Un café serré

Il est cinq heures, Jambes s’éveille. Il est cinq heures, Zoran Bojovic, 57 ans, n’a plus sommeil. Le café est dans les tasses, l’Escapade, son estaminet, en face de la gare n’est plus une carcasse. Bojovic est une figure populaire du football namurois. La passion pour son sport est aussi corsée que les petits noirs qu’il sert à ses clients.  » Je me lève tôt ou je me couche tard « , signale l’ancien milieu de terrain du Cercle Bruges et du Standard.  » Quand j’ai repris cet établissement, il m’arrivait de  » faire deux tours d’horloge « , de bosser plus de 20 heures sans fermer l’oeil. Mais cela en valait la peine car ma femme, nos enfants et moi, nous avons trouvé notre bonheur ici. Tôt le matin, les gens sont pressés, avalent un expresso avant de prendre le train pour Namur, Bruxelles, Liège, etc. A la fin de la journée, les clients ont plus de temps. J’apprécie ce constant va-et-vient et les habitués sont devenus des amis. Les bistrotiers doivent être psychologues avec des personnes qui leur confient des soucis personnels. Mon établissement est avant tout un café des sports. Ici, on refait tous les matchs au coin du comptoir. J’adore. J’ai été agent de joueurs il y a des années : je préférerais mourir de faim plutôt que d’exercer à nouveau ce métier où tout est permis.  »

En 1985, le Juan Sebastian Veron de Radnicki Nis (demi-finaliste de la CE 3) quitte l’ex-Yougoslavie et se fixe pour deux ans au Cercle Bruges. Après deux bonnes saisons dans la Venise du Nord, Bojovic est transféré au Standard.  » Jouer à Sclessin, c’est un rêve quand on évolue en Belgique « , dit-il.  » J’avais le style maison, j’étais fait pour ce club. Mais j’y suis arrivé au mauvais moment, quand Milan Mandaric, qui voulait reprendre le club, et le duo André DuchêneJean Wauters, ne trouvèrent pas de terrain d’entente. Comme j’avais été transféré par Mandaric, le directeur général du club, Roger Henrotay me mit des bâtons dans les roues. Il avait  » d’autres plans,  » et m’écarta alors que j’avais marqué 5 buts en 30 matches.  » Après un an en rouche, il voyage : Mulhouse, Sint Louis Storm aux Etats-Unis, Tournai, etc.

 » C’est pas mal, au bout du compte, mais je suis encore plus heureux quand j’entraîne des jeunes comme c’est le cas pour le moment au RJ Wavre « , avance l’ancien international yougoslave. Avant cela, Bojovic avait découvert le talent du plus célèbre jeune passé par l’Union Namur : Eliaquim Mangala.  » Un monstre « , pense-t-il.  » Je n’avais jamais vu un gamin doté d’un tel potentiel physique. J’ai été épaté et il est resté un temps au centre d’entraînement des jeunes dirigé à cette époque par Dominique Boucher. J’ai bien rigolé en apprenant qu’Eliaquim rentrait dans le lard des stars à l’entraînement au Standard. C’est un charmant garçon mais il n’a peur de personne. Lustin, Wépion, Namur, Standard, Porto, Manchester City, les Bleus : une ascension sportive pareille est phénoménale mais pas miraculeuse : elle se mérite. Et je vais vous dire quelque chose : il y a encore beaucoup de bons jeunes dans le Namurois.  »

Bojovic jette un oeil dans les pages de l’Avenir pour étudier les résultats de l’Union Namur, qu’il entraîna en Promotion, et de Seraing United où joue son fils. Aussi Jambois que les confitures Materne, le patron de l’Escapade devient encore plus admiratif quand il évoque le combat de son épouse, Biljana, contre la maladie.

PAR PIERRE BILIC

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