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UN COUPLE SANS ENFANTS

Le paysage du football national belge a cette particularité d’être composé de clubs basés dans des tout petits villages. Dernier volet de cette balade à Warnant, un club qui fonctionne sans aucune équipe de jeunes.

Seize, dix-sept, dix-huit… Sur les hauteurs de Huy, le grand vent glacé de cette fin novembre n’a pas comme seule utilité de faire dépoussiérer les manteaux chauds d’hiver. Une grosse vingtaine d’éoliennes ont ainsi trouvé leur place aux quatre coins de ce paysage du sillon Sambre-et-Meuse pour prouver que l’énergie créée dans la région peut également être naturelle.

C’est à cet endroit qu’est implanté Warnant, un petit village d’un peu plus de 900 habitants au sein duquel on trouve quelques sublimes cours de fermes des XVIIe et XVIIIe siècles. Au centre du patelin, c’est la rue Burettes qui abrite le terrain de foot local. Tout autour de la pelouse, une barrière semble interdire l’accès à un quelconque enfant qui voudrait se défouler pendant la semaine.

 » Ça a été installé depuis peu car tout a été refait il y a 2-3 ans et qu’on veut préserver le terrain. Mais l’accès n’est pas interdit : si des gosses veulent vraiment jouer, ils passent facilement par la prairie…  » Entre deux cours donnés à l’école, Jean-Guy Eyckman dévoile quelques informations sur un club où il officie en tant que coach pour la douzième année, ce qui lui a suffi pour connaître l’époque où la buvette n’était qu’un cagibi en bois avec un poêle pour se tenir chaud.

 » C’était vraiment des infrastructures d’un club de P3-P4 « , assure-t-il.  » Certains clubs nous font encore des reproches sur nos installations quand ils viennent… mais ça fait son charme !  »

PROMU PAR HASARD

Président du RFC Warnant depuis 37 ans, Guy Houssa est un homme difficile à rencontrer. À la tête d’une entreprise fournisseuse de mazout, le sexagénaire est aussi un grand fan de chasse, les rendez-vous sont donc précieux avec le troisième président de l’histoire du FC, devenu royal pour ses 50 ans en 2004. Mais ce que Guy retient le plus depuis qu’il est à la tête des Hutois, c’est la montée en Division 3 amateurs acquise la saison dernière…

 » On s’est retrouvé troisième de la P1 liégeoise avant de perdre le dernier match du tour final « , glisse-t-il.  » Mais suite à la réforme du foot belge et à l’arrêt du Patro Lensois, une place s’est libérée pour une équipe liégeoise et on en a profité.  » Une chose qui n’était pas spécialement prévue au sein du comité.  » Sportivement, ce n’était ni une obligation, ni une volonté. Mais le staff et les joueurs se sont pris au jeu, même si j’étais plutôt réticent : autour de moi, j’ai souvent vu des petits clubs qui atteignaient le national avant de redescendre et de connaître de grosses difficultés.  »

Désormais en D3A, Guy a rapidement eu l’occasion de se rendre compte des nombreux désavantages qui tranchent avec la joie de la promotion. Le premier semble paradoxal, puisqu’il s’agit de la désertion du stade… qui s’explique par le désintérêt des locaux pour un Warnant-Arlon  » mais aussi parce que c’est plus agréable de suivre une équipe qui gagne, ce qui est moins notre cas cette saison…  »

FIER D’ÊTRE LÀ

L’autre désavantage principal de l’accession en D3 amateurs, ce sont les normes. Tout club débarqué à ce niveau a trois ans pour s’y conformer, Warnant n’y coupera pas.  » La largeur de notre terrain devrait atteindre les 64 mètres alors qu’on est à 57 pour le moment. On doit aussi se mettre en ordre avec l’éclairage. Mais j’ai appris via le Ministère des Infrastructures sportives que seuls 20 clubs sur les 76 francophones des divisions nationales étaient en ordre. Si on nous impose ça, on ne s’en sortira pas !  »

Si l’équipe n’a pas connu de transferts entrants marquants malgré la montée, c’était une volonté financière du club qui voulait aussi féliciter les gars qui se sont battus l’an dernier.  » Mais sur la petite vingtaine de joueurs que nous possédons, dix ne conviennent pas pour le niveau national « , confie Jean-Guy.  » Nous ferons un bilan à la mi-décembre : est-ce que ça vaut encore le coup d’investir plus ou bien est-ce qu’on en reste là ?  »

Tout aussi conscient des difficultés que le RFC va rencontrer pour se stabiliser au niveau national, Guy souligne néanmoins la performance de son club.  » On est fier d’être là ! Encore aujourd’hui, c’est une chose inimaginable d’amener ce club à ce niveau.  »

SAIN ET CORRECT

Créé en 1954 sur les bases d’un ancien club ayant connu des déboires –  » Je ne sais même plus pourquoi « , certifie Guy – l’actuel RFC Warnant a évolué le plus clair de son temps en P4 et P3. Mais il y a une dizaine d’années, le comité a fait les efforts nécessaires pour constituer une équipe qui tenait la route. C’est à ce moment-là que Jean-Guy a débarqué comme entraîneur de la première.

 » J’ai rapidement découvert un club sain et correct « , lance-t-il.  » Le président et moi avons la même philosophie : on ne se téléphone jamais – sauf pour les transferts et en cas de problème – parce qu’il me fait confiance. C’est ça l’esprit du club : l’entraîneur a les mains libres concernant le sportif.  »

La suite, c’est cinq participations au tour final et quatre finales de Coupe de la Province.  » Evidemment, on a dû passer par le sponsoring – même si on avait encore de belles recettes avec une moyenne de 180 spectateurs par match – pour se constituer une équipe compétitive « , reprend Guy. Dans son histoire, Warnant n’a en effet pas beaucoup pu compter sur son village pour avancer.

AUCUN JEUNE

 » Un gars de Warnant en D3 amateurs ? Impossible ! Même en P1 on n’en a pas eu « , s’exclame le président. La dernière fois que des Warnantoisont clairement représenté le club remonte aux années 70 quand il était en P2 et P3.  » Mais le village n’a jamais vraiment fait le club « , répète Guy. Pour s’en convaincre, il suffit de retourner près du terrain, devant la Maison de quartier du patelin.

Alors qu’elle s’apprête à faire du rangement dans la salle, une femme d’une quarantaine d’années plutôt indifférente se fend d’un cinglant  » Ceux qui aiment bien le foot vont au stade, mais moi ça ne m’intéresse pas  » sans aucune envie d’en dire plus, comme si la question était tabou…  » Attention, il y a quand même une cinquantaine de fans des environs qui nous suivent « , corrige Jean-Guy.  » Et les tout gros derbies peuvent attirer jusqu’à 250 personnes.  »

Il faut dire que dans la commune de Villers-le-Bouillet, quatre villages sur cinq possèdent un club, ce qui multiplie les possibilités de voir du foot le week-end… et de répartir les jeunes à droite à gauche ? Pas du tout !  » On n’a plus aucune équipe de jeunes depuis 4-5 ans « , se désole Guy. Il y a eu un désintéressement des dirigeants à une époque par rapport aux jeunes.

Nos enfants sont désormais trop âgés pour jouer et il y a eu une cassure avec la nouvelle génération. On a manqué notre coup, même si on avait moins d’infrastructures à ce moment-là pour accueillir les enfants. Mais du coup, il n’y a pas de renouvellement, pas de nouveaux parents et donc un vide se crée. Les prochaines années me font peur !  »

Il sera encore temps d’investir dans l’énergie naturelle…

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO BELGAIMAGE

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