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 » Un gardien, c’est plus que des clean sheets « 

Une première saison compliquée rythmée par l’alternance des passages entre le terrain, le banc et la tribune avant l’éclosion cette année. Le début de la carrière pro de Jean Butez, le gardien de l’Excel Mouscron, est loin d’être un long fleuve tranquille.

Arrivé sur la pointe des pieds à Mouscron l’an dernier sous la forme d’un prêt, Jean Butez fait désormais office de numéro 1 incontestable dans le onze de Bernd Storck. La route a pourtant été semée d’embûches avant que le top belge ne s’intéresse à lui.

Gand s’est intéressé à toi lors du mercato et il y a même eu des discussions…

JEAN BUTEZ : Après le départ de Kalinic à Aston Villa, Gand et Mouscron ont effectivement discuté à mon sujet. Les noms de Van Crombrugge et Kaminski ont également été cités mais le club a été catégorique en faisant comprendre qu’il ne me laisserait pas partir au cours de cette période de transferts-ci. Cela a donc coupé court aux négociations, d’autant qu’un accord a vite été trouvé entre Gand et Courtrai pour Kaminski.

C’est plus facile pour un gardien de se mettre en évidence quand on joue le maintien ?

BUTEZ : J’en parlais justement il y a peu avec des coéquipiers et mon agent. J’ai été à la Cérémonie du Soulier d’Or et quand on voit le top 3 des meilleurs gardiens – je pensais qu’Ochoa gagnerait -, ce sont tous des joueurs qui évoluent dans des équipes du top. C’est mérité pour eux mais on est beaucoup plus mis à contribution quand on est dans une équipe du bas de classement. C’est plutôt cool d’avoir du boulot et de bien s’en sortir chaque week-end pour faire parler de soi.

Tous les matches contre nos concurrents directs seront autant de finales.  » Jean Butez

Tu penses que ça aurait été le bon moment pour franchir ce palier ?

BUTEZ : Non, je pense que ça aurait été un peu tôt. Je n’ai qu’une demi-saison en D1 belge dans les jambes. J’ai certes prouvé des choses ici, à Mouscron, en étant numéro 1, mais je pense que partir aurait été prématuré. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre. En cas d’appel du pied, je n’aurais peut-être pas dit non à un tel projet, qui sait ? Mais la question ne s’est finalement pas posée. Je n’ai donc pas eu à faire de projections là-dessus.

 » J’ai montré que le coach avait raison de me faire confiance  »

Même si le transfert ne s’est pas fait, cela reste une belle marque de confiance après ton début de saison compliqué sur le banc.

BUTEZ : Oui, c’est flatteur qu’un club comme Gand s’intéresse à mon travail. L’élément déclencheur, c’est l’arrivée du nouveau coach, Bernd Storck, qui m’a tout de suite donné ma chance. J’ai d’abord rongé mon frein sur le banc pendant 6 matchs, puis je suis parvenu à tirer mon épingle du jeu et profiter de la chance qui m’était donnée. À moi de continuer sur cette lancée.

Il te connaissait un peu pour te lancer directement comme ça ?

BUTEZ : Il avait regardé les matchs de la saison dernière et avait analysé tous les joueurs. Il m’a dit que mon style convenait à la manière dont il voulait faire jouer Mouscron. Dès les premiers matchs, j’ai montré qu’il avait raison de me faire confiance.

Cette première moitié de saison, pour toi, c’est un peu l’inverse de ce qui s’est produit l’an dernier où tu avais débuté comme titulaire avant de sortir de l’équipe après ta rouge contre Charleroi.

BUTEZ : C’était un peu spécial. J’étais arrivé en prêt sans trop savoir à quoi m’attendre, tout en sachant qu’un autre gardien devait venir. Logan Bailly a signé un peu tardivement sans être fit, donc cela m’a permis de jouer le début de saison. Il y a eu un bon premier match et un deuxième moins bon avec cette exclusion. Cela étant, ça fait partie de l’apprentissage. Il y a eu des hauts et des bas mais c’est une année qui a été très formatrice pour moi, où j’ai appris beaucoup de choses sur le haut niveau. Il y a eu pas mal d’états positifs et négatifs qui sont arrivés en peu de temps et qui me permettent aujourd’hui d’aborder les matchs avec plus de sérénité.

Ce n’est pas compliqué à vivre, quand on est venu chercher du temps de jeu en prêt ?

BUTEZ : C’est vrai que passer de numéro 1 à numéro 2 puis même 3, c’était difficile. Mais on ne doit pas forcément penser qu’on est prêté, sinon ça peut vous ronger et vous risquez de flancher psychologiquement. Il faut juste essayer de prouver au club dont on défend les couleurs qu’il peut avoir confiance et au club à qui on appartient qu’il a fait une erreur en nous laissant partir.

 » Rester à Mouscron, c’était la meilleure solution  »

Malgré cette situation délicate, tu prolonges l’aventure à Mouscron en signant un contrat de trois ans. Qu’est-ce qui t’a convaincu ?

BUTEZ : J’ai discuté avec Lille et avec Mouscron. Il s’est avéré que c’était la meilleure chose à faire. Je ne vais pas le cacher, je n’avais pas d’autres solutions possibles. Ou je revenais à Lille, avec peu de chance de jouer, ou je prolongeais à l’Excel. C’était donc évident de resigner ici en essayant d’aller chercher la place de numéro 1, surtout que Mouscron m’avait fait comprendre que j’étais l’avenir du club.

Passer de la réserve à Lille à la D1 belge avec Mouscron, l’adaptation a été simple ?

BUTEZ : Je connaissais les pros à Lille pour m’entraîner tous les jours avec eux. Mais en arrivant à Mouscron, j’ai découvert beaucoup de nationalités différentes, ce qu’il n’y avait pas à Lille. Il a fallu que je m’adapte avec toutes les cultures différentes. Pour l’environnement footballistique, ça ne change pas vraiment. Certes, les installations à Lille sont au top du top européen, ce qu’il n’y a pas forcément ici. Mais je m’y retrouve bien, à l’Excel, et on bosse aussi bien qu’à Lille. En revanche, j’ai vraiment découvert la pression en jouant chez les pros, l’obligation de résultats, de maintien et les attentes des supporters, ce que je n’avais pas forcément à Lille, où je jouais en réserve.

C’est facile de s’adapter à cette pression ?

BUTEZ : Lors des premiers matchs, c’est nouveau mais ça n’a pas été compliqué. J’aime découvrir de nouvelles choses, donc ça ne me dérange pas. Il faut arriver à gérer le fait que la pression revient à chaque match. Il y a une routine de la pression. C’est ce qui fait avancer car sans pression, on n’a pas la même motivation, la même concentration. Je préfère jouer avec la pression du résultat et du public que sans public et sans réel but.

C’est flatteur qu’un club comme Gand s’intéresse à mon travail.  » Jean Butez

 » Aujourd’hui, je suis le premier relanceur  »

Qu’est-ce que le nouveau coach a apporté à Mouscron ?

BUTEZ : Chaque coach a sa manière de travailler, son tempérament, son caractère. Bernd Storck est plus proche des joueurs, il essaye de communiquer de manière plus individuelle avec chacun. Sur l’aspect tactique, on a un jeu assez posé qui part de derrière. Cela change de l’an dernier où l’on avait un jeu plus direct et moins structuré. Le gardien est le premier relanceur désormais.

On n’a plus peur de jouer contre des équipes d’une stature plus élevée que nous. On parvient à créer de belles combinaisons pour arriver dans la surface adverse. On doit encore le faire plus régulièrement à l’extérieur. C’est notre objectif sur cette deuxième partie de saison : gagner plus hors de nos bases. On en a eu un premier aperçu à Genk.

Jusqu’à l’enchaînement Ostende-Genk, vous n’aviez effectivement pas encore été capable d’aligner deux victoires d’affilée en championnat.

BUTEZ : On en a discuté durant le stage. On signait de belles victoires à domicile mais on ne parvenait pas à enchaîner à l’extérieur. On doit être solide à domicile et aller à l’extérieur avec les mêmes intentions qu’à la maison, même si c’est contre des équipes du top 6.

Tu en es à quelques clean sheets cette saison. C’est quelque chose qu’un gardien regarde beaucoup, ou bien on pense d’abord à l’équipe ?

BUTEZ : C’est l’équipe d’abord. Je préfère gagner 5-4 que faire un 0-0, surtout dans la situation actuelle. Comme tout gardien, je regarde évidemment ce genre de stat mais ce n’est pas un objectif. J’ai un objectif collectif qui est le maintien. Cela passe par des performances individuelles qui doivent être bonnes et régulières. S’il y a le bonheur d’avoir une clean sheet au bout du week-end, c’est agréable.

 » Mon avenir, je n’y pense pas  »

C’est important pour la confiance ?

BUTEZ : Pas forcément. Faire une grosse performance, sortir un grand arrêt et être décisif pour l’équipe, c’est plus important. Un gardien, c’est plus que des clean sheets. C’est aussi le premier relanceur et quand on voit le jeu développé par Manchester City et l’importance qu’Ederson a dans tout ça, c’est énorme. Je préfère être plus important dans une passe qui va casser une ligne. Les arrêts sont importants mais il faut être bon, aussi, à la relance désormais. C’est essentiel dans le foot moderne.

Donc un gardien regarde aussi ses stats  » offensives  » désormais.

BUTEZ : Oui. D’ailleurs, 75 % des choses que le coach m’a montrées durant le stage étaient d’ordre offensif : des phases où mon jeu au pied n’avait pas été assez bon, celles où il ne fallait pas prendre de risque… Notre entraîneur veut que je sois aussi à l’aise avec les mains qu’avec les pieds. J’essaye de m’inspirer de tous les gardiens que je vois. J’essaye de m’inspirer un peu de leurs qualités, de mimer ce qu’ils font sans non plus en faire une obsession. Mais c’est important de se construire un bagage technique varié.

Dans deux ans, à la fin de ton contrat, où sera-t-il Jean Butez ?

BUTEZ : Je ne sais pas ( rire). Seul l’avenir nous le dira. Peut-être à Mouscron, peut-être ailleurs. Je ne saurais pas vous le dire. Je vais déjà essayer d’atteindre l’objectif collectif qui est le maintien. Mon avenir, pour l’instant, je n’y pense pas. Je veux vivre le moment présent, chaque match comme une finale.

Tu parles de finales, c’est véritablement comme ça qu’il faut qualifier les matchs qu’il vous reste ?

BUTEZ : Oui, surtout à domicile. Ce sera la clef. Les équipes que nous allons rencontrer sont, pour la plupart, des concurrents directs, à quelques points de nous. Sur le papier, elles sont à notre portée. Oui, ce seront des finales. On les attend avec impatience mais avec beaucoup de concentration aussi. Les matchs à l’extérieur, ce seront plutôt des rencontres de gala mais avec la même envie de gagner. C’est à domicile que ce sera important. On doit tous être concentrés sur le même objectif, c’est comme ça qu’on y arrivera.

Jean Butez :
Jean Butez :  » Bernd Storck veut que je sois aussi à l’aise avec les mains qu’avec les pieds. « © BELGAIMAGE

Pote avec Benjamin Pavard

Lors de sa formation à Lille, Jean Butez a côtoyé un futur champion du monde : Benjamin Pavard. Le Lillois a gardé de bons contacts avec le latéral droit.  » Lors de mes années au collège ( 6e primaire à 3e secondaire, ndlr), on faisait les trajets tous les jours avec Martin Terrier (Olympique Lyonnais), son frère et Benjamin « , se remémore-t-il.

 » C’était soit mon père, soit celui de Martin qui nous conduisait, le matin et le soir. Ça a été de belles années. Puis il y a eu le centre de formation à Luchin, on était voisins de chambre. Et évidemment quand on jouait ensemble, jusqu’en réserve.  »

Le portier de Mouscron se réjouit de ce qui arrive à son ancien équipier qui vient de signer au Bayern Munich en vue de la saison prochaine.  » C’est totalement fou. Ce transfert au Bayern, c’est là qu’on se rend compte qu’il a passé un cap, qu’il est dans une autre dimension, même s’il est toujours le même. Il a bien fait les choses et il le mérite.

C’est l’aboutissement de beaucoup d’années de travail et de sacrifices. Puis, c’est cool d’avoir un ex-coéquipier, qu’on connaît bien, qui arrive dans un club pareil. Je suis hyper content de l’avoir côtoyé parce que je ne l’aurai plus jamais avec moi, à part si je signe aussi dans un club de ce niveau ( rire).  »

Il garde aussi un souvenir précis du but de Pavard contre l’Argentine.  » Mouscron devait jouer un amical ce jour-là mais j’étais malade, j’ai fait une migraine, donc je suis resté chez moi. Je l’ai vécu dans mon salon, pas trop bien, donc ce n’est pas forcément un souvenir de rêve comme la demi ou la finale ( rire). Je l’ai revu des centaines de fois, ce but. C’est comme le dit la chanson : venu de nulle part, une frappe de bâtard. « 

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