Un finisseur pour commencer

Bruno Govers

Le body et la précision, c’est ce qui aura manqué au RWDM face à Charleroi. Et pour prendre un bon départ en D1?

De tous ceux qui avaient participé au dernier match du RWDM (5-1 contre Lokeren, le 10 mai 1998) avant sa relégation en D2, ils n’étaient plus que quatre pour célébrer les retrouvailles avec l’élite, au stade Edmond Machtens, lors de la venue de Charleroi samedi passé : Afrim Salievski, David Rimbold, Jonathan Butera et Wilfried Godart. Pour deux d’entre eux, ce retour dans une enceinte rénovée (tribunes rafraîchies et nouvelle pelouse) n’aura été perceptible que depuis le banc de touche. David Rimbold, qui avait formé la division offensive au côté d’ Alexandre Kolotilko lors de l’ultime galop d’entraînement en période de préparation, contre l’Union, avait dû céder, dès l’entrée en matière des Coalisés en championnat, à Lommel, son poste de deuxième attaquant à Ricardo Magro. Et celui-ci, dans la foulée, dut s’effacer devant le Sporting au profit du nouveau venu, Ivica Jarakovic, prêté par les voisins anderlechtois jusqu’en fin de saison.

Wilfried Godart, de son côté, avait été prié de s’effacer au profit de son concurrent dans les buts, Gert Doumen. Il est vrai que son club devra faire l’impasse sur lui, à brève échéance, vu son exclusion à Lommel suite à une faute perpétrée sur Ibrahim Tankary. Afrim Salievski, lui, aura suivi très exactement le chemin inverse. Doublure face aux Saint-Gillois, et réserviste encore à Lommel, il avait réalisé, quatre jours avant le déplacement des Zèbres dans la capitale, un match de fort bonne facture devant les FAR Rabat (2-0 pour le RWDM). Cette prestation autoritaire lui valut d’être confirmé dans ses fonctions. A cette nuance près, toutefois, qu’il ne pouvait plus compter sur un acolyte sur le flanc droit, puisque Nicolas Timmermans, révélation du début de saison, avait dû déclarer forfait, blessé. Le Belgo-Albanais se chargea donc, sur cette portion du terrain, de maîtriser à la fois les déboulés du gaucher iranien Daryoush Yazdani et d’un marquage en zone tantôt sur Stéphane Biakolo, tantôt sur Eduardo, les deux hommes de pointe de l’adversaire. A charge d’ Ibrahim Kargbo, l’autre stoppeur, d’en faire strictement de même sur le versant opposé. Le tout, sous l’oeil avisé de Laurent Fassotte, ultime rempart de l’équipe devant le gardien.

La zone au RWDM, l’individuelle à Charleroi

Rayon carolo, l’entraîneur Enzo Scifo n’avait pas procédé autrement avec sa ligne arrière. Adepte résolu du 4-4-2, tactique à laquelle il n’avait jamais dérogé en prélude à cette campagne, il opta cette fois sur une arrière-garde à trois, avec Frank Defays comme couvreur derrière deux éléments chargés d’un marquage individuel strict: Tony Herreman sur le feu-follet Jarakovic et Ernest Etchi sur le remuant Kolotilko. Trois éléments derrière, de part et d’autre, permettent évidemment de libérer un joueur par rapport à un canevas classique. Son utilisation fut, dans le cas présent, différente d’un camp à l’autre. Au RWDM, le coach, Patrick Thairet, choisit d’assurer ses arrières en commettant Dirk Van Oekelen à la garde de Grégory Dufer. Son homologue carolo, lui, se sera voulu plus entreprenant en confiant à Sergio Rojas le rôle de soutien d’attaque derrière ses fers de lance. Au 3-1-4-2 local, le RCSC opposait donc un 3-4-1-2, attestant la volonté hennuyère d’empocher la totalité de l’enjeu à Bruxelles.

Au départ, il n’y en eut, d’ailleurs, que pour les visiteurs, qui auraient pu revendiquer un penalty, d’emblée, pour une intervention douteuse d’Afrim Salievski sur Eduardo. Le Brésilien loupa également l’immanquable, au quart d’heure, en exploitant maladroitement un centre aérien de Yazdani, bientôt imité par Rojas. L’espace de vingt-cinq minutes, les rouge-noir-blanc eurent alors fort à faire pour endiguer les assauts des Zèbres. Dans l’entrejeu, surtout, ils n’eurent pas la moindre chance de poser leur jeu. Dans les couloirs, Dufer et Yazdani firent parler à la fois leur expérience et leur classe face à Van Oekelen, Butera et Kris Timmerman, dont c’était le maiden-match à Molenbeek. Quant à la paire centrale formée de Miklos Lendvai et Christian Negouai, elle domina allégrement, au plan physique plus particulièrement, le tandem constitué de Lambert Smid et El Houssaine Ouchla.

A défaut de pouvoir lutter à armes égales dans ce secteur, les Molenbeekois prirent dès lors le parti de balancer, depuis leurs lignes arrières, de longues balles à suivre vers l’avant. Une tactique qui ne se révéla pas sans danger pour Charleroi. Car si Herreman n’eut aucune peine à contenir le très léger Jarakovic et si Etchi eut souvent le dessus sur Kolotilko, la défense ne savait trop où donner de la tête, en revanche, chaque fois que Butera surgit de la deuxième ligne pour épauler ses partenaires. Par son entremise, le RWDM se montra deux fois menaçant, en tout cas. Sans compter que, sur phases arrêtées, il posa des problèmes aussi aux Carolos. A deux reprises, Van Oekelen eut ainsi l’opportunité de piquer un vigoureux coup de tête, à côté du but d’ Istvan Dudas, sans être inquiété d’une quelconque manière. Le Sporting aurait pourtant dû être prévenu, car l’ex-Trudonnaire frappa par trois fois, d’un heading, en période de préparation, ouvrant notamment la voie de la victoire, pour les siens, face à l’Union. Ici, après ces deux coups de semonce, Negouai eut la bonne idée de le prendre en charge. Et, par là même, l’intéressé fut subitement réduit au silence.

Du 3-4-1-2 au 4-4-2 au Sporting

Avec quatre occasions franches de part et d’autre, le score de 0 à 0, à la mi-temps, reflétait fort mal la physionomie de ce match. Après la pause, Scifo opéra un premier changement sous la forme d’une permutation entre Herreman et Defays. « Avec un trio à l’arrière pour commencer le match, je voulais être sûr que chacun s’en tienne à un rôle défensif », dit le coach carolo. « C’est pourquoi j’avais confiné l’élément le plus offensif, Jarakovic à la garde d’Herreman. Comme, au vu de la première période, deux hommes devaient logiquement suffire à contenir l’adversaire, je me suis résolu à cette redistribution des rôles. De la sorte, Herreman gagnait en liberté et pouvait plus facilement procéder, aussi, par de longues passes à l’avant ».

Une facilité encore accrue, peu après la reprise, par un appel à Gauthier Remacle sur le flanc droit de la défense au détriment de Biakolo, peu inspiré et brouillon jusque-là. Le poste laissé vacant par l’ex-Intériste fut repris dès ce moment par Rojas, qui retrouvait son rôle de prédilection. Opérant en 4-4-2, dès ce moment, Charleroi prit alors de plus en plus l’ascendant sur son adversaire. Le tournant du match se situa probablement à l’heure juste. Conscient que certains, à l’image de Temmerman, étaient à la recherche de leur deuxième souffle, Thairet voulut effectuer le changement nécessaire. Malheureusement, Ouchla se blessa, au même moment, et le coach molenbeekois opta pour l’introduction au jeu de Charles Okonedo sur le flanc, Timmerman reprenant la place du Marocain dans l’axe. Plus facile à dire qu’à faire, évidemment, dans la mesure où, en l’espace de quelques semaines à peine, le nouveau venu s’est déjà rendu indispensable au RWDM. Stopper de formation, il avait été essayé avec égal bonheur, au cours des matches de préparation, comme back droit et demi défensif. A Lommel, il avait livré une rencontre de bonne facture en tant qu’arrière latéral mais contre les FAR Rabat, son ancien club, il s’était montré plus sémillant encore, dans l’entrejeu, en ratissant non seulement un nombre incalculable de ballons mais en les utilisant, de surcroît, toujours à bon escient. Avant son remplacement, contraint et forcé, il avait joué un match sobre en limitant singulièrement le rayon d’action de Rojas.

Après une heure, le RWDM s’éteint

Sans son concours, les Coalisés perdirent définitivement pied au sein de la ligne médiane. Thairet eut beau y remédier en faisant appel à du sang neuf, avec José Ribeiro Thiago à la place de Jonathan Butera d’abord, puis Bernard Allou pour le discret Jarakovic, rien n’y fit et un but flottait manifestement dans l’air. A droite, Dufer abandonna de plus en plus sa portion du terrain, au profit de l’offensif Remacle, pour multiplier les infiltrations dans l’axe, un peu à la manière de Rojas en première mi-temps. Par deux fois, il aura été près d’ouvrir la marque mais ses essais se heurtèrent à l’intransigeant Doumen. A mesure que les minutes s’égrenaient, le RWDM éprouva de plus en plus de difficultés à contenir les assauts de l’adversaire et ce n’est que justice, en définitive, si Rojas trouva l’ouverture au prix d’un tir lumineux à dix minutes du terme. Thairet tenta alors le tout pour le tout en envoyant Fassotte et Van Oekelen en première ligne. Mais aucun ballon digne de ce nom ne leur parvint au cours du temps restant. Au contraire, ce fut Charleroi, grâce à un meilleur répondant physique et à une plus grande maîtrise du cuir, qui se montra encore le plus menaçant. Notamment sur un solo de Negouai, lors des ultimes péripéties de la rencontre. Mais l’envoi du Français, qui avait roulé toute la défense dans la farine, percuta finalement le poteau.

« A défaut d’un succès, j’ai longtemps cru que nous pouvions briguer le nul », dit Thairet. « Mais trop de gars, chez nous, n’avaient pas encore nonante minutes dans les jambes. C’est normal quand, comme dans le chef d’un Timmerman, d’un Jarakovic ou encore d’un Allou, il a fallu prendre le train en marche en pleine phase de préparation. Il faudra encore compter deux, voire trois semaines, pour mettre ces joueurs au diapason des autres. Indépendamment de ça, on aura pu se rendre compte à travers ce match contre un représentant de la première moitié du tableau, du chemin qu’il nous reste encore à accomplir pour faire honnête figure à ce niveau. En dépit du fait que nous avons transféré des éléments tels que Van Oekelen, Smid ou Gert Doumen, qui ont des planches en D1, nous manquons à la fois de body et de force de frappe. Si Charleroi s’est imposé, c’est parce que ses représentants n’en finissaient pas d’émerger dans les duels au cours de la dernière demi-heure de jeu. Sans compter qu’ils avaient l’avantage de posséder dans leurs rangs un véritable renard des surfaces en la personne de Rojas. Chez nous, il manque incontestablement un finisseur capable de parachever le travail d’un élément comme Kolotilko. Jarakovic nous rendra des services, c’est sûr, comme il l’a démontré en prenant à sa charge notre premier but contre les FAR Rabat. Mais il n’a pas l’expérience d’un Frédéric Pierre, pour ne citer que lui, par exemple. Si nous voulons gagner en percussion, l’apport d’un tel joueur s’impose. Le salut du RWDM est tout simplement à ce prix ».

Bruno Govers

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