UN DUO DE (PARE-) CHOC

Le binôme liégeois s’est érigé en poumon du Standard. Et pourtant, la paire fait toujours débat et est menacée par l’arrivée d’Adrian Cristea.

C’est un peu le sujet qui revient sur le tapis depuis deux saisons du côté de Liège. Faut-il utiliser deux médians défensifs ou un seul ? Faut-il un joueur créatif dans l’axe de l’entrejeu ? La question demeure mais les matches s’accumulent avec le duo William VainqueurYoni Buyens à la baguette. Au point que cette paire est devenue indissociable et complémentaire. Le match de la semaine passée, face à Mons, assorti d’une défaite (0-1) a relancé le débat et les prochains matches de suspension de Vainqueur, qui reste sous la menace d’un carton jaune, risquent de poser de nouveau le problème sur la table. Sport/Foot Magazine a analysé l’entente entre les deux joueurs et s’est demandé s’il fallait sacrifier un des deux au profit d’un joueur créatif (en l’occurrence Adrian Cristea).

Buyens et Vainqueur sont-ils complémentaires ?

La question s’est posée dès l’arrivée des deux joueurs à l’époque de José Riga. Dans un premier temps, avec une équipe complètement chamboulée et en reconstruction, Riga avait décidé de jouer en 4-2-3-1. Il y avait donc de la place pour deux médians défensifs dans ce schéma. Avant l’éclosion définitive de Vainqueur, les deux places revenaient à Karim Belhocine et Buyens. Mais ce duo était vraiment trop défensif. L’arrivée de Vainqueur a permis d’avoir plus de technique dans l’entrejeu. Le pedigree de l’ancien Nantais répondait nettement plus au projet de jeu que Riga voulait mettre en place. Mais petit à petit, devant le peu d’occasions offensives, le système a évolué vers un 4-4-2. Riga s’est longtemps posé la question de la complémentarité des deux hommes, plaçant d’abord Buyens sur le banc, puis Vainqueur lors des PO1.  » Lorsqu’on est passé du 4-2-3-1 au 4-4-2, il a fallu faire un choix entre les deux car ils ne marquaient pas assez « , explique Bernard Smeets, entraîneur adjoint du Standard la saison passée.  » Pour donner plus de poids offensif, on avait préféré Nacho Gonzalez derrière les deux attaquants. Buyens avait sauté dans un premier temps. Puis, on est revenu à un entrejeu avec un six et un huit, plutôt qu’un six et un dix parce que cela rapportait plus de points et que l’assise défensive était meilleure dans cette configuration, mais également parce que Nacho se blessait régulièrement. Cependant, lors des play-offs, la forme de Vainqueur n’était plus optimale et on l’a laissé sur le banc. Cela coïncidait avec le retour en forme de Nacho.  »

Petit à petit, les deux joueurs se sont trouvés et compris.  » Ils sont complémentaires parce que le jeu du Standard demande un pressing soutenu « , continue Smeets.

Cette saison, comme Astrit Ajdarevic n’a jamais montré qu’il possédait le niveau et que Ron Jans misait davantage sur un 4-3-3, le duo Buyens-Vainqueur n’a jamais été dissocié. Par la suite, la blessure de Nacho et le choix du 4-4-2 ont poussé Rednic à continuer avec ce duo. Résultat : Buyens, c’est 25 titularisations et Vainqueur 23.  » Je n’ai jamais compris les doutes et les critiques sur ce duo « , explique Léon Semmeling, médian du Standard entre 1959 et 1974.  » On considère parfois qu’ils ont le même rôle mais moi, je vois surtout qu’ils sont utiles à l’équipe. C’est ça le plus important.  »

Ancien joueur du FC Liège et aujourd’hui consultant, Frédéric Waseige va dans le même sens.  » A partir du moment où ce sont deux hommes qui mettent le collectif avant l’individu, ils sont complémentaires avec le monde entier.  »

 » Leur entente sur le terrain saute aux yeux « , renchérit Guy Vandersmissen, autre ancien du Standard (1978-1991),  » Inévitablement, quand l’un monte, l’autre assure la couverture. Quand un est dépassé, l’autre vient à la rescousse.  »

 » Ils se complètent bien « , ajoute Marc Degryse.  » Et cela se voit surtout quand un des deux manque un match. Alors on se rend compte que l’autre est perdu, comme Buyens face à Mons. Quand les deux évoluent ensemble, ils forment un duo formidable. Ils peuvent jouer pour trois. Dans les matches importants, Vainqueur a montré des qualités physiques impressionnantes et ils savent effectuer un pressing intense à deux.  »

Ne sont-ils pas trop défensifs ?

C’est le problème qui risque de se poser quand le Standard doit faire le jeu. A domicile contre le Cercle, le Beerschot ou Mons, le Standard doit-il évoluer avec deux médians défensifs ?  » Ce n’est pas la première équipe qui joue avec deux médians défensifs « , défend Wilfried Van Moer, métronome du Standard entre 1968 et 1975.  » On a tenu le même discours avec Anderlecht mais on voit que quand Lucas Biglia est seul dans l’entrejeu, il est mort. Il rayonne davantage quand il a l’Américain, Sacha Kljestan à ses côtés.  »

Pour Semmeling, cette charnière stabilise le Standard.  » Il y a assez de joueurs offensifs dans le onze de base. Eux, ils sont là pour équilibrer le tout. Avec les deux flancs et les deux attaquants, on dispose déjà de quatre joueurs à vocation offensive. Si on ajoutait un autre joueur offensif, le Standard risquerait de se faire trop souvent surprendre, notamment en contre-attaques.  »

 » C’est vrai que parfois, la saison passée, se posait la question de l’efficacité offensive « , explique Bernard Smeets.  » On avait demandé à Buyens de se montrer davantage dans les 16 mètres mais il se bridait encore. Je vois qu’il a beaucoup progressé à ce niveau-là et cela profite à toute l’équipe.  »

 » Un des acquis de Ron Jans fut de positionner Buyens un cran plus haut. Riga avait déjà essayé mais sans succès « , continue Waseige.  » Cette saison, Buyens a marqué 6 buts et on voit qu’il dispose d’un bon sens de la finition.  »

 » Evidemment, ce serait plus intéressant et plus offensif d’avoir dans l’entrejeu un profil du style Fellaini, qui peut à la fois récupérer des ballons et porter le danger, mais le Standard n’a pas cela en magasin « , conclut Vandersmissen.

Sont-ils assez créatifs ?

Le Standard joue donc avec deux médians défensifs mais on sent, tant chez Riga, chez Rednic que chez les supporters, une certaine nostalgie du joueur créatif, véritable numéro dix à l’ancienne. C’est dans cette optique que le Standard avait notamment transféré Nacho Gonzalez et, à présent, Adrian Cristea.  » C’est ce que les gens espèrent voir « , reconnait Semmeling.

Pourtant, pour Frédéric Waseige,  » il ne faut pas résumer la création à l’axe.  » Pour lui,  » elle peut venir des flancs ou d’une animation offensive.  »

Pour Degryse,  » il y a différentes manières de jouer au football. Le Standard cherche un jeu direct avec deux attaquants rapides. Il ne faut pas prendre Buyens et Vainqueur pour ce qu’ils ne sont pas. Longtemps, on s’est posé la question de savoir si Vainqueur ne ferait pas un bon meneur de jeu car il avait quand même de la technique mais si on l’avance sur l’échiquier, il devrait jouer plus souvent dos à l’adversaire et serait mis sous pression bien plus vite. Là, il joue face au jeu et peut prendre son temps pour trouver des solutions. Ce ne sont pas des numéros dix, certes, mais on dit cela aussi de Biglia ou de Steven Defour. Et cela ne sert à rien d’en transformer un des deux en meneur de jeu.  »

 » Au début, Vainqueur avait tendance à jouer trop latéralement, comme Biglia, mais je trouve que Rednic essaie de corriger cela « , dit Vandersmissen.  » Il demande à ses deux médians de se rendre disponible. C’est la preuve qu’ils peuvent créer du jeu. Ils ne sont pas utiles qu’à la récupération. Ils ont des qualités pour participer à la construction.  »

Faut-il en laisser un des deux sur le banc ?

L’arrivée d’Adrian Cristea va inévitablement relancer le débat.  » Je ne pense pas « , dit Vandersmissen.  » Rednic a mis des mois avant de trouver un équilibre. Ce serait de la folie de le briser. D’autant plus que Cristea n’a pas encore le physique adéquat pour le championnat de Belgique et qu’il faut lui laisser le temps de s’adapter.  »

 » Pour le moment, le Standard a besoin de joueurs avec un grand volume de jeu « , renchérit Semmeling.  » Mais comme l’équilibre est acquis, je ne vois pas ce que cela pourrait apporter de plus d’en mettre un sur le banc. Le Standard a réussi de bons résultats avec cette charnière. Pourquoi la modifier ?  »

Pourtant, on voit mal Rednic, qui a réclamé haut et fort un médian offensif, se passer des services de Cristea. Mais qui faut-il alors mettre sur le banc ?  » C’est vrai que si tu veux pousser tes exigences plus haut, tu dois mettre un des deux avec un joueur plus créatif « , reconnaît Waseige,  » En résumé, il y en a peut-être un de trop mais les deux ont leur place ! « .

 » S’il ne faut en titulariser qu’un, cela doit être Vainqueur « , tranche Degryse.  » C’est un médian défensif pur, qui a le physique pour récupérer des ballons. Cependant, selon moi, ce n’est pas nécessaire d’en faire sauter un des deux. Cristea a montré ses limites face à Mons. Il n’est pas encore au point au niveau physique.  »

La saison passée, Riga avait préféré Vainqueur à Buyens.  » Car Vainqueur a plus de qualités de relance et de passes que Buyens, qui, de plus, ne marquait pas assez « , reconnaît Smeets. Pourtant, de l’avis général, Rednic ne doit pas chercher à tout prix à dissocier cette paire.  » Dans les grands matches, tu ne peux pas te passer de l’abattage des deux « , conclut Van Moer.  » Sinon, tu perds l’entrejeu et donc le match ! « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – IMAGES: IMAGEGLOBE

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