Un champion précoce

Le circuit de Spa-Francorchamps constituerait l’endroit idéal pour battre le record absolu de victoires (51).

En s’imposant en Hongrie, Michael Schumacher est du même coup devenu le pilote qui, avec Alain Prost, a remporté le plus grand nombre de GP et a conquis son quatrième titre de champion du monde, apportant au passage à Ferrari le titre mondial des constructeurs.

Bref, une anomalie: le titre est décidé avant des épreuves très attendues comme celles de Spa ou de Monza, sans parler d’Indianapolis ou de Suzuka, qui espérait secrètement que la décision tombe le dernier jour en mondiovision. Etre assuré du titre après treize des dix-sept Grands Prix au programme, cela n’était jamais arrivé à Schumi. En 1994, il avait dû batailler ferme jusqu’au seizième et dernier Grand Prix. L’année suivante, il s’était imposé à l’issue du quinzième des dix-sept épreuves au programme. Et, en 2000, il avait été couronné lors de la seizième et avant-dernière course. Coïncidence: le record a également été établi à l’Hungaroring par Nigel Mansell qui, en 1992, s’était adjugé le titre après la onzième des seize courses à l’affiche.

Heureusement, cette consécration précoce n’aura pas de répercussion négative sur l’assistance au GP de Francorchamps puisque les organisateurs ont annoncé près de deux semaines avant l’épreuve que celle-ci affichait complet. Il faudra probablement s’attendre à une arrivée massive de supporters allemands. Si, en Italie, 10.142.000 téléspectateurs ont suivi la chevauchée victorieuse de Schumi (le pic a été enregistré au départ avec 11.684.000), en Allemagne, ils étaient 11.330.000 à avoir pris place devant l’écran.

Il n’est peut-être pas utile de s’éterniser sur les mérites d’un pilote d’un autre univers qui se produit sur une scène remplie de demi-figures et dans l’attente que quelque pilote prometteur ne devienne un réel adversaire. Comme Mika Hakkinen, que l’on avait désigné comme l’anti-Schumi, a donné l’impression d’être sur le déclin et s’est montré très inconstant, on s’est empressé de parler de la menace David Coulthard, un play-boy en progrès mais qui n’a rien d’un sorcier en piste, afin de valoriser l’exploit de Michael Schumacher.

Il faut néanmoins reconnaître que les mérites du pilote sont grands.

Il a emmené Ferrari dans son sillage, a hypnotisé ses adversaires et s’est révélé être un exemple d’application pour tous. Et puis, c’est un superbe athlète qui a fait de la vitesse sa compagne, la transformant pour en faire un spectacle. Fort et chanceux comme le sont les champions, il attend toutefois toujours son permis de séduire.

Le meilleur Schumi de tous les temps

Malgré une popularité toujours grandissante et d’un plus grand humanisme, Schumi n’est pas parvenu à faire une brèche dans les coeurs comme l’ont fait des pilotes moins souvent victorieux mais dotés d’un plus grand sens de la communication et plus ouverts.

Mais les GP ne sont pas des concours visant à l’élection de Miss sourire. Schumacher mérite le respect malgré ses déclarations toujours identiques et empruntées, parsemées de quelques mots ingénus qui diminuent la distance le séparant du commun des mortels. Ne l’a-t-il pas avoué lui-même en déclarant après certaines victoires: « Excusez-moi, je suis peut-être un grand pilote mais je ne sais pas exprimer ce que je ressens en ce moment ».

A l’Hungaroring, Schumacher est parti en tête et plus personne ne l’a revu même si, au gré des ravitaillements, Coulthard et Barrichello se sont retrouvés en tête respectivement pendant quatre et deux tours.

Dans le clan Ferrari, ils étaient nombreux à dire que l’on avait vu à l’oeuvre le meilleur Schumi de tous les temps. Un beau compliment auquel le pilote se contenta d’abord de sourire. Puis il ajouta: « Il sera peut-être difficile d’améliorer encore mes prestations, mais j’ai appris qu’en F1, il existe toujours une marge de progression. Pour cela, il faudra donc travailler dur ».

A quel moment de l’épreuve, Schumacher s’est-il dit que le titre était en poche?

« Seulement à deux tours de la fin. Jusque-là, même si de l’extérieur tout semblait facile, j’ai toujours eu une certaine appréhension. Je l’avoue, lors de mon arrivée en Hongrie, je nourrissais des sensations fort mitigées sur ce qui allait se passer. Alors, même si ma voiture roulait merveilleusement bien, je suis resté constamment à l’écoute de chaque bruit et j’ai sans cesse gardé le contact avec Ross Brawn. En fait, notre directeur technique n’a éprouvé le besoin de me donner certaines indications qu’au moment où Coulthard est passé devant Barrichello. Je dois faire une confession: généralement, après le warm-up, je me repose une demi-heure. En Hongrie, je me suis réveillé après dix minutes, en sueur et anormalement nerveux. Cela ne m’était jamais arrivé ».

Est-ce cette nervosité qui l’a fait sortir de la piste lors du tour de chauffe?

« Non, elle n’y était pour rien. J’ai tout simplement voulu éviter de glisser sur le bord et c’est pour cela que j’ai suivi une autre trajectoire. C’était un instant terrible. J’ai eu peur que quelque chose ne soit irrémédiablement cassé. Heureusement, sur la grille, les mécaniciens ont tout remis parfaitement en ordre ».

« C’est dur pour Rubens d’avoir un équipier comme moi »

Barrichello a joué son rôle à fond. Le Brésilien peut-il espérer, maintenant que les titres sont en poche, être considéré comme le numéro un du team?

« Rubens mérite sans aucun doute que je le félicite. Ce qu’il a fait en Hongrie est digne d’éloges. Il a été très important pour moi et pour l’équipe. Dépasser immédiatement Coulthard dès le départ, nous a permis de nous retrouver en première et deuxième positions. Une situation idéale. Plus tard, dans la course, Rubens a de nouveau dépassé David. C’était superbe. Il ne faut pas oublier que mon compagnon d’écurie effectue un superbe travail pendant toute la saison. Je comprends qu’il soit difficile pour lui d’avoir un équipier comme moi. Mais une chose est sûre, il m’est d’un très précieux secours: quand il va effectuer les tests, et que pendant ce temps-là je me repose, je suis certain de pouvoir me fier à son travail et à ses jugements. Je lui ai fait cadeau de mon trophée parce qu’il l’avait trouvé superbe lors de la présentation. Vais-je maintenant le laisser gagner? En vérité, je voudrais continuer à vaincre, mais je ne doute pas qu’en l’une ou l’autre occasion, il pourra se mettre en évidence ».

Bref, le prochain objectif de Schumi est connu: « Je veux encore gagner une kyrielle de GP parce que chaque course représente à mes yeux un nouveau défi. Jusqu’en 2004, je souhaite remporter toutes les épreuves possibles au volant de ma Ferrari. Et pourquoi pas d’autres titres mondiaux? »

Rubens Barrichello est une personne émotive. Mais au moment de prendre la direction de Francorchamps, il a déclaré haut et fort quelle est désormais la seule envie qui l’anime: terminer deuxième du championnat du monde.

« Oui, je le veux absolument. Je suis troisième à cinq points de Coulthard, c’est donc tout à fait possible. Ce n’est certainement pas la motivation qui me fait défaut. Malheureusement, nous sommes tous là pour essayer de l’emporter. Néanmoins, je remercie chaque jour Dieu de m’avoir donné la possibilité de conduire une voiture compétitive. Nous aborderons les quatre derniers GP l’esprit un peu plus libre. Qui sait si cela ne pourra pas déboucher sur une victoire, rien que pour moi? De préférence à Francorchamps ou à Monza. Au fond de moi-même je préférerais que ce soit au GP d’Italie car Monza, c’est une piste spéciale qui me convient. Et puis, j’ai soif de revanche. L’année dernière, j’avais réussi de bons essais sans parvenir à confirmer en course ».

En fait, dès le lundi matin en prenant connaissance du programme de la semaine, le pilote brésilien a compris la prise de position de la direction. Dès mardi, des tests ont été prévus auxquels devaient prendre part les trois pilotes: Badoer et Barrichello le mardi sur le circuit du Mugello; Barrichello et Schumacher les mercredi et jeudi au même endroit; enfin, Badoer seul le vendredi à Fiorano. Il s’agissait de travailler le choix des pneus et la mise au point des nouvelles modifications aérodynamiques en vue du GP de Spa. L’objectif déclaré était double: permettre à Barrichello de terminer deuxième du classement des pilotes mais surtout permettre à Schumi de décrocher sa 52e victoire en GP. Chez Ferrari, on aime aussi les symboles. En effet, Francorchamps – qui, tout compte fait, n’est pas très éloigné de sa Kerpen natale – constitue l’endroit rêvé pour faire du pilote allemand celui qui aura enlevé le plus grand nombre de victoires. Tout d’abord parce Schumi considère cet anneau comme le plus beau du monde. C’est aussi celui sur lequel il a pris le premier départ d’un GP en 1991 et surtout où il a signé son premier succès une saison plus tard. Sans compter qu’en dix ans, il y notamment a décroché quatre succès, deux deuxièmes places, une disqualification pour irrégularité en 1994 alors qu’il avait remporté l’épreuve.

« Je suis plus rapide que Schumi, mais… »

La saison dernière, Rubens Barrichello s’était à plusieurs reprises plaint de son sort. On lui a vite fait comprendre que s’il n’était pas content, rien ne l’empêchait de quitter Ferrari. Le Brésilien a-t-il changé d’avis?

« Je ne commettrai plus jamais l’erreur que j’ai faite quand, en 1997, j’ai quitté l’écurie Jordan-Peugeot au profit de Stewart-Ford. La première année, je n’ai terminé que trois Grands Prix et six en 1998. Alors, je n’oublie pas deux choses. Primo: je ne suis pas chez Ferrari depuis longtemps mais j’ai toujours été un fan de la voiture rouge. Deuzio: j’ai compris comment il fallait aborder ce métier. Ici, j’ai vu qu’il y a des gens incroyables, terriblement passionnés, qui se lèvent à trois heures du matin pour descendre en piste afin de mettre les voitures au point. Pour ce qui est de la relation avec Michael, je dois dire que cette année il est parvenu à se montrer plus constant à un haut niveau. Moi, je suis plus rapide mais cela ne suffit pas. Non, le secret de ces deux titres mondiaux, c’est la parfaite combinaison entre ces personnages que sont Jean-Todt, le directeur général du département Sport, Ross Brawn, le directeur technique, Rory Byrne, qui a dessiné la F2001, Paolo Martinelli, le responsable du département Moteur, et Michael Schumacher. Allez, il y a aussi un peu de Barrichello dans ce succès ».

ESM

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire