont toujours préféré les courses a étapes. Mes titres ont quelque peu modifié cette mentalité. Nous avons aussi une génération douée. Francisco Antequera a aussi veillé à ce que tout le monde tire à la même corde. A Vérone, tous les coureurs devaient rouler à mon service, étant entendu que si l’un d’eux avait une chance de gagner, il pouvait la saisir. Il y a deux ans, à Hamilton, Igor Astarloa en a profité.

Vos coéquipiers disent que vous vous entraînez peu.

Non, ce sont les autres qui en font trop (il rit). Trois semaines après la fin de la saison, ils sont à nouveau sur leur vélo. Je veux me reposer, oublier le cyclisme. Je ne reprends que fin décembre et ça me convient. Au début, je peux à peine suivre les autres, évidemment, mais en un mois, le retard est résorbé. Recommencer plus tôt ne me serait pas profitable. Je me connais et j’en suis sûr.

Votre passage chez Rabobank en 2003 a-t-il été difficile ?

La première année, oui. Je ne parlais qu’espagnol et italien. Je me sens donc mieux. Je commence à m’exprimer en anglais. Nous parlons dans cette langue. Ceci dit, tout est mieux structuré aux Pays-Bas. Parfois, votre routine nordique m’énerve, d’ailleurs.

On dit que vous êtes brouillon et négligent.

J’aime vivre au jour le jour sans penser à ce que je devrai faire dans un mois. Tant que je sais où je dois courir… (Il rit). Mais c’est vrai que j’étais en retard au prologue du Circuit Montañés… Regrettable car il a lieu dans mon jardin. Je l’admets : je suis un grand distrait.

Avez-vous d’autres anecdotes ?

Beaucoup. En voilà une : en janvier, j’avais rendez-vous chez le dentiste. Je sonne, une dame ouvre la porte et me demande : – Vous êtes Oscar Freire, non ? Je réponds : – En effet et j’entre. En fait, elle m’avait reconnu mais je m’étais trompé d’étage et je n’étais pas chez le dentiste !

 » J’ai dû vendre mon premier vélo  »

Il y a cinq ans, vous rouliez en Opel Corsa et viviez chez vos parents. Vous avez maintenant une villa à Lugano et une voiture de luxe. Comment rester les pieds sur terre ?

Acquérir un meilleur niveau de vie n’implique pas que la personnalité change. Je suis très demandé mais j’essaie de garder la même vie. Mes amis me disent que je suis le même. Seule la perception des choses change. Si je sors jusqu’à minuit, ça se répète et à la fin, on raconte que je suis rentré à sept heures du matin.

Comment êtes-vous devenu cycliste ?

Mon oncle m’a offert mon premier vélo de course. J’avais neuf ans, je me suis affilié à Torrelavega, sans imaginer que ça deviendrait ma profession. Je ne suivais pas vraiment les courses. Je savais qui étaient Pedro Delgado et Miguel Indurain mais c’était à peu près tout. Je viens d’un milieu ouvrier : j’ai dû vendre mon premier vélo pour en acheter un autre, hélas…

Vous avez déclaré que vous deviez votre vitesse aux escaliers grimpés dans votre jeunesse….

Je plaisantais mais nous habitions au quatrième étage. Je devais monter et descendre dix à quinze fois par jour car il n’y avait pas d’ascenseur. C’est en tout cas mieux que de jouer à la Playstation.

Roel Van den Broeck

 » Les autres s’entraînent TROP « 

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