Un diagnostic

Le T2 du Canonnier a connu les plus belles heures de l’Excel comme joueur. Il compare les bulletins de santé d’hier et d’aujourd’hui. Ça va de très bon Å à très mauvais Í.

C laude Verspaille (42 ans) a joué 387 matches en D1 avec Courtrai, le Club Bruges et Mouscron, entre 1981 et 1999. Pendant ses 5 ans à l’Excel (1994-1999), il a connu la période dorée de ce club : la montée en D1, le podium, l’Europe. Le temps béni avec Georges Leekens puis Hugo Broos. Il y a juste un an, il est revenu au Canonnier (après des expériences d’entraîneur principal à Tournai et Wevelgem City) comme adjoint. Le changement de paysage est évidemment frappant. Mouscron en pleine ascension, c’est terminé.

Ambitions : Í

Claude Verspaille :  » On ne parle plus de la même chose qu’à l’époque où je jouais ici. Quand nous sommes montés, l’ambition déclarée était de jouer le maintien ou de nous caler dans le ventre mou. Mais nous nous sommes tous piqués au jeu après le début de championnat en fanfare. L’Excel jouait le titre à Noël : complètement fou. Georges Leekens est parti chez les Diables Rouges en janvier, mais la belle histoire a continué avec Gil Vandenbrouck et nous avons fini à la troisième place. Il était logique que beaucoup de gens nous imaginent encore aussi bons la saison suivante, qu’on parle d’Europe, même de titre. Moi, je suis toujours resté réaliste : nous étions en pleine euphorie et il fallait rester raisonnable, surtout après le départ de Mbo et Emile Mpenza au Standard. J’avais prévu que la deuxième saison en D1 serait difficile. Nous avons terminé à la dixième place, puis à la quatrième un an plus tard. Ce bilan était déjà inespéré. Aujourd’hui, tout est très différent. Plus personne n’ose parler de podium ou d’Europe. Les ambitions sont ailleurs : assurer le maintien, éviter la faillite, décrocher la licence. Le budget actuel n’a plus rien à voir avec celui de ma période de joueur. Et je trouve que l’équipe se débrouille bien par rapport aux pronostics de l’été dernier, quand presque tous les journaux nous désignaient comme descendants presque certains « .

Noyau : Í

 » Quand je jouais ici, il y avait 6 ou 7 vrais leaders sur le terrain. Des gars comme Koen De Vleeschauwer, Yves Vanderhaeghe, Gordan Vidovic, Dominique Lemoine, Zoran Ban, Frédéric Pierre ou Tonci Martic tiraient l’équipe. Ajoutez-y les Mpenza, qui nous apportaient une force offensive extraordinaire. Aujourd’hui, qui avons-nous encore comme patrons dans le vestiaire ? Geoffray Toyes et Steve Dugardein. Peut-être un peu Alex Teklak. Et la qualité générale du noyau a suivi le mouvement du football belge. Quand je vois qu’un Tjörven De Brul ou un Stefan Leleu sont encore dans le coup à leur âge, je me dis que notre foot a fameusement régressé. Le paradoxe, c’est que les salaires ont fortement augmenté par rapport à l’époque où je jouais dans ce club. A mon retour, il y a un an, j’ai failli avaler de travers en apprenant ce que gagnent certains joueurs « .

Infrastructures : Å

 » L’évolution a été incroyable. J’ai encore connu les vieux vestiaires, la vieille tribune principale. Aujourd’hui, l’outil est fantastique : salle de fitness, sauna, bain à bulles, piscine pour la rééducation des blessés, terrains synthétiques (couvert et extérieur), pelouses parfaites, salle des joueurs confortable et très bien équipée. Et il y a évidemment le Futurosport. Sur ce plan-là, l’Excel est au top en Belgique « .

Ambiance : Í

 » Quand je jouais ici, le Canonnier était presque systématiquement plein : 9.800 personnes venaient, que l’adversaire soit Anderlecht, le Lierse ou Westerlo. Maintenant, c’est une moyenne de 3.000 avec des pointes à 5.000 en cas d’actions spéciales. Quand les joueurs de mon époque quittaient le stade, après minuit, il y avait encore un monde fou à la buvette. Aujourd’hui, il y a beaucoup moins de monde et les supporters rentrent dès la fin du match. Il y a l’absence de résultats et surtout la perte d’identité régionale. Faites le compte des gars du coin qui jouaient avec moi : Steve Dugardein, Olivier Besengez, De Vleeschauwer, Stefaan Tanghe, Emile et Mbo, Donald Van Durme, Lionel Ladon, Giovanni Seynhaeve, Lemoine, etc. Aujourd’hui, il reste Besengez et Dugardein, en plus des jeunes Daan Van Gijseghem et Romain Haghedooren. C’est peu. Avant, les gens venaient pour voir des joueurs du coin et il y avait un vrai ancrage flamand, avec près de 50 % de néerlandophones. Parfois, on me commandait 50 ou 60 places dans mon quartier. Il y avait à chaque match entre 2.000 et 3.000 supporters flamands. En plus, Courtrai végétait en D2, Roulers n’était pas là et Waregem avait fait faillite. Aujourd’hui, il y a Zulte Waregem et Roulers en D1, et Courtrai va peut-être jouer le tour final de D2. Ce fut une grosse erreur d’abandonner ce côté flamand. Pourquoi a-t-on viré un gars de caractère comme De Vleeschauwer, qui a ensuite prouvé à Roulers qu’il n’était pas fini ? ».

Rayonnement régional : Í

 » Les gens de Mouscron parlent toujours autant de foot qu’il y a quelques années, la passion est toujours là. Mais dès qu’on quitte le grand Mouscron, ce club n’intéresse plus. On en revient à la perte d’identité régionale « .

Influences politiques : Ç

 » On a clairement senti que l’influence politique était moins forte quand Jean-Pierre Detremmerie a pris du recul, mais il a fait récemment son retour aux affaires et les conséquences ont été tout de suite visibles : de nouveaux sponsors sont arrivés, certains qui avaient quitté le club sont revenus. Detremmerie est venu parler deux ou trois fois aux joueurs depuis quelques semaines, il leur a expliqué la situation financière et les a rassurés « .

Transferts :Í

 » Quand je jouais ici, les transferts étaient le plus souvent des succès. En plus, Mouscron signait de bons coups en optant pour un recrutement régional. Willy Verhoost a amené de très bons renforts, puis ça a continué à bien marcher même après son départ. Quand je suis revenu comme T2, j’ai demandé comment fonctionnait la cellule de scouting. J’ai failli tomber de ma chaise quand on m’a dit qu’il n’y en avait plus à l’Excel. Le club a encore réussi l’une ou l’autre bonne chose de temps en temps, comme avec Luigi Pieroni ou Demba Ba, mais on s’expose automatiquement à de grosses déconvenues quand on n’a pas un département de scouting. Depuis deux ou trois ans, l’Excel réussit en moyenne 2 transferts sur 5 : c’est beaucoup trop peu. La lacune va être comblée : en tant que directeur technique, Gil Vandenbrouck va s’atteler au recrutement, Geert Broeckaert va l’assister, moi aussi. Il faut que ce club recommence à travailler avec des joueurs de la région, il ne faut pas hésiter à aller puiser dans les divisions inférieures « .

Style de jeu : Í

 » Leekens et Broos voulaient amener la balle le plus vite possible dans le rectangle adverse. Leekens misait à fond sur la contre-attaque et une fois que l’adversaire avait perdu le ballon, nous étions généralement en trois passes maximum dans la zone de vérité. Broos soignait un peu plus la circulation mais il voulait aussi qu’on arrive très vite devant. Et tous les deux insistaient énormément sur les phases arrêtées. Aujourd’hui, le foot de Mouscron est fait de petites passes mais il faut que ça devienne efficace. Il nous manque un gars comme Lemoine qui appelait et distribuait comme personne. Nous avons commencé cette saison en 4-3-3, avec le trio Demba Ba- Adnan CustovicBertinTomou devant, et notre départ a été parfait. Mais tout s’est très vite cassé, quand Demba Ba s’est blessé. Nous avons essayé de faire un remplacement poste pour poste : mettre Alioune Kebe puis Adolph Tohoua à la place de Demba Ba. Mais ils n’ont pas le même profil que Demba et nous avons dû passer à un 4-4-2 plus défensif « .

par pierre danvoye – photos : reporters

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